PARIS (Reuters) - L'existence ou non d'une action de concert entre investisseurs espagnols sera au coeur des débats lors des prochains rendez-vous judiciaires opposant Eiffage et son premier actionnaire Sacyr Vallehermoso.
Ce mercredi, les avocats de Sacyr (33,3% du capital) plaideront devant le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir l'annulation des décisions prises par l'assemblée générale d'Eiffage du 18 avril 2007.
Au cours de cette AG, le bureau a privé de droits de vote 89 actionnaires espagnols représentant 17,6% des droits de vote d'Eiffage en les accusant d'agir secrètement de concert avec Sacyr - qui réclamait cinq postes au conseil et dont la demande a été rejetée - afin de prendre le contrôle de la société.
Inversiones Portival (2% du capital d'Eiffage) et Grupo Rayet (4,2%) plaideront eux aussi, mercredi, l'annulation des décisions de l'AG.
Mardi 5 février, Sacyr tentera cette fois de convaincre la cour d'appel de Paris d'annuler la décision de l'AMF du 26 juin 2007 l'enjoignant de lancer une offre assortie d'une option en numéraire sur Eiffage et sur sa filiale APRR au motif qu'il a agi de concert avec au moins six autres actionnaires espagnols.
À Nanterre, les avocats de Sacyr entendent démontrer que le bureau de l'AG n'avait pas le pouvoir "de priver un actionnaire de ses droits de vote sur le fondement d'une simple présomption d'action de concert", selon leurs conclusions récapitulatives, dont Reuters a obtenu une copie.
"Un tel concert n'existe qu'aux dires de certains actionnaires, qui n'en rapportent aucune preuve directe, de sorte qu'il est rigoureusement impossible que le bureau prononce la lourde sanction qui s'attache au défaut de déclaration de franchissement seuil en présumant que les intéressés avaient l'obligation de déclarer de concert", estiment les avocats de Sacyr.
"INDICES GRAVES"
Pour prouver le concert, Eiffage a notamment mis en avant des "indices graves, précis et concordants", dont l'apparition simultanée de nombreux actionnaires espagnols au capital du groupe, les similitudes d'objet social des sociétés concernées, la taille excessive de leur investissement dans Eiffage au regard de leur capacité financière ou encore les liens existants entre leurs dirigeants et ceux de Sacyr.
Pour Sacyr, à l'inverse, aucun concert ne peut exister "entre des actionnaires aussi différents que des groupes industriels, des fonds d'investissements, des Sicav et des établissements bancaires" et "il est inconcevable qu'une action de concert impliquant 90 actionnaires ne se traduise pas par l'existence d'écrits (accord, correspondances, notes, etc.)".
"Et d'ailleurs, quelle politique commune durable peut-on imaginer qu'un ensemble aussi hétéroclite puisse vouloir mettre en oeuvre, à supposer qu'il soit concevable que ces membres puissent conclure entre eux un accord à cet effet ?", ajoutent les avocats de Sacyr.
Grupo Rayet, qui conteste lui aussi la compétence du bureau à déterminer l'existence d'un concert, fait notamment valoir qu'il avait "parfaitement la capacité financière d'acquérir les titres d'Eiffage" et que l'opération s'est faite "pour un prix et dans des volumes acceptables au regard de sa politique d'investissement".
Grupo Rayet souligne également que l'AMF ne l'a pas identifié comme ayant agi de concert dans sa décision publiée fin juin 2007.
RÈGLEMENT A L'AMIABLE
Dans cette décision, l'AMF a en effet indiqué n'avoir identifié que six sociétés espagnoles - Explotaciones Forestales Agricolas y Pecuarias Alavesas, Acciones Reunidas, Bens Patricios, Arcomundo, Portman Golf et Inmobiliaria Vano - comme ayant agi de concert avec Sacyr.
Si la cour d'appel confirmait la demande d'une OPA formulée par l'AMF, le prix de l'offre que devrait lancer Sacyr serait de 127,29 euros, ce qui correspond au prix d'acquisition de titres Eiffage le plus élevé payé par l'un des actionnaires concertistes identifiés par le gendarme de la Bourse.
Un règlement à l'amiable reste toutefois envisageable après des rencontres entre les dirigeants d'Eiffage et de Sacyr ainsi que des solutions évoquées par une partie des actionnaires minoritaires français, tandis que le groupe espagnol a dit être prêt à céder la participation qu'il détient au capital de son frère ennemi.
Benjamin Mallet
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