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Marché : Y a-t-il une bulle dans l'IA en Bourse comme le pense le patron d'OpenAI ?

mercredi 20 août 2025 à 11h30
Sam Altman, le directeur général d'OpenAI

(BFM Bourse) - Le directeur général de la jeune pousse américaine a récemment confié à des journalistes américains qu’il estimait qu’une bulle se créait autour de l’intelligence artificielle. Cette question fait débat sur le marché depuis plus de deux ans. Mais, dans l’ensemble, les investisseurs ne voient pas une bulle à l’heure actuelle.

Sam Altman a beau se trouver au coeur de la révolution provoquée par l’essor de l’intelligence artificielle (IA), cela ne l’empêche pas d'émettre une importante mise en garde.

Le directeur général d’OpenAI, la start-up américaine à l'origine des grands modèles de langage GPT et donc de ChatGPT, a estimé que les investisseurs faisaient preuve "de surexcitation" quant à l'intelligence artificielle.

"Lorsque des bulles se produisent, des gens malins sont surexcités par un noyau de vérité", a-t-il déclaré à des journalistes lors d'une soirée, selon des propos rapportés par The Verge. "Si vous regardez la plupart des bulles de l'histoire, comme la bulle technologique, il y avait quelque chose de réel. La technologie était vraiment importante. Internet était vraiment important. Les gens se sont surexcités", a ajouté Sam Altman. Si le dirigeant estime que cette bulle éclatera, il voit (évidemment) sa société survivre.

Deux précisions méritent d'être apportées. Tout d'abord, Sam Altman semblait, selon la teneur des propos relayés par The Verge, évoquer l'investissement dans l'IA dans sa globalité, c'est-à-dire en incluant également le non coté ("private equity").

Ensuite, il convient de souligner qu'OpenAI n'est elle-même pas présente en Bourse. Sam Altman ne tiendrait pas forcément le même discours si sa société était cotée à Wall Street. Selon plusieurs médias américains, OpenAI s'apprête à opérer une vente d'actions qui valoriserait la société à environ 500 milliards de dollars, la plus forte valorisation jamais obtenue pour une entreprise non cotée.

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Une bulle n'existe de façon certaine que quand elle éclate

Quoi qu'il en soit, le directeur général de la jeune pousse américaine a remis une pièce dans la machine, la question d'une bulle dans l'IA se posant depuis maintenant deux ans et demi. UBS, par exemple, relevait "des craintes de bulle" dès le printemps 2023.

Plus récemment, en novembre dernier, la Banque centrale européenne (BCE), dans sa "revue de la stabilité du système financier", notait la forte concentration des marchés américains sur une poignée de valeurs. L'institution européenne ajoutait que cette concentration "soulevait des inquiétudes sur la possibilité d'une bulle des prix des actifs liés à l'IA".

Le mois dernier, Torsten Slok, chef économiste d'Apollo Global Management, un célèbre fonds d'investissement, écrivait dans une note que la "bulle de l'IA est aujourd'hui plus grosse que celle de la bulle internet des années 90".

L'économiste avançait comme argument le fait que les dix plus importantes capitalisations du S&P 500 affichent des multiples boursiers beaucoup plus élevés que dans les années 90, avec un ratio cours sur bénéfices attendu d'ici à 12 mois situé entre 25 et 30, contre moins de 25 en 2000.

Ce constat omet toutefois de préciser que le S&P 500 dans sa globalité a aussi vu ses multiples s'apprécier nettement depuis les années 1990-2000.

Trancher la question d'une bulle est toujours chose délicate. Techniquement, une bulle se produit lorsque les prix des actifs, comme des actions, des obligations ou des matières premières, montent au point que ces prix dépassent nettement leur valeur "intrinsèque" (qui serait définie, par exemple, par les fondamentaux, comme l'offre et la demande).

Mais de façon plus pragmatique, le débat sur une bulle est surtout résolu lorsque ladite bulle a explosé. "Un krach ne s'anticipe pas, par construction, sinon il ne se produit pas", expliquait l'an passé Julien Nebenzahl, directeur des solutions d'épargne chez Etoro, sur BFM Business. On ne reconnaît réellement une bulle "que lorsqu'elle commence à se dégonfler", ajoutait-il.

Les gérants répondent par la négative

Dans le cas de l'intelligence artificielle, les spécialistes de marché ont plutôt tendance à appeler à la mesure.

"Il est vraiment difficile de considérer qu'il s'agit d'une bulle. La vitesse de 'pricing' (la formation des prix sur le marché, NDLR) a été très rapide mais finalement ce sont surtout des grands groupes qui bénéficient de cet 'effet IA' et le marché se montre peut-être généreux dans ses anticipations de valorisation", notait dès 2023, Alexandre Baradez, analyste de marché pour IG France. "Ces sociétés ont déjà un 'core business' très rentable, l'IA ne fait qu'ajouter de la valeur. On peut se diriger vers une consolidation", mais pas vers "l'éclatement d'une potentielle bulle", jugeait-il.

