(BFM Bourse) - Le spécialiste des matériaux pour les semi-conducteurs plonge en Bourse après avoir dévoilé des résultats semestriels en forte baisse qui sont eux-mêmes accompagnés des prévisions décevantes pour le trimestre en cours.

Soitec va de Charybde en Scylla. Le concepteur de matériaux pour les semi-conducteurs connaît une nouvelle chute brutale ce jeudi 20 novembre, plongeant de 30% en fin de matinée à la Bourse de Paris après avoir livré la veille, une série d'annonces qui n'ont pas manqué de crisper les marchés.

Mercredi soir, la société a fait état de perspectives ternes en marge de résultats en forte baisse au titre du premier semestre. La faute à une demande en berne du côté de l'automobile, industrie très consommatrice de puces, ainsi qu'à la faiblesse du marché des smartphones.

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Un bénéfice net dans le rouge

Entre avril et fin septembre, période qui correspond au premier semestre 2025-2026 de Soitec, les ventes du groupe se sont effondrées de 32% sur un an, pour atterrir à 231 millions d’euros. Ce niveau de chiffre d'affaires est en ligne avec les attentes des analystes qui tablaient sur des ventes de 230 millions d'euros selon un consensus cité par Oddo BHF. À périmètre et taux de change constants, la baisse est de 29%

Sans surprise, le ralentissement du marché automobile a encore pénalisé le segment "automobile et industrie" dont les revenus se sont effondrés de 74% en données comparables, à 15 millions d'euros.

"Cette baisse reflète à la fois la faiblesse des conditions de marché et des stocks excédentaires dans toute la chaîne de valeur automobile, entraînant une baisse des volumes de Power-SOI (substrats pour les semi-conducteurs pour les véhicules électriques, NDLR) et de FD-SOI (pour les radars automobiles et l'internet des objets, NDLR)", explique le groupe isérois.

Le chiffre d’affaires "communications mobiles" a atteint 119 millions d’euros, en repli en données comparables de 30% sur un an, en raison de la poursuite d’importants déstockages des clients de cette division. Le segment "Edge & Cloud AI", destiné aux semi-conducteurs pour les objets connectés, les data centers et capteurs 3D est en légère baisse de 1% sur un an.

Hors arrêt programmé de la première génération de substrats d’Imager-SOI pour applications basées sur de l’imagerie en 3D, Soitec explique que les revenus de cette division auraient crû de 34% en données comparables par rapport au premier semestre 2024-2025.

Le résultat brut d'exploitation (Ebitda) a société a chuté de 30% sur un an à 79 millions d'euros et représente 34,1% du chiffre d'affaires. Pour autant, Soitec a dépassé les prévisions en matière de marges, remarque Barclays, malgré une baisse de la production et des effets négatifs liés à la composition des ventes.

Le consensus et Oddo BHF étaient tous deux en effet beaucoup plus pessimistes, et tablaient respectivement sur un Ebitda de 50 et 63 millions d'euros. "Une partie de cette bonne surprise s’explique par des capacités de production tournant à un rythme trop élevé par rapport à la demande", pointe aussi l'intermédiaire financier.

Le résultat net de Soitec bascule dans le rouge à -67 millions d'euros, et ce, pour la première fois depuis 10 ans, signale aussi Oddo BHF.

De déconvenues en déconvenues

Rappelons que Soitec ne communique plus de perspectives annuelles depuis le mois de mai et se borne désormais à formuler des objectifs trimestre par trimestre. La société signale que les conditions de marché restent difficiles, avec la poursuite d’importants déstockages des clients dans les Communications mobiles et l’Automobile et Industrie.

Pour le troisième trimestre de son exercice 2025-2026, l'entreprise a ainsi indiqué tabler sur une croissance "mid-to-high single-digit", soit entre 5% et 9% de ses revenus en données comparables par rapport au deuxième trimestre.

Les revenus sont donc attendus autour de 146-152 millions d'euros, indique Oddo BHF qui signale que cette prévision est décevante par rapport à ses attentes et de celles du consensus logées respectivement à 167 et 168 millions d'euros.

"Le nouveau CFO (directeur financier) insiste sur une stratégie beaucoup plus focalisée sur la génération de cash pour la suite. La réduction des 'capex' (dépenses d'investissements, NDLR) va se poursuivre [...] et surtout, d’importants déstockages au bilan vont être réalisés au second semestre (gros ralentissement de l’outil industriel impactant négativement les marges)", explique l'intermédiaire financier.

"En première lecture, nous sommes déçus par les conditions de marché qui ne montrent aucun signe d’amélioration (déclin depuis le printemps 2023)", ajoute-t-il.

Le mois dernier, Oddo BHF s'était montré plutôt pessimiste dans une note publiée à la suite d'un contact avec la société.

"Sur les perspectives d’activité, la prudence reste de rigueur pour les 18 prochains mois (…) au regard surtout de l’ampleur des stocks RF (des substrats de Soitec adaptés aux smartphones et à la connectivité automobile, NDLR) encore présents chez les clients directs (48% du chiffre d'affaires) et d’une visibilité problématique dans l’automobile", qui représente 14% des revenus, écrit Oddo BHF dans cette note.

Le bureau d'études expliquait aussi par ailleurs qu'il n'y aurait pas "de bonne nouvelle" à prévoir sur les marges, et que la priorité du nouveau directeur financier reste "la génération de cash".

Oddo BHF avait aussi au passage abaissé ses prévisions de résultat brut d'exploitation (Ebitda) de 13% en moyenne pour les trois prochains exercices et anticipe une perte nette sur l'ensemble de l'exercice clos en 2026.

De déceptions en déceptions

Depuis le début de l'année, la société iséroise a enquillé les déceptions. Le groupe avait, par exemple, abandonné en mai tous les objectifs de moyen terme qu'il s'était précédemment fixés, plombés par une demande en berne du côté de l'automobile, industrie très consommatrice de puces, ainsi que par la faiblesse du marché des smartphones.

La multiplication de ces revers a conduit la société à se séparer de son directeur général, Pierre Barnabé. Le groupe a annoncé, début octobre, que le dirigeant quitterait Soitec en avril 2026, et a lancé la recherche d'un successeur.

Pour ses actionnaires, ces multiples déceptions se paient comptant. La société accuse d'ailleurs la plus forte baisse du SBF 120 depuis le 1er janvier (-68,27%) derrière Worldline (-80,2%).