(BFM Bourse) - L'indice phare du marché américain S&P 500 a flanché de plus de 5% la semaine dernière, soit la pire performance hebdomadaire de l'histoire s'agissant d'une semaine précédant un scrutin présidentiel. Un signal à ne pas négliger...
Vous l'aurez compris, 2020 n'est pas une année comme les autres. Et l'évolution de Wall Street ces derniers jours ne fait pas exception. Historiquement, le S&P 500 tend à grimper au cours de la semaine précédant une élection présidentielle, dans la mesure où le sort des urnes tend à s'éclaircir dans la dernière ligne droite, limitant ainsi l'incertitude qui est par essence la hantise des investisseurs.
Cette tendance à la hausse s'est produite 16 fois sur 23 élections depuis 1928, et avec les progrès des méthodes de sondage le phénomène s'est accentué après la deuxième guerre mondiale (17 hausses hebdomadaires lors de la semaine précédant le scrutin pour les 19 dernières élections, avec un gain moyen de 2,5% en huit jours). Or, au cours de la semaine écoulée, le S&P 500 a non seulement reculé mais il a même connu l'une de ses plus mauvaises semaines de l'année. Avec un recul de 5,6%, l'indice large a également signé la pire performance hebdomadaire de son histoire avant des élections présidentielles, selon des données compilées par Bloomberg depuis 1928. Le Dow Jones et le Nasdaq n'ont pas fait mieux, avec des chutes respectives de 6,5 et 5,5%.
"La nervosité était de mise à moins d’une semaine des élections présidentielles américaines" a constaté le directeur des investisseurs chez Mirabaud Securities John Plassard. En atteste le vigoureux rebond du Vix, aussi surnommé "l'indice de la peur", qui s'est envolé de 38% sur la semaine, à des niveaux inédits depuis mi-juin.
Plombée par le record de contaminations aux Etats-Unis et à travers le monde, par le durcissement des restrictions sanitaires en Europe et les publications décevantes des GAFAM, la Bourse de New York a donc également subi les incertitudes qui règnent autour de l'élection présidentielle qui divise les États-Unis.
De fait, si les sondages au niveau national donnent le candidat démocrate Joe Biden devant Donald Trump, la course est beaucoup plus indécise dans les Etats dits "clés" (Floride, Arizona, Caroline du Nord), susceptibles de faire basculer le scrutin. Et le président Trump a déjà mis en doute l'intégrité de celui-ci, affirmant qu'un dépouillement qui s'étirerait au-delà du jour du scrutin mardi serait une "chose terrible" et laissant entendre que ses avocats pourraient être sollicités.
"Étant donné la probabilité que le résultat de l'élection ne soit pas certain mercredi et peut-être pour beaucoup plus longtemps, la volatilité pourrait facilement s'accentuer et entraîner des séances en montagnes russes", avancent les stratèges d'UniCredit. "Ces élections devraient laisser les marchés sous pression, du fait des nombreux cas de figure possibles à l'issue du décompte et des risques d'une remise en cause des résultats", corrobore Vincent Boy, analyste pour IG France
D'autant que simultanément aux élections présidentielles, un peu plus d'un tiers des sièges du Sénat seront remis en jeu dans deux semaines, et qu'une poignée d'entre eux suffirait à le faire basculer avec, à la clef, une majorité démocrate. Cette élection peut s'avérer cruciale car c'est le président de cette chambre haute du Parlement qui validera la future relance budgétaire tant attendue par les investisseurs.
Des résultats contestés ? Le précédent Al Gore - Bush
Pour en revenir à l'élection présidentielle dont le verdict est idéalement attendu mercredi au plus tard, les récentes déclarations de Donald Trump -qui suggèrent une contestation des résultats si ceux-ci lui sont défavorables- réveillent de douloureux souvenirs à Wall Street. Il faut remonter à 2000 et au duel Bush - Gore pour trouver trace du dernier scrutin contesté. Il avait alors fallu attendre plus d'un mois, soit le 12 décembre (alors que le résultat était attendu le 7 novembre) pour que la question soit tranchée, la Cour suprême statuant en faveur de George W Bush.Confrontée à l'incertitude, Wall Street avait alors chuté de plus de 7% durant l'intervalle.
Et "cette fois, l'incertitude pourrait durer beaucoup plus longtemps - peut-être même des mois - ce qui pourrait déclencher un épisode de risque majeur sur les marchés" estime l'économiste américano-turc Nouriel Roubini, surnommé "Dr Doom" (Docteur Apocalypse), dans un édito publié dans The Guardian. Même s'il semble actuellement peu probable, ce scénario cauchemardesque doit selon lui être pris au sérieux.
