(BFM Bourse) - Les tarifs pétroliers repartent à la hausse ce mercredi face aux doutes sur la réalité du retrait des troupes russes à la frontière de l'Ukraine. Alors que les fondamentaux du marché de l'or noir apparaissent toujours dégradés et que l'Opep admet n'avoir aucune solution pour freiner la hausse dans l'immédiat, plusieurs responsables politiques s'inquiètent.
"Un concept tangible mais très effrayant", "Je peux voir cela se produire mais je n'en ai pas envie". Interrogés sur l'éventualité de voir les cours des principales références mondiales de pétrole brut franchir prochainement le seuil des 100 dollars, plusieurs ministres de l'Energie, réunis lors d'une conférence sur le pétrole et le gaz au Caire, ont exprimé leur inquiétude. La première phrase est de la ministre chypriote Natasa Pilides, la seconde du ministre égyptien Tarek El Molla. "En tant que professionnel, je peux voir que cela va arriver. C'est d'ailleurs déjà en route, sans aucun doute" ajoute ce dernier.
À l'origine de cette nouvelle poussée des cours: l'escalade des tensions à la frontière ukrainienne. Après avoir atteint un nouveau sommet annuel à plus de 96 dollars en réaction à l'avertissement, par la Maison-Blanche, d'une possible invasion imminente, le baril de Brent a sensiblement reflué mardi à l'annonce d'une retrait d'une partie des troupes russes massées à la frontière. Cette légère accalmie -dans les mots, car dans les faits, le secrétaire général de l'Otan a annoncé n'avoir constaté "aucun signe de désescalade à ce stade" sur le terrain- fut toutefois de courte durée, malgré les déclarations de Vladimir Poutine qui a démenti à plusieurs reprises avoir pour projet d'envahir l'Ukraine.
Pour Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote, le repli de mardi s'assimile à une "réaction réflexe" avec les signes de détente, "mais il est important de garder à l'esprit que les prix du pétrole ont grimpé en flèche en raison d'un manque d'offre et de la diminution des réserves mondiales". "Les fondamentaux qui sous-tendent les récents gains des prix du pétrole restent en place, avec une offre insuffisante face à une demande mondiale croissante", corrobore Ricardo Evangelista, analyste chez ActivTrades.
"Si le brut s'est éloigné des sommets atteints lorsque les troupes russes ont commencé à quitter la frontière, ce dont l'Otan n'est toujours pas convaincu, le marché reste extrêmement tendu et les prix étaient sur une trajectoire ascendante avant l'escalade" rappelle encore Craig Erlam, analyste chez Oanda. "L'apaisement des tensions pourrait n'avoir fait que retarder la marche vers les 100 dollars, plutôt que de l'empêcher" avance-t-il.
De fait, alors que la situation sur ce qu'il convient d'appeler le front russo-ukrainien a peu évolué ce mercredi, le baril de Brent reprend 2,2% à 95,3 dollars peu avant 16h30.
La nouvelle poussée des cours observée ce jour vient donc plutôt des nouvelles déclarations du président de l'Opep Bruno Jean-Richard Itoua, par ailleurs ministre des hydrocarbures du Congo. Ce dernier a en effet déclaré, lors d'une conférence sur l'énergie à Riyad ce mercredi, qu'il n'y a "pas de solution immédiate" pour remédier à ces prix élevés. "La capacité des pays producteurs de pétrole à augmenter l'offre de brut est limitée par un manque d'investissement dans l'industrie" a-t-il ajouté.
L'Opep et ses alliés parmi lesquels la Russie continuent effectivement de ne pas atteindre leurs objectifs de plus en plus ambitieux en matière de production de pétrole. Selon la dernière enquête de S&P Global Platts publié la semaine dernière, la production du "groupe des 23" a été inférieure de 700.000 barils par jour à ses quotas collectifs en janvier, un record. Plus inquiétant encore, les deux leaders du cartel élargi, l'Arabie Saoudite et la Russie, peinent à suivre la cadence de ce que prévoit l'accord conclu en juillet dernier d'un retour sur le marché de 400.000 barils par jour supplémentaires, chaque mois, jusqu'à la fin de l'année 2022. En dehors des deux poids lourds de l'Opep+ (2e et 3e producteurs mondiaux derrière les Etats-Unis), le Venezuela, le Kazakhstan, la Libye et l'Irak voient également leur offre perturbée, ce qui limite la croissance de la production du bloc.