(BFM Bourse) - Le petit acteur du luxe a dégagé une croissance de 12,4% au troisième trimestre, après 10,7% sur les six premiers mois de l'année. La société a par ailleurs répondu à des allégations d'un vendeur à découvert comme quoi le groupe aurait brisé les règles européennes concernant son activité en Russie.
La saison des publications du troisième trimestre, pour le luxe, ne démarrera que dans quelques semaines. Kering et Hermès livreront leur activité les 22 et 23 octobre prochains. LVMH n'a pas encore annoncé la date exacte mais la publication est attendue pour le courant du mois d'octobre.
Brunello Cucinelli a, lui, pris tout le monde de court, en livrant des données préliminaires, mercredi soir. Ce petit acteur italien du luxe porte le nom du styliste qui l'a fondée en 1978, installant les bureaux de l'entreprise quelques années plus tard, à Solomeo, dans l'Ombrie.
La griffe transalpine s'est au fur et à mesure bâtie une solide réputation, avec "un accent mis sur la qualité et le design artisanal" et "le maintien de sa chaîne d'approvisionnement en Italie", explique Morningstar.
Ce positionnement a consacré Brunello Cucinelli comme un représentant du "quiet luxury" ou "luxe sobre", avec un positionnement qui l'amène parfois à être comparée à Hermès. Ce même si sa taille demeure bien plus modeste, avec des revenus de 1,28 milliard d'euros en 2024, contre 15,2 milliards d'euros pour l'entreprise tricolore.
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
La plus forte croissance du luxe?
La société affiche une croissance enviable, même pour Hermès. Les chiffres publiés mercredi soir en attestent.
Sur la période allant de juillet à fin septembre, Brunello Cucinelli a dégagé des revenus de 356 millions d'euros, traduisant une hausse de 12% en données publiées et de 12,4% en données comparables. Selon UBS, le consensus (la prévision moyenne des analystes) se situait à 335 millions d'euros.
La marque transalpine a accéléré la cadence par rapport au premier semestre où ses ventes avaient grimpé de 10,7% hors effets de changes.
Le groupe explique avoir été porté par une amélioration de sa croissance en Amérique du Nord ainsi qu'en Europe, son premier marché.
Les analystes de Bernstein soulignent que ces chiffres robustes étaient "prévisibles" , même si la croissance du groupe devrait, selon eux, être la plus forte du secteur au troisième trimestre, "à l'exception peut-être de Richemont", le propriétaire de Cartier.
Au-delà des données d'activité à proprement parler, la direction de la société, a durant la conférence téléphonique avec les analystes, fait preuve "d'optimisme", notamment au sujet de ses collections "automne-hiver" et "printemps-été".
Morpheus attaque la société
À la Bourse de Milan, l'action Brunello Cucinelli ne profite que modérément de cette bonne publication. Le titre prend 1,4% en milieu d'après-midi après avoir gagné jusqu'à 4%.
"Brunello Cucinelli a enregistré un nouveau trimestre de croissance à deux chiffres, mais les fondamentaux semblent moins pertinents à ce stade, compte tenu des récents rapports des vendeurs à découvert et des allégations de violation potentielle des règles commerciales européennes à l'égard de la Russie", écrit Royal Bank of Canada.
Morpheus Research, un vendeur à découvert (des opérateurs qui parient à la baisse sur un titre en l'empruntant puis en le vendant en espérant le racheter à un prix beaucoup plus bas) a publié la semaine dernière un rapport au vitriol sur Brunello Cucinelli.
Cette société d'investissement a assuré avoir mené une investigation montrant que la société opérait plusieurs magasins à Moscou et vendait une "large gamme d'articles" à des milliers d'euros.
En réponse à l'attaque militaire de la Russie sur l'Ukraine, l'Union européenne a banni les exportations de biens de luxe vers la Russie d'un montant supérieur à 300 euros.
L'action avait dévissé de plus de 17% lors de la parution de ce rapport, le 25 septembre dernier.
Brunello Cucinelli a vigoureusement contesté ces allégations, assurant que les produits exportés respectaient les restrictions européennes et a affirmé que des inspections menées par les douanes italiennes avaient confirmé le respect de ces règles.
Une baisse du titre exagérée
Mercredi soir, l'entreprise a expliqué que ses propres magasins en Russie, au nombre de trois, étaient fermés, mais que les espaces "Brunello Cucinelli" dans les enseignes multimarques restaient opérationnels. La société a précisé que sur les neuf premiers mois de 2025, les ventes en Russie représentaient 1,4% du total contre 9,3% sur l'ensemble de l'exercice 2021.
Le groupe a également fourni de nombreuses données pour contredire une autre accusation de Morpheus Research, à savoir que la société italienne aurait cassé ses prix (et donc la valeur de sa marque) pour écouler à bas prix des stocks excessifs, allant jusqu'à transférer ses marchandises en Russie pour les liquider. L'entreprise a par exemple expliqué qu'elle considérait comme "sain" un ratio de stock sur ventes de 28% à 29%, avec un taux s'établissant à 28,2% à fin juin contre une moyenne de 30,9% sur la période 2021-2024.
Les analystes de Bernstein ne voient pas de raisons de craindre un risque de réputation pour la société et confirment leur opinion à "surperformance" sur le titre. "La récente correction de l'action offre l'opportunité d'acquérir à prix réduit une marque de luxe défensive et de grande qualité, même s'il faudra peut-être un certain temps aux investisseurs pour retrouver confiance dans son histoire", explique le bureau d'études.
UBS juge de son côté que la récente baisse de l'action a été exagérée. "Dans un contexte morose pour le secteur du luxe, nous continuons de considérer Brunello Cucinelli comme l'une des rares entreprises de grande qualité offrant aux investisseurs une forte visibilité sur la trajectoire de ses bénéfices, un facteur clé qui justifie la prime de valorisation de la société", tranche la banque suisse.