FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a, comme prévu, laissé jeudi ses taux directeurs à leur niveau actuel, mais n'a donné aucune indication sur sa prochaine décision, alors même que les investisseurs continuent de parier sur la nécessité d'un soutien supplémentaire lorsque l'inflation tombera sous l'objectif de l'institution l'année prochaine.
Le taux de dépôt est ainsi maintenu à 2,0% et celui du refinancement à 2,15%, la BCE estimant depuis le mois de juillet que l'économie est "en bonne place", même si un nouvel assouplissement ne peut être exclu.
Des données récentes ont confirmé cette vision optimiste, offrant aux responsables de la BCE davantage de temps pour déterminer l'impact éventuel sur la croissance et l’inflation des droits de douane américains, de la hausse des dépenses publiques en Allemagne, de la baisse imminente des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) et des tensions politiques en France.
"Nous continuons d'être dans une bonne position", a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors de la conférence de presse qui a suivi la décision de l'institution.
L'inflation est "là où nous voulons qu'elle soit", a ajouté Christine Lagarde, notant que l'économie du bloc est résiliente et que l'incertitude sur le commerce mondial s'est atténuée depuis la signature de plusieurs accords sur les droits de douane voulus par le président Donald Trump.
"Mais nous ne sommes pas sur une voie prédéterminée" en matière de trajectoire de taux, a-t-elle mis en garde, réitérant le message de la banque selon lequel ses décisions resteraient dépendantes des données économiques. La décision de jeudi a été prise à l'unanimité, a-t-elle également noté.
Les marchés monétaires anticipent avec une probabilité de 50% une dernière baisse des coûts d'emprunt de la BCE d'ici le printemps prochain. En comparaison, pour la Réserve fédérale américaine (Fed), ils prévoient six baisses de taux d'ici fin 2026.
"Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer la stabilisation de l’inflation au niveau de son objectif de 2% à moyen terme", écrit la BCE dans son communiqué de politique monétaire.
Les derniers chiffres sur l'inflation dans le bloc monétaire montrent un indice des prix à la consommation à 2,1% sur un an.
L'inflation est désormais estimée par la BCE à 1,9% en 2027, en dessous des 2,0% anticipés en juin, tandis que l'inflation sous-jacente est vue à 1,8% à cet horizon, de nouvelles projections toutes deux inférieures à l'objectif de 2% de la banque centrale.
Le débat public sur les perspectives de la BCE se concentre actuellement sur une seule baisse des taux, ce qui donne à penser que la banque centrale en a terminé avec l'essentiel des modifications concernant sa politique monétaire, les taux étant susceptibles de rester autour des niveaux actuels pendant une période prolongée.
RISQUES
Un autre axe clé du débat porte sur la manière dont les responsables de la banque perçoivent les risques. Christine Lagarde a dit lors de sa conférence de presse qu'ils étaient désormais "plus équilibrés" qu'en juin, mais avec toujours des perspectives d'inflation plus incertaines que d'ordinaire.
Les membres du Conseil des gouverneurs, opposés à un nouvel assouplissement, affirment que l'économie a fait preuve d'une résilience inattendue face aux tensions commerciales et que la croissance est soutenue par le dynamisme de la consommation privée.
Ils estiment que la trajectoire de la croissance restera relativement ascendante au regard du redressement de la production industrielle dans le bloc et des projets d'investissements publics en Allemagne.
Même si les droits de douane de 15% imposés par Donald Trump sur les importations en provenance de l'Union européenne (UE) sont plus élevés que prévu, les entreprises font preuve d'une remarquable adaptabilité, tandis que la conclusion d'un accord sur les surtaxes atténue l'incertitude liée à des négociations interminables.
Christine Lagarde a également souligné que l'impact des éléments défavorables à la croissance économique comme les droits de douane et le renchérissement de l'euro devraient s'atténuer l'an prochain. Des dépenses "substantielles" en matière d'infrastructures et de défense sont prévues par les Etats membres de l'UE, a-t-elle noté.
Les partisans d'un assouplissement de la politique monétaire affirment cependant que les droits de douane n'ont pas encore pleinement produit leurs effets sur l'économie et pourraient freiner une économie déjà morose, inversant ainsi la tendance dans la consommation.
Cela pourrait alors peser sur les prix l'an prochain, au moment même où l'inflation devrait tomber sous l'objectif de 2%, amplifiant le risque que les entreprises modifient leurs stratégies en termes de prix et de salaires.
Les baisses de taux imminentes attendues de la part de la Fed devraient renforcer encore l'euro, exerçant une pression à la baisse sur les prix.
La crise politique en France, qui a fait grimper fortement le rendement de l'OAT, constitue par ailleurs un nouveau casse-tête pour la BCE.
Elle dispose d'outils pour intervenir, mais seulement en cas de hausse "injustifiée et désordonnée" des coûts d'emprunt, ce qui, selon les économistes, n'est clairement pas le cas actuellement, compte tenu de la dette élevée de la France et de sa faible croissance économique.
Interrogée sur la situation de la France et une éventuelle intervention de la BCE, Christine Lagarde a noté que les marchés obligataires souverains en zone euro étaient "ordonnés" et fonctionnaient avec un flux de liquidité normal.
L'EURO SE RAFFERMIT
Immédiatement après le communiqué de politique monétaire de la BCE, l'euro et les rendements obligataires souverains européens sont restés globalement stables.
Mais au fur et à mesure du discours de Christine Lagarde et après la publication des chiffres mensuels des prix à la consommation aux Etats-Unis qui ont montré une accélération de l'inflation outre-Atlantique, la tendance sur les actifs financiers européens s'est inversée.
A 14h10 GMT, le rendement du Bund allemand à dix ans, référence pour la zone euro, s'affiche à 2,6602%, après être monté à 2,684%, contre 2,65% à l'ouverture.
L'euro s'échange à 1,1738 dollar (+0,38%) après avoir grimpé jusqu'à 1,1744 contre 1,1693 à l'ouverture.
Les grands indices boursiers européens sont toujours dans le vert, le Stoxx 600 prenant 0,49% à 554,91 points, contre un plus bas en séance à 552,52 points et un plus haut à 555,87 points.
(Rédigé par Balazs Koranyi, Claude Chendjou pour la version française, édité par Blandine Hénault)
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