par Pascale Denis
PARIS (Reuters) - En devenant le deuxième actionnaire d'Hermès, LVMH poursuit une stratégie de prise de contrôle sur le long terme du joyau incontesté du luxe français, estiment lundi les observateurs du secteur.
Le géant mondial du luxe a fait une entrée fracassante dans le capital d'Hermès en annonçant samedi détenir d'ores et déjà 14% du capital du sellier et bientôt 17% grâce à l'exercice d'instruments financiers.
Or, à l'instar de la patience dont il a fait preuve pour acheter des titres ou des options lui ayant permis d'acquérir sa participation au prix moyen de seulement 80,5 euros par action, alors que la valeur a terminé vendredi à 176,20 euros à la Bourse de Paris, le PDG de LVMH Bernard Arnault espère que le temps jouera pour lui.
"Les intentions sont fortes, même si elles se veulent amicales dans l'immédiat", souligne un analyste qui a souhaité garder l'anonymat, pour qui LVMH vise tout simplement "à terme, la prise de contrôle" du célèbre sellier.
LVMH, qui a pris Hermès par surprise en prévenant le groupe une heure avant la publication de son communiqué, s'est voulu rassurant, disant vouloir être un "actionnaire de long terme" et contribuer à la préservation du caractère familial et français qui est à l'origine du succès mondial de cette marque emblématique.
Les analystes de HSBC évoquent une "opération stratégique, même si elle s'inscrit dans une approche de très long terme", ajoutant que le financement d'une éventuelle future montée au capital ne devrait pas poser de véritable problème compte tenu des cash flows de LVMH et de son très faible endettement.
Pour un autre analyste, "LVMH veut être la main naturelle pour racheter leurs parts aux actionnaires familiaux qui voudraient vendre", en prenant solidement pied dans la place.
PATIENCE
Bernard Arnault est un homme patient. En 1990, au terme de trois ans de bataille acharnée, il avait finalement emporté le contrôle de LVMH après avoir commencé à en ramasser des titres décotés après le krach boursier de 1987.
La structure du capital et les statuts de commandite d'Hermès rendent en effet difficile une prise de contrôle rapide.
Société familiale, Hermès a précisé lundi qu'elle était détenue à 75% par ses actionnaires familiaux. Une soixantaine de descendants d'Emile Hermès représentent aujourd'hui la cinquième et la sixième générations issues du fondateur.
Jusqu'ici, la part de ces actionnaires était évaluée à environ 72%. Cette annonce signifie que le groupe de Bernard Arnault a acquis ses titres sur le marché, ramenant le flottant à moins de 8% seulement.
L'actionnariat de la famille est aussi régi par des droits de préemption que la société ne souhaite pas divulguer.
"On sent toujours une grande détermination de nos actionnaires familiaux", a déclaré à Reuters Patrick Albaladejo, directeur général adjoint chargé du développement et de l'image, précisant qu'une des forces d'Hermès était d'impliquer très tôt les actionnaires dans la gestion de l'entreprise.
"Il faut faire en sorte que la cohésion familiale se maintienne", a-t-il cependant tenu à ajouter.
COHÉSION NÉCESSAIRE
Son statut de commandite par action - arme anti-OPA classique adoptée par de nombreux autres groupes comme Lagardère ou Michelin - assure aux associés commandités (les actionnaires familiaux) regroupés au sein d'Emile Hermès SARL le pouvoir de gestion des affaires, même mis en minorité au capital. Seuls ces associés peuvent nommer la gérance du groupe.
Mais seule la cohésion familiale est capable de garantir l'indépendance d'Hermès. Une unité de vue et de destin qui devra faire ses preuves dans la durée.
Or, de l'avis des observateurs, aux niveaux de cours stratosphériques atteints par Hermès, certains actionnaires peuvent céder des titres, notamment pour des raisons fiscales d'ISF.
La valeur se traite sur des multiples de plus de 50 fois ses bénéfices attendus en 2011 et pèse aujourd'hui 18,6 milliards d'euros en Bourse, après avoir franchi la barre des 200 euros.
Le titre s'échangeait à un nouveau plus haut historique de 205,650 euros vers 16h30, alors que LVMH avançait de 3% à 116,850 euros, pour une capitalisation boursière de 57,3 milliards et des multiples d'environ 21 fois ses bénéfices estimés pour 2011.
Si LVMH sait qu'il ne peut pas faire grand-chose sans l'accord des actionnaires de la cinquième génération - qui ont entre 65 et 75 ans et contrôlent la majorité des droits de vote de la commandite -, il prend position vis-à-vis de ceux de la sixième génération qui ont entre 35 et 45 ans, estiment les analystes de HSBC.
"LVMH veut être dans la place (...) Il pense que la famille va vendre à moyen terme", renchérit un banquier, tandis qu'un autre s'interroge sur la légalité d'une opération qui a permis à LVMH de constituer une telle participation sans en informer le marché.
Avec la contribution d'Astrid Wendlandt et Nina Sovich, édité par Dominique Rodriguez
Copyright © 2010 Thomson Reuters
Recevez toutes les infos sur LVMH en temps réel :
Par « push » sur votre mobile grâce à l’application BFM Bourse
Par email