(BFM Bourse) - L'action du groupe de luxe souffre ce mardi après avoir prévenu que ses ventes chuteront d'environ 10% au premier trimestre en données comparables.

Aux côtés du britannique Burberry, Kering a la réputation de représenter l'un des deux hommes malades du luxe, tout du moins sur le plan boursier.

La communication de la société, mardi soir, ne risque guère de changer cette image auprès des investisseurs. Prenant à revers le marché, la société dirigée par François-Henri Pinault a émis un lourd avertissement sur ses revenus.

L'ex-PPR a indiqué anticiper un repli de ses revenus en données comparables de l'ordre de 10% sur les trois premiers mois de l'année. Ce qui s'avère bien plus fort que la baisse anticipée par le bureau d'études indépendant AlphaValue, qui tablait sur un repli de 0,5%, quand le consensus des analystes se situait plus largement à -4%.

Cette contre-performance est surtout due à la marque amirale Gucci, qui l'an passé représentant environ la moitié des revenus de Kering et autour de 70% de son résultat opérationnel courant.

En raison notamment d'une dynamique faible dans la région Asie-Pacifique, les ventes de la griffe italienne devraient accuser une baisse de 20% en données comparables, a prévenu Kering. Les analystes avaient anticipé un plongeon des ventes de la marque transalpine mais pas aussi prononcé. Le consensus cité par AlphaValue retenait une baisse de 7% en données comparables.

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Attentisme des consommateurs ?

Kering n'a pas précisé l'ampleur de la chute de Gucci en Asie-Pacifique. Mais au vu de la communication de l'entreprise, Stifel estime qu'elles se sont effondrées de plus de 30% sur un an sur les trois premiers mois de l'année.

"Les consommateurs chinois attendent peut-être de la nouveauté de la part du nouveau directeur de la création de Gucci (Sabato de Sarno, NDLR), dont la nouvelle collection n'est proposée que dans certains magasins Gucci depuis la mi-février", explique la banque. "La disponibilité de ses nouvelles collections sera progressivement augmentée jusqu'à la fin du mois de juin, grâce à un réinvestissement marketing plus important", poursuit Stifel.

Gucci se trouve actuellement en pleine transition. Pour donner un nouveau souffle à la marque, Kering a recruté l'an passé un jeune directeur artistique italien, Sabato de Sarno, transfuge de Valentino, qui a ainsi pris la succession d'Alessandro Michele.

Sa première collection, Ancora, a été présentée lors de la "fashion week" d'automne à Milan pour les femmes et en janvier, à Milan également, pour les hommes.

"Les premiers produits de la collection Ancora ont commencé à être disponibles dans certains magasins Gucci depuis mi-février et essentiellement dans la catégorie prêt-à-porter. La nouvelle collection, dont le déploiement devrait progressivement s’accélérer au cours des prochains mois, reçoit un très bon accueil", a assuré sur ce dernier point Kering.

Kering a également nommé l'an passé Jean-François Palus, auparavant directeur général délégué du groupe, au poste de PDG de Gucci de sorte à renforcer l'opérationnel.

L'ensemble du luxe sous pression

Pour l'heure, le lourd avertissement de Kering est durement sanctionné en Bourse, l'action chutant de 14,3% vers 10h30. Il est difficile de savoir si le plongeon des ventes de Kering est uniquement lié aux difficultés intrinsèques de la société ou s'il illustre une certaine faiblesse pour le luxe.

"L'ensemble du secteur pourrait être en baisse demain (mercredi, NDLR) en raison des inquiétudes concernant un ralentissement en Chine, en particulier après la forte performance (boursière du secteur, NDLR) depuis le début de l'année, qui a ramené sa valorisation en ligne avec la moyenne sur 5 ans par rapport au marché, malgré le ralentissement de la croissance", explique UBS dans une note publiée mardi soir.

Les actions LVMH et Hermès sont en effet tirées vers le bas ce mercredi par la chute de l'action Kering, avec des replis respectifs de 3% et de 1,6%.

Le second semestre comme juge de paix?

Pour revenir à Kering, Royal Bank of Canada considère que cet avertissement signifie que les marges de Gucci devraient se retrouver sous pression au premier semestre comme pour l'ensemble de l'année 2024, ce qui pourrait pousser la direction de la société à revoir à la basse sa prévision de rentabilité pour la marque italienne (une baisse d'au moins environ 5% du résultat opérationnel courant en 2024).

"Toutefois, Gucci n'en étant qu'au début de son redressement et les nouveaux produits devant s'étoffer au cours des prochains mois, nous pensons qu'il faut plus de temps pour évaluer la réaction des clients. Plus précisément, d'ici le milieu de l'année, 30% (ou la totalité) des produits saisonniers de Gucci auront adopté la nouvelle esthétique Sabato De Sarno, et nous espérons alors voir une meilleure visibilité (publicité, marketing, adoption par les célébrités et les influenceurs, etc…)", développe Royal Bank of Canada.

Stifel se montre de son côté prudent, alors que Kering devra réinvestir dans ses marques, surtout chez Gucci, pour conduire sa stratégie d'élévation. "Nous pensons qu'il est plus difficile pour Gucci de redresser rapidement sa marque tout en l'améliorant, car les tendances sectorielles s'adoucissent et se normalisent", explique la banque.

"Les investisseurs croient en la capacité de long terme du portefeuille de Kering à générer d'importants résultats, mais ils ont besoin de voir des preuves de la capacité de Gucci à regagner des parts de marché perdues au profit de ses principaux rivaux en 2020-23 ou au moins de voir quelques signes encourageants dans les nouvelles collections de Sabato de Sarno: cela devrait d'abord être plus évident au deuxième semestre 2024, selon nous", développe-t-elle.

"L'action (Kering) demeure une histoire sur le second semestre lorsque nous serons en mesure de mieux évaluer les résultats de la nouvelle orientation créative de la marque", abonde UBS.

"L’indication d’une réception très favorable des nouvelles collections est certes encourageante mais au vu de l’accélération de la baisse des ventes sur le premier trimestre qui affecte le pré-existant et donc les produits permanents, la transition vers un nouveau Gucci s’annonce ardue", conclut Oddo BHF