FRANCFORT (Reuters) - L'Europe doit agir rapidement pour renforcer le rôle de l'euro dans le monde et ses dirigeants doivent s'employer à étendre les liens avec les pays les plus touchés par les droits de douane américains, a plaidé jeudi François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France (BdF) et membre de la Banque centrale européenne (BCE).
La politique économique de l'administration de Donald Trump a ébranlé la confiance des investisseurs dans le dollar depuis le début de l'année sans pour autant permettre à l'euro se positionner en alternative au billet vert.
Le bloc monétaire a certes pris des mesures, mais celles-ci sont jugées trop lentes à mettre en oeuvre en raison de l'indécision, de la discorde et de la bureaucratie.
Esquissant une série de mesures possibles, François Villeroy de Galhau a déclaré que le temps presse et qu'il était crucial que l'Europe fixe une date limite, par exemple le 1er janvier 2028, pour mettre en oeuvre les changements attendus.
"Si nous ne réagissons pas rapidement, nous risquons sérieusement de voir la fenêtre d'opportunité se refermer", a déclaré François Villeroy de Galhau, lors d'un discours à Luxembourg.
La monnaie unique européenne pourrait voir son rôle s'accroître dans le monde si le bloc facturait une plus grande partie de son commerce extérieur en euros, a-t-il expliqué. Selon lui, il y a une opportunité de le faire avec les pays particulièrement touchés par la politique commerciale américaine.
"Nous pourrions tirer parti des négociations de l'UE avec des partenaires commerciaux qui ont été durement touchés par les nouvelles mesures protectionnistes américaines, par exemple l'Inde, la Suisse, l'Indonésie", a déclaré François Villeroy de Galhau.
Pour soutenir ces échanges, la BCE pourrait étendre davantage la disponibilité des lignes de liquidité en euros aux banques centrales hors zone euro.
Ce processus pourrait être encore renforcé si la BCE était enfin en mesure d'émettre une monnaie numérique, selon François Villeroy de Galhau.
Le gouverneur de la BdF est également favorable à une extension du Système de transferts express automatisés transeuropéens à règlement brut en temps réel, connu sous le nom de Target (Trans-European Automated Real-time Gross settlement Express Transfer system), aux devises de pays comme l'Inde, la Suisse, le Royaume-Uni, le Canada ou le Brésil.
Ce système de paiement permet aux banques de l'Union européenne de transférer des fonds en temps réel dans tout le territoire du bloc.
Un autre élément qui empêche l'euro de rivaliser avec le dollar est son caractère d'actif liquide et sûr. L'Europe pourrait y remédier en fusionnant les dettes supranationales existantes et en transformant les dettes souveraines existantes en véritables instruments de dette souveraine européenne, a suggéré François Villeroy de Galhau.
Dans les autres mesures visant à renforcer le statut de l'euro, le gouverneur de la BdF a cité le renforcement du capital-risque, la création d'un cadre de surpervision européen pour les fonds d'investissement et la création d'un nouveau régime juridique et réglementaire paneuropéen auquel les entreprises pourraient adhérer, remplaçant ainsi les régimes nationaux, jugés lourds et fragmentés.
(Reportage Balazs Koranyi; version française Claude Chendjou, édité par Kate Entringer)
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