(BFM Bourse) - Le géant pétrolier saoudien a demandé aux grandes banques de soumettre leurs propositions en vue de décrocher un rôle dans son projet d'introduction en Bourse, qui sera très probablement la plus grande opération jamais réalisée dans le monde.
Saudi Aramco a officiellement demandé aux plus grandes banques mondiales de soumettre des propositions afin d'éventuellement prendre part à son processus d'introduction en Bourse, une opération qui devrait être la plus importante jamais réalisée à travers le monde, selon deux sources proches du dossier qui se sont confiées à Reuters. Si l'on se fie aux banques sollicitées avant que le processus d'IPO ne soit précédemment suspendu en août 2018, JPMorgan, Morgan Stanley avaient été retenues comme coordinatrices mondiales, les banques de niche Moelis & Co et Evercore comme conseillères indépendantes et le cabinet White & Case comme conseiller juridique, selon ces mêmes sources. Officiellement, le processus avait été suspendu pour permettre à Aramco de se concentrer sur sa prise de participation majoritaire (70%) au capital du groupe pétrochimique Sabic (Saudi Basic Industries Corporation), une part rachetée au fonds souverain saoudien PIF.
Annoncé en grande pompe par le prince héritier du royaume saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) en 2016, le projet de mise sur le marché d'environ 5% de Saudi Aramco -via une cotation à la fois en Arabie saoudite et à l'international, les Bourses de New York, Londres et Hong Kong s’étant également positionnées pour inscrire les titres Aramco sur leurs tableaux de cote- est au cœur du projet de transformation de Riyad. Le royaume saoudien vise en effet à attirer davantage d'investisseurs étrangers et à réduire sa dépendance au pétrole. La cession de 5% du capital d'Aramco permettrait de lever quelque 100 milliards de dollars (environ 90 milliards d'euros) et de financer le plan "Vision 2030" lancé par MBS et qui vise à investir massivement dans les secteurs de l'industrie, des infrastructures et des services pour diversifier les ressources du pays.
Écarts de valorisation
Si la cession de 5% du capital de Saudi Aramco pourrait, selon le prince, rapporter 100 milliards de dollars, cela signifie que l'entreprise était alors valorisée... 2.000 milliards de dollars. Soit le double de la capitalisation boursière de Microsoft (1.006 milliard de dollars), actuellement la plus grosse valorisation mondiale. De leur côté, les analystes estimaient que la valeur du mastodonte pétrolier était plus proche de 1.500 milliards de dollars. D'autres, encore, parmi lesquels des officiels saoudiens cités par The Economist peu après que MBS a dévoilé son projet, tablaient sur "des milliers de milliards de dollars". La valorisation des "supermajors" pétroliers dépend principalement de leur principal actif, à savoir les réserves d'or noir qu'ils possèdent. Or, Saudi Aramco est assise sur des des réserves de brut colossales, équivalentes à près de 260 milliards de barils de pétrole, soit plus de 17% des réserves mondiales prouvées. Une règle de trois effectuée à partir de la capitalisation d'ExxonMobil (293 milliards de dollars pour 24,3 milliards de barils de pétrole en réserves) et de Total (117 milliards d'euros pour 12,05 milliards de barils) donne un ordre de grandeur de près de 3.100 milliards de dollars pour la valorisation de Saudi Aramco.
Il ne s'agit toutefois que d'un calcul de coin de table ne tenant pas compte du caractère politique de la compagnie pétrolière saoudienne, qui finance, via l'impôt sur les sociétés et les royalties indexées sur le cours du pétrole, 60% du budget du royaume. Du point de vue des actionnaires, la mainmise d'un État -et plus largement de la famille royale saoudienne dans ce cas- pèse sur la valorisation du groupe et implique une décote significative pour les marchés. Le fait que les États-Unis ne cessent d'augmenter leur production pour faire pression à la baisse sur les prix n'aide affecte également la valorisation de Saudi Aramco, certains experts estimant que le baril doit fluctuer entre 70 et 80 dollars sur une longue période pour que le groupe pétrolier puisse viser une valorisation de 2.00 milliards de dollars.
Où se coter ?
Plus de trois ans après la promesse de MBS, ce qui était considéré comme "l'opération du siècle" sur les marchés boursiers n'a donc pas avancé d'un iota. Selon l'agence Reuters, ce serait le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud qui aurait décidé de suspendre le processus. Si le projet semble relancé, reste à savoir où les titres Aramco vont pouvoir s'échanger. Pour attirer l'entreprise la plus rentable du monde en plein Brexit, Londres avait décidé de revenir sur ses exigence en matière de gouvernance pour permettre à une entreprise étrangère contrôlée par un État d'accéder au "premium listing" où figurent les poids lourds de la cote britannique. Si la proposition semblait alléchante, MBS rêvait alors de Wall Street. Sauf qu'à la Bourse de New York, la loi Jasta (pour "Justice Against Sponsors of Terrorism Act") votée en 2016 autorise les citoyens américains à poursuivre des Etats ayant soutenu directement et indirectement des actes terroristes à l'encontre des États-Unis. Si l'Arabie saoudite n'est pas explicitement mentionnée, c'est bien le royaume qui était alors visée par l'administration Trump pour son rôle dans les attentats du 11 septembre 2001. La cotation d'actifs saoudiens outre-Atlantique apparaissait dès lors très risquée.
Reste Hong Kong, qui ne désespère pas d'attirer Saudi Aramco dans ses filets, comme en témoigne l'interview donnée par Charles Li Xiaojia, le patron de Bourse de Hong Kong au South China Morning Post fin juin dernier. "Malgré la menace que représente la guerre commerciale sino-américaine pour les marchés actions, je reste confiant sur le fait que Saudi Aramco décide d'intégrer la Bourse de Hong Kong" avait-il ainsi déclaré. "Même si cela ne se fera peut-être pas dès le premier jour, je suis persuadé que les titres Aramco seront cotés à Hong Kong" ajoutait-il, mettant en avant "la proximité avec la Chine continentale, plus gros consommateur au monde de pétrole.
La plus grosse introduction en Bourse de l'histoire pourrait donc finalement avoir lieu à la Bourse de Riyad, sur le Tadawul, principal indice de la Bourse saoudienne. Pour rappel, en juin dernier, MBS a réitéré la volonté du gouvernement de mettre en oeuvre cette opération, précisant que celle-ci pouvait intervenir entre le deuxième semestre 2020 et le premier semestre 2021.