(BFM Bourse) - Gamestop et AMC ont connu cette semaine une violente poussée acheteuse, avec des investisseurs particuliers qui se sont ligués pour porter leurs cours. Mais la répétition de la vague des "meme stocks" de 2021 se heurte à un environnement bien moins favorable à ce genre de phénomène.
Il a flotté cette semaine sur le marché comme un parfum de début 2021. Les "meme stocks" faisaient alors leur apparition à Wall Street.
En pleine pandémie, les investisseurs particuliers échangeaient sur les plateformes sociales, comme Reddit et notamment son forum wallstreetbets, et décidaient de mener des actions conjointes pour porter en Bourse des titres massacrés qu'ils affectionnaient. Avec l'essor de la plateforme de trading Robinhood et l'apparition de nombreux traders individuels durant la pandémie, ces mouvements ont entraîné de fortes hausses sur certains titres. Ce qui avait contraint les vendeurs à découvert (les "shorts") à déboucler leurs positions en catastrophe face aux pertes qu'ils subissaient. C'est ce que l'on appelle un "short squeeze".
Plusieurs "meme stocks" sont ainsi apparus dont le plus célèbre, le groupe de distribution de jeux vidéo Gamestop, connu notamment chez nous avec l'enseigne Micromania. Son action avait pris 2.000%. D'autres titres ont rejoint cette catégorie, comme l'exploitant de salles de cinéma AMC, le spécialiste des articles de la maison Bed Bath & Beyond (qui a été radié du Nasdaq en 2023 après sa mise en faillite), ou encore Blackberry, Nokia et le groupe aérospatial Virgin Galactic.
Trois ans plus tard une fièvre acheteuse s'est de nouveau emparée de Wall Street, du moins sur les titres GameStop et AMC, en début de semaine. Le premier a gagné 74,3% lundi et 60% mardi, le second 78,4% et 32,6%.
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"Roaring Kitty" rugit de nouveau
L'origine de cette hausse? A priori quelques messages postés sur X (ex-Twitter) mais pas par n'importe quel compte. Absent du réseau depuis près de trois ans, l'investisseur particulier Keith Gill, qui utilise le pseudonyme "roaring Kitty" ("chaton hurlant") a publié tout d'abord une illustration montrant un joueur de jeux vidéo manette en main, qui se redresse sur sa chaise, pour illustrer un regain de concentration. Ce post a été visionné 27 millions de fois. Il a ensuite publié une série de vidéos tirées de différents films, comme ceux de Marvel, "Drive", "V pour Vendetta", ou encore des séries comme "Peaky Blinders" ou "Game of Thrones".
Ces posts ont été interprétés par le marché comme un retour aux affaires de cet investisseur, qui avait été à l'origine de la fièvre acheteuse sur Gamestop en 2021, via ses analyses dithyrambiques sur Reddit.
Il n'en a pas fallu beaucoup plus pour que les particuliers se ruent sur les actions Gamestop et AMC. Dans une moindre mesure, le mouvement a ruisselé sur d'autres "meme stocks", Blackberry prenant 7% puis 11,4%, lundi et mardi, tandis que Virgin Galactic a gagné 7,7% et 22,3%.
Cette poussée spéculative est évidemment déconnectée des fondamentaux, les investisseurs traditionnels n'appréciant guère Gamestop, une société jugée survalorisée par rapport à ses états financiers et ses perspectives.
D'ailleurs, Gamestop et AMC ont ensuite nettement perdu du terrain les séances suivantes, perdant 19% mercredi et 30% jeudi (*) pour le premier, et 20% puis 15% pour le second
Des conditions bien différentes
Est-ce que le mouvement de hausse de début de semaine peut toutefois annoncer une véritable répétition du phénomène de 2021 et pourrait faire apparaître de nouveau "meme stocks"? Pas sûr.
Selon Reuters, plusieurs analystes en doutent fortement, car les conditions économiques actuelles, avec la fin des taux bas et donc de l'argent bon marché, ne devraient pas permettre à cette spéculation de perdurer.
"Ce rallye rime peut-être avec 2021, mais il est peu probable qu'il se reproduise", explique Ben Laidler, stratège des marchés mondiaux chez le courtier numérique eToro, cité par l'agence.
Ce constat est partagé par Alexandre Baradez, responsable de l'analyse de marché chez IG France. "Ces hausses incroyables rappellent évidemment la période très spéculative de 2021 mais il n’y a aucune chance que l’on revive une période de la même intensité. Tout d’abord parce-que l’environnement monétaire actuel n’est absolument plus le même qu’à l’époque, que ce soit au niveau des taux ou de la liquidité", explique-t-il.
"En 2021, les taux principaux de la Fed et de la BCE étaient à 0% après le choc Covid et la liquidité coulait à flot avec un gonflement extraordinaire des bilans de la Fed et de la BCE (plusieurs milliers de milliards de dollars en quelques mois seulement). Ces politiques monétaires ultra-accommodantes couplées aux mesures de 'quoi qu’il en coûte' des États avaient créé l’environnement spéculatif parfait", poursuit le spécialiste.
Même les sociétés de piètre qualité connaissaient une envolée de leurs cours. "Un bon repère est celui de l’indice Refinitiv des valeurs américaines les plus 'shortées' couplé à l’indice Goldman Sachs des valeurs technologiques non-rentables. Entre mai 2020 et février 2021, l’indice Goldman Sachs des valeurs technologiques non-rentables s’était envolé de… 225%! Et l’indice des valeurs américaines les plus shortées avait également grimpé de 160% sur la même période", développe Alexandre Baradez. "Avant de se crasher complètement ensuite", conclut l'analyste.
(*) Nous avons arrêté les variations après la clôture du marché américain de jeudi.