(BFM Bourse) - Si les marchés chinois ont retrouvé de l'allant en 2024, l'horizon s'avère incertain en cette année 2025, celle du serpent dans l'horoscope chinois. Notamment en raison des droits de douanes que pourrait imposer l'administration Trump. Encore une fois, les potentielles mesures de relance de la part des autorités chinoises seront cruciales.
Dire que l'année 2024, celle du "dragon" dans l'horoscope chinois, a été bonne pour les Bourses chinoises peut sembler paradoxal. Le ralentissement de la première économie asiatique a préoccupé les investisseurs tout au long de l'année et a heurté de plein fouet certains secteurs, notamment le luxe et l'automobile.
Pourtant, les indices chinois ont progressé en 2024, mettant fin à quatre ans de disette. Le CSI 300, qui réunit les grandes capitalisations des bourses de Shenzhen et Shanghai, a gagné 14,6% tandis que le Hang Seng de Hong Kong a pris 17,7%.
"Les marchés boursiers chinois ont rebondi en 2024. Ils ont connu un rallye rapide et furieux en septembre-octobre 2024, sous l'effet d'une réorientation de la politique domestique", souligne Bank of America.
L'établissement américain fait référence aux décisions prises à l'automne dernier par les autorités chinoises. Ces dernières avaient alors lancé une série de mesures ciblées pour soutenir la croissance, comme des baisses de taux ou la suppression de restrictions dans l'immobilier.
"Néanmoins, la force et la portée de ces politiques restent à déterminer, et l'impact sur le PIB et les résultats d'entreprises se fera attendre pendant plusieurs trimestres", ajoute la banque américaine.
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Trump, la grande inconnue
L'année du serpent, qui débutera mercredi 29 janvier, permettra-t-elle aux Bourses chinoises de transformer l'essai? Selon Deutsche Bank ce signe est, en tout cas, souvent associé "au renouvellement et à la transformation", en référence à la mue du serpent.
Plusieurs thématiques qui ont influencé les places chinoises seront toutefois encore d'actualité cette année. En premier lieu, les incertitudes sur la politique étrangère et commerciale de Donald Trump, une inconnue qui pèse depuis la fin de l'an passé.
Le président des États-Unis a, durant sa campagne présidentielle, déclaré à plusieurs reprises vouloir instaurer des droits de douanes massifs sur les importations chinoises, évoquant un taux de 60%.
"Malgré les nombreuses inconnues, il est certain qu'une guerre commerciale avec les États-Unis aurait un impact négatif considérable sur l'économie chinoise", soulignait JP Morgan en novembre. La banque américaine estime que les exportations de la Chine vers les États-Unis représentent environ 4% du PIB du pays.
Donald Trump a cependant un peu surpris, mardi, en évoquant des surtaxes douanières qui pourraient s'appliquer dès le 1er février et seraient limitées, du moins dans un premier temps, à 10%.
"Sur la Chine, le ton de Trump a été un peu plus accommodant qu’attendu, suggérant qu’il souhaite négocier plutôt que sanctionner la Chine à court terme", juge Xavier Chapard de LBPAM. "Il n’a pas annoncé de nouveaux droits de douane au 1er jour, et a parlé de hausses de droits de douane de 10% mardi contre les 60% indiqués pendant la campagne. Par ailleurs, il a rappelé qu’il avait déjà imposé des droits de douane importants lors de son premier mandat et qu’il avait des échanges constructifs avec le président Xi", développe-t-il.
Un ton adouci
Donald Trump a ensuite déclaré, jeudi soir, qu'il "préférerait ne pas avoir à utiliser" les droits de douanes à l'encontre de la Chine, semblant ainsi adoucir le ton.
"Il est clair qu'il s'agit de remarques à l'emporte-pièce, mais le marché a eu l'impression qu'il existait un scénario dans lequel la Chine échappait aux pires conséquences du régime tarifaire. Je pense qu'il y a encore beaucoup de temps pour une approche plus agressive", prévient toutefois Deutsche Bank.
Nicholas Yeo, responsable des actions chinoises chez le gérant d'actifs Abrdn, estime que le scénario de lourds de droits de douanes à l'encontre de la Chine par les États-Unis pourrait très bien être évité. Une telle politique aurait d'importantes répercussions négatives sur l'économie américaine, avance-t-il.
Par ailleurs, l'expert de marché rappelle que, par le passé, la Chine avait répondu aux risques commerciaux sur les droits de douanes par des mesures de relance plus agressives pour accélérer la croissance. Autrement dit, la politique de Donald Trump pourrait également amener la Chine à amplifier ses efforts pour relancer la demande domestique et donc mitiger l'impact sur l'économie. C'est également un scénario qu'entrevoit UBS.
"Contrairement à ce que pensent certains investisseurs, l'histoire suggère que le discours 'Trump est mauvais pour la Chine' n'est pas nécessairement suffisant pour influence l'évolution des actions à long terme. Nous considérons les questions nationales comme le moteur le plus important des actions chinoises", souligne aussi Nicholas Yeo d'Abrdn.
Quid des mesures de relance?
C'est l'autre grand point d'interrogation: que feront les autorités chinoises pour stimuler l'économie cette année? "Les mesures de relance du gouvernement sont essentielles pour les perspectives. En 2024, le gouvernement chinois a, à plusieurs reprises, sur-promis et sous-délivré sur ce point", pointe la maison de courtage Charles Schwab.
Les stratégistes s'accordent en tout cas à penser que davantage d'actions sont requises pour soutenir la croissance. "Si les récentes initiatives gouvernementales, telles que la réduction des taux hypothécaires et des ratios d'acompte de paiements, et l'amélioration de l'accès au financement pour les promoteurs (immobiliers, NDLR) à court d'argent, ont incontestablement constitué un pas dans la bonne direction (…), d'autres mesures d'incitation seront probablement nécessaires", explique par exemple Allianz Global Investors.
En 2024, la Chine a atteint son objectif de croissance du PIB de 5% de justesse. Le gouvernement n'a pas encore annoncé sa cible pour 2025. Mais Pictet AM s'attend à un objectif "robuste" d'environ 5% avec un intervalle allant de 4,5% à 5%.
Deutsche Bank table sur une croissance chinoise de 4,8% en 2025 et attend des mesures de relance représentant 2,5 points de PIB. UBS retient un chiffre plus restreint, de 2 points de PIB.
"Nous pensons que la Chine pourrait faire davantage pour soutenir l'emploi des jeunes, les entrepreneurs privés et les nouvelles naissances, grâce à certaines mesures efficaces en termes de coûts", estime de son côté Bank of America.
La banque évoque, par exemple, des allocations accordées aux nouveau-nés pendant les six premières années, une mesure qui a été expérimentée avec succès dans la "petite" (1,1 million d'habitants) ville de Tianmen. Ou encore des subventions qui seraient accordées aux entreprises pour recruter des jeunes diplômés.
En termes de potentiel boursier, UBS voyait en novembre le MSCI China, un indice qui mesure la performance des actions chinoises en dollar, atteindre 69 fin 2025 contre 63 à l'heure actuelle, soit une progression de 9,5%.
La banque suisse souligne que les actions chinoises ont tendance à relativement faire preuve de résilience malgré le contexte économique compliqué. Ces actions accusent une décote de 40% face aux actions des autres pays émergents, contre une prime de 13%, en moyenne, sur les dix dernières années, observe par ailleurs l'établissement helvétique.
Pictet AM, de son côté, table sur un MSCI China à 71 à la fin de l'année, dans le cas où des surtaxes douanières américaines de 20% seraient mises en place.