(BFM Bourse) - Les deux banques ont pris des décisions opposées jeudi. UBS est passée de "neutre" à "acheter", encouragée par les actions prises par la direction pour redynamiser son activité. Berenberg a, au contraire, révisé sa recommandation à "conserver" contre "acheter" redoutant que la faiblesse de la clientèle aspirationnelle pénalise sa dynamique.
LVMH a provoqué une onde de choc avec ses chiffres publiés mardi soir. Le numéro un du luxe a pris de court les anticipations des analystes en renouant avec la croissance (en données comparables) au troisième trimestre.
Surtout, sa division mode et maroquinerie, la plus suivie, a reculé de 2% sur la période, soit moitié moins qu'attendu par les bureaux d'études.
Plus largement, toute ses divisions ont battu le consensus (la prévision moyenne des analystes).
Le groupe a notamment tiré partie d'une amélioration de ses volumes et du trafic aux États-Unis ainsi que d'une reprise des ventes locales de produits de luxe en Chine.
La directrice financière, Cécile Cabanis, a indiqué aux analystes, mardi soir, avoir constaté une hausse "mid to high single digit" (ce que l'on peut traduire par allant de 4 à 9%) de ces dépenses en Chine.
LVMH a vu son cours s'envoler de 12,22% mercredi, sa plus forte hausse depuis le 26 janvier 2024 (+12,8%). La société aux quelque 80 maisons a entraîné dans son sillage les autres actions du secteur, Kering prenant 4,8% et Hermès 7,35%.
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Des espoirs confirmés
La publication du groupe a conforté les espoirs des analystes, dont plusieurs étaient passés à l'achat sur le titre ces dernières semaines. Ces bureaux d'études jugent que LVMH sera le grand bénéficiaire de la reprise du secteur qui devrait s'amorcer l'an prochain avant de s'affermir en 2027. Sur cette dernière année, Morgan Stanley pense que le groupe devrait revenir à une croissance en données comparables proche de 10%.
Plus largement, les chiffres de LVMH ont suscité l'enthousiasme sur l'ensemble du luxe. "Les investisseurs espèrent que LVMH, et potentiellement l'ensemble du secteur du luxe, a pris un tournant décisif en matière de croissance des ventes en devises étrangères sur deux ans, grâce à un renforcement de la Chine continentale", a expliqué Deutsche Bank.
Après la forte hausse du titre, l'action peut-elle encore grimper davantage? Deux banques ont apportés des réponses opposées. UBS a relevé, mercredi soir, son conseil à l'achat contre "neutre". Berenberg, pour sa part, est passé, mercredi, d'acheter à "conserver". Soit exactement la décision inverse.
Pour l'anecdote, l'action LVMH n'a pas l'air d'avoir davantage réagi à un des deux changements de conseil. L'action a terminé en hausse de 1%.
Berenberg voit des problèmes structurels pour le luxe
Dans sa note, Berenberg, tente quelque peu de tempérer l'enthousiasme du marché pour le luxe.
Contrairement à plusieurs autres bureaux d'études, la banque allemande pense que le luxe fait face à des difficultés de long terme.
"Le luxe est à un tournant. Les optimistes du secteur et les dirigeants affirment que les problèmes de l'industrie sont principalement liés à l'offre (notamment un manque de créativité et un mauvais rapport qualité-prix) et que la demande, c'est-à-dire les revenus, rebondira - c'est bien connu - dans six mois", écrit l'établissement allemand.
"En revanche, nous pensons que l'industrie est confrontée à un problème structurel de demande et qu'après trois décennies, le super cycle du luxe est terminé", tranche Berenberg.
La banque a mené des analyses de revenus des ménages en fonction des nationalités et des catégories d'âge. Ses résultats suggèrent que la croissance de moyen terme de la demande de produits de luxe se situera entre 2 et 3% par an à moyen terme, contre une moyenne historique d'environ 6%.
Face à ce constat, Berenberg a renforcé sa conviction sur les valeurs les plus défensives du secteur, c'est-à-dire les groupes avec la clientèle la plus élastique (et fortunée): Ferrari, Brunello Cucinelli et Hermès. A contrario, la banque est passée à la vente sur Kering.
