(BFM Bourse) - Confrontés à une "industrialisation" du phénomène des arnaques à l'investissement, le parquet de Paris, l’Autorité des marchés financiers et l'autorité de contrôle de la Banque de France (ACPR) alertent une nouvelle fois les épargnants. S'il y a des proies plus faciles que d'autres, chacun peut être concerné. Un nouveau service de l'AMF vise à sensibiliser et protéger les Français des propositions malveillantes.
La crédulité mais aussi l'espoir d'obtenir, face à l'érosion du rendement des placements classiques comme les livrets ou l'assurance-vie, une meilleure rémunération pour son épargne constituent un terreau fertile aux escroqueries financières. Revêtant de nombreux visages, ces arnaques restent synonymes de pertes considérables pour les épargnants. Au moins un milliard d’euros sont passés dans les poches des margoulins entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019, évalue l'Autorité des marchés financiers (AMF). Conjointement avec le parquet du tribunal de grande instance (TGI) de Paris et l’Autorité de contrôle prudentiel (instance de la Banque de France dédiée aux questions d'épargne), l'AMF dénonce une véritable "industrialisation du phénomène".
Pour sensibiliser les particuliers, l'Autorité s'apprête à lancer une campagne de témoignages sur le sujet et met en place un nouveau service pour les épargnants.
Longtemps focalisées sur le marché des changes, les arnaques se diversifient
Ces dernières années, les demandes d’informations, les réclamations et plaintes faites auprès des trois institutions ont fortement évolué. Majoritairement concentrées sur le marché des devises (souvent appelé "forex", contraction de l'anglais foreign currency exchange) jusqu'en 2016, les arnaques se sont déplacées sur de nouveaux supports, surfant sur les tendances du moment comme le diamant, les crypto-actifs, les forêts, le vin ou encore les cheptels, mais aussi sur les livrets d'épargne.
Les autorités rappellent que toute proposition d’investissement mettant en avant une promesse de rendement financier doit faire l’objet d’un enregistrement auprès de l'AMF. Ainsi, une offre enregistrée est nécessairement présentée sur le site de l'autorité. Ce qui veut dire que si l'investissement qu'on vous propose n'y figure pas, cela veut dire qu'il n'a pas été valablement déclaré au gendarme financier. Ce qui est non seulement illégal, mais aussi un indice qui doit alerter l'investisseur potentiel...
Un mode opératoire type
À une époque où les produits d'investissements institutionnels présentent des taux de rendement très faibles, et où les recherches d'investissement avec des taux plus importants s'orientent vers les produits boursiers avec un risque de perte avéré, l'idée peut être tentante de rechercher d'autres produits présentés comme nouveaux et très attractifs, et de s'adresser à de nouveaux interlocuteurs.
Dans ce contexte, des placements sur le forex, les diamants, les terres rares, le bitcoin, les vins et grands crus, les vaches ou cheptels, ainsi que des livrets d’épargne peuvent être proposés par des sites particulièrement bien documentés et présentant une apparence de sérieux.
Les investisseurs se connectent directement sur ces sites ou sont démarchés par des messages ou publicités ciblées reçues par divers canaux. Ces propositions proviennent d'interlocuteurs avec lesquels toutes les démarches sont effectuées en ligne, par internet et par messagerie, puis par téléphone sur un numéro français (ou apparemment français), sans rencontre physique.
La victime, détaille l'AMF, est alors mise en relation avec un faux conseiller dont le discours manipulatoire, mêlant des informations avérées et mensongères, vise à crédibiliser sa société, sa démarche et à mettre en confiance son interlocuteur. Incitée à effectuer un premier versement et rassurée sur la rentabilité et la réalité de son investissement, la victime investira des sommes plus importantes qu’elle ne pourra récupérer.
