(BFM Bourse) - Un ancien responsable de la Bourse indienne, sans expérience dans le secteur mais promu à un haut poste sur recommandation d'un faux yogi a été arrêté. Ce maître spirituel en question pourrait n'être autre que l'ancien responsable lui-même.
L'affaire fait grand bruit en Inde. Le Central Bureau of Investigation (CBI), équivalent local du FBI, a arrêté Anand Subramanian, ancien directeur des opérations de la National Stock Exchange (NSE), dans le cadre d'irrégularités commises dans l'affaire dite de "l'installation de colocation" de la Bourse entre 2010 et 2015. En août 2009, le NSE avait décidé d'offrir des installations aux courtiers prêts à payer un supplément, permettant à ces derniers de placer leurs serveurs juste à côté de ceux de la NSE, afin d'avoir accès en premiers aux prix diffusés par le système de négociations du NSE. Au cœur de la controverse se trouvent des allégations selon lesquelles certains de ces courtiers ont illégalement bénéficié de cet accès privilégié aux données diffusés par l'opérateur boursier, leur donnant un avantage sur le reste du marché.
"Une équipe du CBI a arrêté Anand Subramanian chez lui à Madras ("Chennai" en tamoul) tard hier soir", a indiqué un responsable des services de renseignements à l'AFP.
Anand Subramanian avait été nommé directeur des opérations du NSE en 2015 par la directrice de l'époque Chitra Ramkrishna, une des rares femmes à s'imposer dans ce monde très masculin, qui aurait été conseillée par un "yogi" rencontré sur les rives du Gange. Chitra Ramkrishna a démissionné en 2016 après une série d'allégations d'irrégularités. Anand Subramanian avait auparavant été engagé par le NSE en qualité de conseiller stratégique en avril 2013 au terme d'une procédure de recrutement inhabituelle au cours de laquelle le département des ressources humaines n'avait pas été consulté. Aucune autre candidature n'avait en outre été considérée, et Anand Subramanian avait vu son salaire être multiplié par plus de 100 par rapport à son emploi précédent, à 1,68 millions de roupies par an - soit environ 20.000 euros.
Augmentations rapides et liens familiaux
Au fil des ans, Anand Subramanian a en outre bénéficié d'augmentations arbitraires et disproportionnées de sa rémunération, jusqu'à percevoir 4,21 millions de roupies par an en 2017, soit plus que la quasi-totalité des dirigeants du NSE. Anand Subramanian est par ailleurs lié à Chitra Ramkrishna par des liens familiaux.
Une enquête publiée récemment par l'autorité de régulation des marchés (SEBI) a révélé des détails accablants sur la manière dont cette dernière avait partagé des informations sensibles sur son entreprise avec ce "yogi". Chitra Ramkrishna, 59 ans, a été interrogée pendant douze heures la semaine dernière mais n'a pas été placée en détention.
Le CBI pense maintenant que le mystique, dont l'identité reste inconnue, pourrait être Anand Subramanian lui-même, manipulant Chitra Ramkrishna ou œuvrant de concert avec elle. Le yogi "se manifestait à sa guise et je n'avais pas de coordonnées géographiques", a expliqué Mme Ramkrishna au régulateur, "alors, il m'a donné une adresse email sur laquelle je pouvais envoyer mes demandes".
Les Indiens consultent des astrologues, des chefs spirituels et des "hommes-dieux" pour obtenir des conseils sur un large éventail de sujets, et le monde des affaires ne fait pas exception dans ce pays très religieux de 1,4 milliard d'habitants. Anand Subramanian a été embauché Chitra Ramkrishna en 2013, qui l'a promu directeur des opérations deux ans plus tard avant qu'il ne démissionne en 2016 après des allégations de malversations.
Les courriels du supposé yogi proposaient de se retrouver pour un "bain de mer aux Seychelles", l'un des nombreux paradis fiscaux, et à Singapour ou l'île Maurice, où les enquêteurs enquêtent sur une éventuelle fraude fiscale. Un ascenseur spécial était réservé à Anand Subramanian et Chitra Ramkrishna au NSE et une équipe spécialisée veillait à ce qu'il dispose d'essuie-mains et de distributeurs de savon séparés dans les toilettes, selon la presse.
(avec AFP)