Pour revenir à LVMH, la banque allemande souligne les atouts du groupe. "Les atouts uniques de LVMH, notamment sa taille, la force de sa marque", ou encore sa génération de cash, "placent le groupe en bonne position pour traverser le ralentissement du secteur du luxe et gagner des parts de marché", reconnaît Berenberg.
Mais la banque allemande anticipe une évaporation plus forte que dans ses précédentes projections de la clientèle dite "aspirationnelle". Cette clientèle est plus jeune et moins fortunée que les acheteurs traditionnels de produits de luxe. En recherche de signal, elle jette son dévolu sur des articles d'entrée de gamme et est par essence plus sensible à la conjoncture.
"La pression exercée sur la clientèle aspirationnelle étant plus forte que ce que nous avions initialement prévu, la croissance du chiffre d'affaires de LVMH devrait être limitée à court terme et décevoir", écrit Berenberg. L'établissement craint aussi que la société pâtisse d'une faiblesse du marché chinois ce qui, en conséquence, freinera l'amélioration de ses marges.
UBS tables sur le "self-help"
UBS, de son côté, a donc relevé son conseil à l'achat sur l'action, une première depuis deux ans pour la banque suisse.
"Au cours des deux dernières années, nous sommes restés en retrait sur LVMH, dans l'attente de signes d'un retour à une dynamique positive du bénéfice par action, qui, selon nous, est désormais de retour", explique la banque suisse.
"Bien que le contexte sectoriel reste indéniablement complexe, nous pensons que les résultats du troisième trimestre montrent que les mesures prises par l'entreprise pour remettre sur les rails ses marques au sein de la division cruciale 'mode et maroquinerie' portent leurs fruits", explique l'établissement helvétique.
L'amélioration des ventes de la société permettra in fine d'améliorer les marges et d'enclencher la bonne dynamique du bénéfice par action, juge UBS.
Dans la mode et maroquinerie, qui pèse selon la banque pour 80% du résultat opérationnel de LVMH, UBS pense que les mesures de "self help" (des leviers internes de performance), combinées à de stricts contrôles sur les coûts permettront de stabiliser les marges de la division autour de 34% en 2025-2026 avant une reprise en 2027 en direction d'un taux qui serait supérieur à 36% en 2030.
Mardi soir, Cécile Cabanis a expliqué que ces mesures de "self-help" prenaient notamment la forme de renouvellements de collections qui arriveront progressivement en magasins dans les prochains mois ou encore des initiatives dans ses magasins, tels que la boutique en forme de bateau "The Louis" à Shanghai, ou des flagships à New York, Macau ou Séoul (Café Louis Vuitton).
"Renouveau créatif"
UBS pense que la hausse des volumes rapportés par la direction dans cette division au troisième trimestre constitue "une confirmation d’un retour progressif de la dynamique" de cette division.
"Le niveau accru de créativité et d'innovation produit grâce aux multiples changements créatifs apportés à l'ensemble des marques devrait susciter à nouveau l'enthousiasme des consommateurs", espère la banque suisse.
LVMH a connu de nombreux changements de directions artistiques, notamment chez Dior, où les nouvelles collections de Jonathan William Anderson ont été bien reçues. Ce qui a conduit plusieurs bureaux d'études (Bernstein, Morgan Stanley) à espérer que le créateur insuffle un nouvel élan à la marque et donc à ses ventes.
"La combinaison des mesures de 'self-help' mises en œuvre par le groupe, ainsi que l'amélioration des tendances parmi les principales nationalités de consommateurs, nous donnent des raisons de croire que la division pourrait revenir à une croissance des ventes plus normalisée, mettant ainsi fin aux deux dernières années de sous-performance et de baisse des prévisions des analystes (le consensus sur le bénéfice par action pour 2025 a été révisé de 40% depuis octobre 2023)", poursuit UBS.
Au-delà d'UBS et Berenberg, les analystes sont en majorité à l'achat sur l'action LVMH, d'après les données d'investing.com. Quatorze recommandent de l'acheter, 9 de la conserver et seulement un bureau d'études conseille de la vendre.
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