Des escrocs insistants
Les produits proposés semblent d'autant plus fiables que les sites internet apparaissent très professionnels et que l'investisseur se voit ouvrir un compte personnel sur internet lui permettant de suivre de manière individualisée et à grand renfort de statistiques présentées sous forme de courbes et de diagrammes, l'évolution de son placement. Bien souvent, à la suite des premiers contacts, une fois que l'investisseur a accepté le principe du placement, il est amené à miser une somme relativement faible à titre d'essai. Dans tous les cas, ce premier placement sera présenté comme un succès mais au lieu d'empocher ses gains, l'investisseur, ainsi mis en confiance, sera très fortement incité à effectuer de nouveaux placements pour des montants de plus en plus importants. Il reçoit à cette fin de nombreux appels téléphoniques très insistants de son interlocuteur, et l'affirmation qu'il s'agit d'une opportunité rare à ne pas manquer.
Les sommes sont versées sur des comptes bancaires étrangers situés dans des pays proches de la France et appartenant même parfois à la zone euro, avant d’être systématiquement virées de nouveau vers d'autres pays beaucoup moins coopératifs sur le plan judiciaire. Par la suite, lorsque les investisseurs souhaitent récupérer tout ou partie des sommes qu'ils ont versées, il leur est demandé un nouveau versement correspondant à des "frais divers" (de garde, de douanes, de déblocage, etc.). Inutile de préciser que les pseudo-conseillers ne sont, dès-lors, plus joignables aux numéros de téléphone habituellement utilisés et les victimes n'ont plus accès à leurs investissements, découvrant que leurs versements n'ont d'ailleurs jamais été investis. Dans la plupart des cas, il sera impossible de récupérer l'argent.
Pire: nombre de victimes sont démarchées une deuxième fois, soit dans le but de leur faire croire qu'elles pourront recouvrer les sommes perdues et ainsi les amener à perdre davantage d'argent, soit pour leur faire croire qu'elles sont redevables d'autres sommes en raison des investissements déjà réalisés.
Tous les détenteurs d’épargne peuvent être ciblés
Au fil de ses investigations et des données recueillies auprès des réseaux bancaires français, l’AMF a tenté de dresser le portrait-robot des victimes d’escroqueries financières tous supports confondus.
Les plus de 50 ans représentent plus de 65% des victimes et 81% de l’ensemble des sommes perdues, la tranche d’âge la plus impactée étant celle des 60-69 ans. Un constat qui selon l'AMF peut s’expliquer à la fois par un patrimoine plus important, une disponibilité pour des sollicitations faites par téléphone et certains facteurs de vulnérabilité comme l’isolement familial ou la recherche de sociabilisation.
Toutefois, les statistiques montrent qu’aucune tranche d’âge n’est à l’abri. Si les retraités sont les plus touchés (48,2 % des montants investis), toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées. De même au plan géographique, la région Provence Alpes Cotes d’Azur apparaît comme la plus touchée par les escroqueries (17,3% des montants investis), suivie par l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie, puis l’Ile-de-France, mais au-delà l'ensemble du territoire est concerné.
Dans ce contexte, l’AMF et l’ACPR ont poursuivi leurs efforts pour détecter les offres non autorisées et alerter les conseillers financiers, les associations de consommateurs et plus largement des épargnants. Mais au-delà de l'arsenal judiciaire, le parquet de Paris, l’AMF et l’ACPR appellent donc les épargnants à la plus grande vigilance pour mieux se protéger et à s’informer avant de répondre à des offres non sollicitées. Ces derniers sont invités à contribuer à la mobilisation des institutions en leur signalant toute offre douteuse. Et, malgré le sentiment de honte que ressentent beaucoup d'épargnants piégés, il est important de porter plainte auprès du commissariat ou de la gendarmerie les plus proches en communiquant tous les éléments factuels utiles.
Campagne de témoignages vidéo
Pour mieux sensibiliser les épargnants aux risques, l’AMF lance une campagne de témoignages vidéos, mettant en avant tous types de profils de victimes pour démontrer que les arnaques, ça n'arrive pas qu'aux autres.
Son nouveau service "AMF Protect Épargne", sous forme d’application mobile et internet, permettra en outre d'alerter en temps réel les épargnants sur les dernières mises en garde via des notifications ou alertes mail.
Ils pourront rechercher facilement un site non autorisé dans les listes noires et estimer le niveau d’arnaque potentiel d’une proposition d’investissement en répondant à quelques questions simples. Enfin, ils pourront signaler directement à l’AMF les fraudes éventuelles.