par Cyril Altmeyer

PARIS (Reuters) - Le projet de réforme de l'audiovisuel, qui sera présenté ce mercredi en conseil des ministres, ne constituera pas le jackpot attendu pour les chaînes privées mais leur apportera une bouée de sauvetage dans un marché publicitaire déprimé, estiment des experts du secteur.

L'allongement de la durée de la publicité à partir du 1er janvier ne déclenchera pas la ruée sur les écrans des chaînes privées au moment où la crise financière s'aggrave et alors même que les écrans ne sont que très rarement remplis, ajoutent-ils.

La plus importante réforme de l'audiovisuel depuis la privatisation de TF1 en 1987 sera centrée sur la suppression de la publicité sur les chaînes publiques - de 20 h à 6 h à partir du 5 janvier 2009, puis totalement fin 2011 - et l'instauration d'une deuxième coupure dans les fictions.

Présenté avec quatre semaines de retard après de multiples ajustements, le projet de loi prévoit aussi de faire de France Télévisions une entreprise unique et de nommer son président par le président de la République et non plus par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Le jour de l'annonce surprise par Nicolas Sarkozy du projet de suppression de la publicité sur France Télévisions, le 8 janvier, TF1 et M6 avaient clôturé sur des bonds respectifs de 10% et 4,5% et beaucoup y avaient vu un cadeau aux chaînes privées. Leurs actions ont cependant perdu depuis respectivement 42,5% et 24%.

TF1 a inversé en mai sa prévision de chiffre d'affaires pour 2008, prévoyant une baisse d'environ 3% au lieu d'une hausse de 2,4%, tandis que M6 a qualifié début septembre d'"ambitieux" son objectif de stabiliser les recettes publicitaires de la chaîne cette année et dit que l'année 2009 serait "serrée".

Dans une note récente, Oddo Securities disait prévoir une baisse de 3,1% du marché de la publicité télévisée en 2008, suivi d'un nouveau recul de 3,8% en 2009, même si l'intermédiaire souligne que la visibilité est "très réduite".

TF1 PREMIÈRE DESTINATION DES ANNONCEURS DE FRANCE TV

ZenithOptimedia (groupe Publicis) estime que TF1 récupérera l'année prochaine 57% des 280 millions d'euros de budgets publicitaires qui ne seront pas investis sur France Télévisions après 20 heures l'année prochaine et M6 23%, le reste allant à Canal+, aux chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) et aux autres médias.

"Cela ne signifie pas que les chiffres d'affaires publicitaires des chaînes privées augmenteront d'autant", a précisé Philippe Nouchi, directeur des études audiovisuelles chez ZenithOptimedia. "La réforme leur permet de rester avec un chiffre d'affaires à peu près stable en 2009, peut-être en légère hausse si tout se passe bien".

Havas Media estime à entre 180 à 210 millions d'euros les transferts de budgets nets vers les chaînes privées en 2009 "à conjoncture économique constante".

"Par rapport à la conjoncture économique actuelle, il est sûr que 2009 sera une année très difficile et que publicitairement, cela va être un peu la guerre", a expliqué Valérie Ghezail, responsable du pôle d'études audiovisuelles d'Havas Media.

Selon les analystes, TF1 est mieux positionné pour capter les annonceurs qui déserteront France Télévisions - au public plus âgé et plus fourni en catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+) - que M6, dont la cible est plus jeune.

Aegis Media France chiffre le manque à gagner pour France Télévisions à entre 220 et 280 millions en 2009, dont entre 155 et 200 millions iront vers les chaînes historiques, dont 70% à TF1 et 25% à M6.

Selon l'agence, l'allongement de la durée de publicité autorisée amènera des gains potentiels de 310 millions d'euros pour TF1 et de 105 millions pour M6. Les chaînes pourront diffuser neuf minutes de publicité par heure au lieu de six et introduire une deuxième coupure dans les heures de fiction.

"Compte tenu du contexte économique, il est peu probable que ce potentiel soit rempli", a toutefois souligné Valérie Négrier, directice du pôle TV d'Aegis Media.

Pour Philippe Nouchi, ces mesures ne vont pas inciter les annonceurs qui ne communiquaient pas en télévision à y venir.

L'une des mesures prévues sera également la comptabilisation du volume maximal de publicité en heure d'horloge (de 20h à 21h par exemple) et non plus en heure glissante (de 19h50 à 20h50 par exemple) - ouvrant potentiellement la voie à de véritables tunnels.

"Il n'est pas à exclure que davantage de publicité entraîne une baisse des audiences et donc des revenus publicitaires à terme", prévient Oddo Securities.

D'autant plus que France Télévisions pourra démarrer ses programmes de soirée dès 20h35, une incitation supplémentaire à zapper la publicité.

Edité par Jacques Poznanski

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