(BFM Bourse) - L’épilogue d’un cahoteux parcours boursier de dix-sept années débute. Le gouvernement veut ramener EDF dans son giron, en rachetant d'ici à l'automne prochain la part minoritaire (15% environ) du capital de de l'énergéticien encore en circulation sur le marché parisien. Introduit en Bourse en novembre 2005 à grands renforts de communication, EDF a suivi un chemin semé d’embûches. Entre décisions politiques directement à l’encontre de l'intérêt des actionnaires et errances stratégiques, retour sur un parcours boursier… électrique.
L'Etat français, qui détient près de 84% d'EDF, pourrait lancer une offre de rachat des minoritaires à un prix proche de 12 euros d'ici à l'automne prochain, selon les analystes de JP Morgan cités par l'agence Reuters. Le rachat des minoritaires pourrait en effet coûter au final plus près de 10 milliards d'euros en tenant compte des obligations convertibles en circulation et d'une prime par rapport au prix actuel de l'action, toujours selon Reuters. Le prix qui serait potentiellement offert aux actionnaires est cependant bien éloigné du cours d'introduction, qui était alors fixé à 32 euros pour les investisseurs particuliers - 33 euros pour les professionnels - en novembre 2005. Un cours valorisant alors le dossier à plus de 60 milliards d'euros. A grand renfort de communication, le gouvernement de l'époque pouvait se targuer d'avoir bien ficelé son opération puisque près de 5 millions de Français avaient pris part à la privatisation.
Chute de tension à la Bourse de Paris
Les débuts boursiers de l'énergéticien ont été plutôt timides, le titre ne parvenant qu’en mars 2006 à franchir les 40 euros, avant d’accélérer nettement. Deux ans après son entrée en Bourse, EDF inscrivait un sommet boursier à 87,75 euros, le 22 novembre 2007, valorisant la société plus de 150 milliards d'euros. De quoi la placer sur le podium des principales capitalisations tricolores cette année-là, surclassant même le géant pétrolier Total. L'Etat sut d’ailleurs profiter de cette fenêtre de tir pour se délester de 2,5% du capital à 82,2 euros. La cession de 45 millions d'actions lui aura rapporté alors environ 3,7 milliards d’euros. Un excellent timing avec le recul puisque l'âge d'or d'EDF en Bourse n'a que peu duré. Sa descente aux enfers commença dès 2008, sur fond de crise des subprimes et de fin du supercycle des matières premières. Son cours de Bourse est ainsi passé de 73 euros à fin 2007 à 41,5 euros le 31 décembre 2008.
Depuis, le titre ne s’est jamais significativement redressé. La catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011 est venue jeter le discrédit sur le nucléaire, enfonçant encore plus un EDF au bout de ses peines.
Depuis ce drame, le nucléaire n'est plus du tout en odeur de sainteté, ni chez les investisseurs, ni chez les politiques. Pour la première fois depuis plus de 10 ans, un gouvernement français osait même remettre en cause le "tout nucléaire". Outre cette nouvelle prise de position qui a fait peser une grande incertitude quant à l'avenir du nucléaire dans l'Hexagone, EDF doit débattre avec un lourd endettement, hérité du rachat hasardeux d'Areva et des nombreux retards qui se comptent en dizaines d'années, des chantiers des réacteurs nouvelle génération de Flamanville (Manche) et d'Hinkley Point au Royaume-Uni.
En 2015, EDF fêta tristement son dixième anniversaire de cotation à la Bourse de Paris. Le géant de l'énergie a été évincé du prestigieux CAC 40 quelques jours avant Noël, compte tenu d'un faible flottant et d'un parcours boursier chaotique pour les motifs précités. Le fleuron français n'était plus qu'un lilliputien de l'indice vedette parisien, cotant à peine 13 euros à la fin de l'exercice 2015. Cette sortie ô combien symbolique pour un groupe détenu majoritairement par l'Etat ne manqua pas de précipiter la baisse de tension sur le terrain boursier. Difficile pour les actionnaires de suivre EDF en Bourse tant le dossier est fortement dépendant des décisions politiques, notamment sur l'épineuse question de la transition énergétique. L'introduction du bouclier tarifaire, qui encadre le prix de l'électricité pour les particuliers au tarif réglementé ne manquera pas de creuser un peu plus les comptes d'EDF. A fin 2021, l'endettement d'EDF culminait à plus de 40 milliards d'euros et pourrait déraper à 65 milliards d'euros selon les analystes de Citigroup. D'autant plus que l'énergéticien doit encore mettre la main à la poche pour financer l'entretien du parc nucléaire actuel et la construction des six futurs réacteurs EPR 2 annoncés par Emmanuel Macron.
Une porte de sortie plus protectrice pour les actionnaires ?
Ces deux immenses chantiers sont ainsi évalués à plus de 100 milliards d'euros. Trop onéreux pour un EDF totalement exsangue. Alors, tel un chevalier blanc, le gouvernement sous la conduite de la Première ministre Elisabeth Borne, a annoncé mercredi dernier le projet de nationalisation de l'énergéticien. Une information qui n'a pas manqué d'alimenter le courant acheteur sur le dossier, le titre EDF ayant bondi de 30% depuis l'annonce de ce projet. Le gouvernement envisagerait en effet de lancer une offre publique d'achat à un cours de 12 euros par action pour retirer l'énergéticien de la Bourse, selon des projections de la banque JP Morgan citées par Reuters. C'est près 62% de moins que son prix d'introduction (32 euros), et même plus de 87% de repli depuis son plus haut historique, en novembre 2007.
"Il nous semble que la logique voudrait que l’offre de rachat des actionnaires minoritaires soit calculée avec un plan d’affaires qui neutralise ce fait du prince contre lequel le management d’EDF a intenté un recours gracieux" est-il mentionné dans la note du jour de la Lettre Vernimmen. "Ce sera probablement le cas, puisque le gouvernement a choisi la voie de l’OPAS [Offre publique d'achat simplifiée NDLR] suivie d’un retrait obligatoire, et non celle d’une nationalisation, plus protectrice de l’intérêt des actionnaires minoritaires car son succès est conditionné à l’accord de 38 % d’entre eux (6,2/16,2, pour atteindre 90 %)" ajoutent les experts.
"Etre actionnaire aux côtés d’un Etat est rarement une situation enviable à cause de sa double casquette de puissance politique et d’actionnaire, conduisant logiquement à des choix qui ne sont pas toujours dans l’intérêt de l’entreprise" déplorent les auteurs de la note ajoutant que cette situation peut expliquer l'existence de décotes de valeur pour les entreprises cotées en Bourse à actionnariat étatique dont peuvent témoigner Renault ou Eramet, et que ne semblent pas compenser l'élimination du risque de faillite induit par un actionnariat étatique.
Recevez toutes les infos sur EDF en temps réel :
Par « push » sur votre mobile grâce à l’application BFM Bourse
Par email