(BFM Bourse) - Chaque année, à l’approche ou pendant les vacances estivales, grand nombre d’investisseurs se pose cette même question: faut-il rester investi en Bourse durant l’été ou au contraire alléger ses positions par crainte d’une tempête estivale ? Si l’intuition et les émotions incitent souvent à la prudence, les statistiques et l’analyse rationnelle racontent une histoire plus nuancée.
L'été, la saison de tous les dangers en Bourse? Pas forcément. Contrairement aux idées reçues, le mois de juillet affiche souvent de bonnes performances boursières.
Depuis la création du CAC 40, le gain moyen enregistré en juillet s’élève à 1%, avec 60% de chances que l’indice termine le mois plus haut qu’il ne l’était fin juin. En 2024, le mois de juillet avait marqué une progression de 0,7% pour le CAC 40 et de 1,3% en août.
Cette bonne réputation du mois de juillet se confirme encore en 2025, puisque le CAC 40 a gagné près de 1,4% malgré de nouveaux développements sur les droits de douane et des résultats d'entreprises qui ont reçu un accueil décevant.
Par ailleurs, selon des analyses récentes de Reuters, "au cours des 20 dernières années, juillet a été le mois le plus fort pour l’indice de référence S&P500 avec un rendement moyen de 2,5%". Mais la prudence reste de mise.
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Selon les données de CFRA Research citée par Reuters, le mois d'août sous-performe la quasi-totalité des autres, avec une variation moyenne proche de 0% pour le S&P 500 depuis 1945. Quant à septembre, il s'agit tout simplement du pire mois de l'année pour les marchés (avec une moyenne de -0,6% depuis 1945 pour le S&P 500) , marquant la fin des vacances et le retour d’une forte activité économique.
Quand la psychologie parasite l’analyse rationnelle
La peur de l’été est en tout cas bien ancrée dans l’esprit des investisseurs. Henry Allen, stratégiste macroéconomique chez Deutsche Bank, expliquait l'an passé au Guardian que la fin de l'été est souvent perçue comme une période difficile pour les marchés.
Les risques réels existent. Pour cette année, Laurent Denize, co-directeur des investissements chez Oddo BHF AM a listé une série de menaces estivales susceptibles de "troubler la sérénité apparente des marchés", parmi lesquels "la roulette russe tarifaire", "la fragilité obligataire américaine" ou encore "des résultats d'entreprises sous tension".
Toutefois, des facteurs psychologiques dans l'esprit des investisseurs entrent également en ligne de compte et peuvent fausser leurs jugements.
Ce sentiment repose sur plusieurs biais bien connus, identifiés notamment par les chercheurs Daniel Kahneman (prix Nobel d'économie en 2002) et Amos Tversky, qui ont travaillé en collaboration pour donner naissance à l’économie comportementale.
Plusieurs phénomènes ont été abordés tels que l’aversion à la perte qui peut pousser les investisseurs à vendre prématurément.
Il est donc parfois nécessaire de ne pas réagir à chaud. Lance Roberts, économiste et directeur de la stratégie chez RIA advisors, déconseille, sur son sur un blog, de liquider ses positions avant ou durant l'été, une décision "extrême" selon lui. Ce car les marchés sont imprévisibles, et que les investisseurs risquent en réalité de passer à côté d'opportunités.
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Ne pas rater les "bons jours"
D'autant que, au-delà des considérations sur les moyennes historiques, les marchés ont tendance à progresser sur le long terme. Ce qui impose de rester investi pour ne pas rater les "bons jours".
"Ce que nous avons constaté historiquement, c'est que les investisseurs qui s'accordent une pause hors du marché reviennent très rarement au bon moment", expliquait en mars Naveen Malwal, gérant de portefeuille chez Fidelity. "Les investisseurs attendent généralement les bonnes nouvelles et, le temps qu'elles arrivent, ils ont souvent manqué certains des jours les plus performants du marché", ajoutait-il.
Et passer à côté de ces jours importants peut avoir un impact significatif sur le rendement à long terme. Fidelity calculait dans une étude de mars 2025, qu'un investisseur qui avait "raté" les cinq meilleurs jours du S&P 500 depuis 1988 voyait son rendement être réduit de 37% par rapport à un autre investisseur qui serait resté investi tous les jours.
Rappelons que sur le long terme les marchés actions ont tendance à progresser. Une étude de Deutsche Bank de l'an dernier a montré que, sur les 50 dernières années, les actions américaines avaient progressé de 7,5% par en moyenne, chiffre qui tombe à 6,9% pour les actions françaises.
Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans le piège du "biais de disponibilité" qui désigne la tendance à privilégier les informations immédiatement disponibles à notre mémoire. Par exemple, les krachs boursiers passés en été comme en 1990, 2011 ou 2015 viennent rapidement à l’esprit. Gare également à la sur-confiance ou au contraire à la panique, liées à une moindre surveillance des marchés pendant les vacances, qui peuvent entraîner des conséquences sur la façon d’investir son argent durant l’été.
À ces biais s'ajoutent un facteur structurel : le manque de volumes sur les marchés pendant la saison estivale. Ce contexte rend les indices plus sensibles aux annonces inattendues, aux mouvements amplifiés par les algorithmes, et donc à une volatilité accrue.
Comment limiter son risque en été sans sortir totalement du marché ?
Abandonner totalement ses investissements pour l’été n’est donc ni nécessaire, ni recommandé, surtout dans une perspective de long terme.
Autrement dit, “bien que de nombreuses incertitudes persistent, il est essentiel de rester investis" résume une étude de Tikehau Capital, société française du secteur de la finance et de la gestion d'actifs.
Pour naviguer en été, il est primordial de diversifier son portefeuille géographiquement et sectoriellement afin de réduire l’impact des chocs localisés. La société de gestion CPR AM recommande d’ailleurs de privilégier les actions européennes et émergentes et de compléter son portefeuille avec des minières aurifères ou des actifs liés à l’or, valeur refuge en cas de tension.
Conserver des liquidités pour rester réactif constitue aussi une bonne stratégie pour résister à cette peur de l’été. De cette manière, les investisseurs peuvent profiter des creux temporaires pour se repositionner. Il est même possible d’automatiser les achats grâce aux ordres à seuil de déclenchement.
Investir sur les mégatendances peut aussi rassurer. Par exemple, les énergies renouvelables, l’intelligence artificielle ou les soins de santé restent des tendances porteuses à long terme, peu sensibles aux aléas estivaux.
Fidelity, dans son étude de mars 2025, recommandait de toujours avoir une réserve de liquidités disponible pour pouvoir être réactif si besoin, et surtout pour se rassurer et garder confiance dans son investissement de long terme. Ou encore, au sein d'un portefeuille diversifié, de considérer l'investissement dans des secteurs défensifs, qui résistent bien aux marchés baissiers, tels que les biens de consommation, la santé ou encore "les services aux collectivités" (distribution d'électricité, de gaz, collecte des déchets, traitements des eaux).
L'été n’est donc pas un piège systématique pour les investisseurs. La peur de cette saison s’avère relever davantage de la psychologie que de la réalité des marchés. L’erreur serait donc de céder à l’émotion, de vendre pour “partir tranquille”, ou de chercher à anticiper tous les retournements de tendance à court terme.
En d’autres termes : il faut rester investi, diversifier intelligemment, et garder un peu de liquidités sous la main pour ne pas passer à côté des opportunités.
Par Lilas Bourdon avec Julien Marion