(BFM Bourse) - Le phénomène de bulle sur les marchés s'est produit à plusieurs reprises par le passé. S'il n'existe aucune méthode infaillible pour le discerner, des signes peuvent inciter à la prudence.
C'est une question récurrente en phase de marché haussier: assiste-t-on à la création d'une bulle en Bourse? L'engouement des investisseurs pour les promesses de l'intelligence artificielle générative ou encore pour les médicaments anti-obésité a ravivé ces questions sans pour autant que le débat soit tranché.
Mais qu'appelle-t-on déjà une bulle? Selon une définition sur laquelle natixis.com/en-gb/insights/macro-views/2024/everyone-s-talking-about-market-bubbles">s'accordent Natixis et CMC Markets, une bulle se produit lorsque les prix des actifs, comme des actions, des obligations ou des matières premières, montent au point que ces prix dépassent nettement leur valeur "intrinsèque" (qui serait définie, par exemple, par les fondamentaux, comme l'offre et la demande).
Cette hausse est ainsi générée par de la pure spéculation plutôt que par les fondamentaux. Autrement dit, le marché achète parce que tout le monde achète et qu'il craint de rater le train en marche. "Cette flambée des prix est généralement alimentée par l'optimisme des investisseurs, la mentalité grégaire et l'attente d'une nouvelle croissance", explique Natixis. Ces bulles peuvent concerner l'ensemble du marché ou un secteur dans son ensemble, rappelle CMC Markets.
Parmi les bulles les plus célèbres, citons celle du XVIIe siècle qui a porté sur…les bulbes de tulipe. La fleur, prisée pour sa rareté et son prestige, a en effet entraîné une frénésie spéculative, au point où un bulbe valait, au pic de la bulle, l'équivalent de deux maisons à Amsterdam. Autres exemples de bulles plus récentes: les "nifty fifty", cette période allant de 1965 à 1972 et durant laquelle cinquante grosses capitalisations américaines (Coca, Xerox, McDonald's, IBM) étaient jugées incontournables peu importe leurs prix, ou encore la bulle internet de 1995 à 2000.
Lorsqu'"un nouveau paradigme" apparaît
Comment peut-on détecter ces bulles en Bourse et ainsi se préparer à un décrochage des marchés lorsque la dite bulle éclate? Disons-le tout de suite: il n'existe pas de méthode infaillible. Sinon tout le monde vendrait ses positions à la moindre apparition d'un semblant de bulle qui n'aurait ainsi pas le temps de se former.
"Un krach ne s'anticipe pas, par construction, sinon il ne se produit pas", a rappelé lundi Julien Nebenzahl, directeur des solutions d'épargne chez Etoro, dans l'émission "Tout pour investir" de BFM Business. On ne reconnaît réellement une bulle "que lorsqu'elle commence à se dégonfler", a-t-il ajouté.
Quelques signaux sont toutefois à surveiller. Julien Nebenzahl retient un faisceau d'indices listés par le célèbre économiste John Kenneth Galbraith, souvent cité comme lauréat potentiel du prix Nobel d'économie et décédé en 2006.
L'expert de marché explique ainsi qu'une bulle a pour "sujet" (internet, la tulipe, l'intelligence artificielle...) quelque chose qui est décrit comme "un nouveau paradigme, une véritable révolution, un nouveau monde". Ensuite, explique Julien Nebenzahl, les experts ont tendance à expliquer aux investisseurs que le sujet de la bulle est incompréhensible mais qu'il faut tout de même investir dans cette thématique. Troisièmement, les bulles sont souvent accompagnées de "mécanismes de levier", rappelle-t-il. C'est-à-dire que les investisseurs ont tendance à emprunter pour investir et multiplier ainsi leurs positions et leurs gains potentiels.
Julien Nebenzahl estime que l'intelligence artificielle générative et Nvidia cochent les deux premières de ces trois cases et soupçonne que la troisième soit susceptible d'être atteinte. De nombreux autres experts estiment, au contraire, que cette thématique (Nvidia et par dérivation, l'intelligence artificielle générative) est loin de constituer une bulle spéculative.
"Si l’on regarde uniquement les chiffres de Nvidia et les perspectives de ses clients, on voit mal en quoi l’IA serait une bulle. C’est plutôt une opportunité à saisir", estimait début août Christopher Dembik de Pictet AM. "Selon nous, le secteur technologique n'est pas dans une bulle et devrait continuer à dominer les rendements", a abondé Goldman Sachs dans une note publiée la semaine dernière.
Des valorisations à surveiller
Pour revenir à la caractérisation d'une bulle, CMC Markets cite plusieurs éléments. Tout d'abord un sentiment de marché anormalement positif, avec un optimisme généralisé, allant des analystes à la presse en passant par les dirigeants d'entreprises. Ensuite des valorisations "tendues", c'est-à-dire que les cours de Bourse évoluent à des sommets en termes de multiples de revenus ou de bénéfices et arrivent ainsi à des niveaux difficilement justifiables au vu de leurs fondamentaux. Ou encore une "exubérance irrationnelle" avec des comportements moutonniers où les investisseurs se positionnent simplement par peur de manquer une opportunité.
CMC liste quelques indicateurs à surveiller pour détecter ces signaux avant-coureurs, tels que le "PER" (price-to-earning ratio) c'est-à-dire le nombre de fois où une action se négocie son bénéfice par action. Plus ce ratio est élevé plus une action a des chances d'être surévaluée. Ou encore l'indice VIX, une mesure de la volatilité de marché, une hausse soudaine invitant à la prudence. Ou même tout simplement l'indice Warren Buffett, du nom du célèbre financier, qui mesure la valorisation totale du marché américain par rapport au PIB américain.
Natixis pour sa part invite également à surveiller les prix des actifs et à se méfier d'une humeur de marché trop optimiste qui montrerait que les investisseurs ne prennent plus en compte les risques et les valorisations. La banque recommande aussi de surveiller "l'intérêt spéculatif" avec des volumes anormalement élevés sur une action ou sur le marché.
"Une augmentation de l'activité spéculative, telle que le 'day trading' (les échanges quotidiens, NDLR), peut montrer que les investisseurs se concentrent davantage sur les mouvements de prix à court terme que sur les fondamentaux à long terme", conclut la banque.