Les résultats de Nvidia, le grand gagnant de l'intelligence artificielle à Wall Street, ont tendance à écarter l'idée que l'essor de l'IA sur les marchés est décorrélé des fondamentaux. Sur son dernier exercice publié, ses revenus ont bondi de 114%, son bénéfice de 145%. Sa génération de cash issue de ses activités opérationnelles avait été multipliée par plus de deux, à 64,1 milliards de dollars.

"Si l’on regarde uniquement les chiffres de Nvidia et les perspectives de ses clients, on voit mal en quoi l’IA serait une bulle. C’est plutôt une opportunité à saisir", jugeait l'été dernier Christopher Dembik, de Pictet Wealth Management.

Bank of America interroge tous les mois des gérants de fonds. Dans sa dernière enquête, qui a sondé 169 participants du 31 juillet au 7 août derniers, 52% des gérants interrogés ont estimé que les actions liées à l'IA n'évoluaient pas dans une "bulle", quand 41% ont pensé le contraire. Lors de la précédente enquête mensuelle, ces taux se situaient respectivement à 54% et 37%.

Dans une note publiée fin juillet, Bank of America soulignait que la récente hausse survenue sur les valeurs technologiques allait "à l'encontre des fluctuations ponctuelles et volumiques des prix, typiques des bulles boursières". L'établissement estime que, à l'heure actuelle, aucun signal de volatilité ne laisse penser qu'une bulle peut exploser. La banque prévenait toutefois que les bulles peuvent mettre des années à se former puis se dégonfler.

Des "capex" gigantesques

Un point peut toutefois faire sourciller: les méga-dépenses des entreprises dans l'IA. Microsoft, Meta, Alphabet et Amazon ont multiplié les annonces de "capex" (les dépenses d'investissements) pour investir massivement dans les infrastructures nécessaires au développement de l'IA, comme des data centers.

Microsoft a évoqué un montant de 30 milliards de dollars sur le trimestre en cours (et donc de 120 milliards en rythme annualisé). UBS s'attend plus largement à ce que les dépenses d'IA bondissent de 67% pour atteindre 375 milliards de dollars en 2025 avant 500 milliards en 2026.

"Certains comparent la vague actuelle au boom du chemin de fer, à la radio dans les années 1920 ou à la bulle internet des années 1990", résume John Plassard, de Cité Gestion private bank, dans une note publiée lundi.

Toutefois "contrairement à la bulle internet, les géants de l'IA affichent déjà des flux de trésorerie colossaux et une rentabilité solide, capable d'absorber ces investissements", ajoute le spécialiste de marché.

John Plassard pointe davantage "un risque d'un excès de capacités", "comme l'ont montré les épisodes de surproduction dans le transport maritime ou l'énergie".

Les investissements passés par les grands groupes de tech s'accompagnent d'une amélioration de leurs comptes de résultat. Grâce à l'IA, Microsoft a pu afficher une croissance de 39% de sa division de services informatique dématérialisée ("cloud") sur le dernier trimestre publié quand Meta a expliqué que l'IA lui permettait de davantage cibler les contenus publicitaires et d'améliorer le taux de conversion. Les revenus de la société ont bondi de 22% au cours du dernier trimestre.

Des signaux encourageants

UBS voit, plus globalement, des indices encourageants. "Alors que la croissance des groupes de tech reste inférieure à celle des capex, la monétisation de l’IA continue de montrer des signes d’amélioration", remarquait-elle fin juillet. Les bénéfices par action des groupes de tech devaient, en outre, progresser de 15% cette année et de 12,5% en 2026, selon ses projections.

"Ces énormes investissements soutiennent les bénéfices parce qu’ils représentent des revenus pour quelqu’un, et ils contribuent à stimuler les gains de productivité et à augmenter les marges bénéficiaires, non seulement pour les entreprises technologiques, mais pour toutes les entreprises américaines", a écrit lundi Jeff Buchbinder, stratégiste en chef des actions chez LPL Financial, cité par Barron's.

"Les montants engagés pourraient propulser l'économie vers un nouveau cycle de productivité…Ou créer une bulle d'infrastructures surdimensionnées. Dans tous les cas, ignorer ce mouvement serait une erreur stratégique pour tout investisseur", tranche pour sa part John Plassard.

Un important test a eu lieu en début d'année, lorsque plusieurs médias ont rapporté que la start-up chinoise Deepseek avait développé des modèles d'IA aux performances comparables à celles des groupes américains mais à des coûts bien moindres. Les valeurs liées à l'IA ont tangué sur une séance mais ne se sont pas effondrées pour autant. Et les experts de marché ont très vite relativisé la menace constituée par Deepseek ainsi que ses prouesses.

Sans qu'une bulle éclate pour autant, des phases de corrections ne peuvent être exclues. C'est ce qui s'est produit mardi à Wall Street, où le Nasdaq Composite a reculé de 1,5% lesté par les replis de plusieurs actions "IA" telles que Nvidia (-3,5%) ou Palantir (-9,4%).

"Les investisseurs ont réduit leur exposition au secteur, craignant que la hausse spectaculaire entamée en avril n'ait été trop rapide et trop marquée", juge John Plassard.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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