(BFM Bourse) - L'opérateur de satellites plonge à la Bourse de Paris après avoir indiqué que son chiffre d'affaires dans la connectivité fixe pâtirait de "conditions plus difficiles pour le haut débit grand public" au second semestre. Ce qui rend ses objectifs 2024-2025, certes confirmés, plus durs à atteindre.

Cela fait désormais un moment qu'Eutelsat n'est plus en odeur de sainteté chez les investisseurs. Depuis la mi-2022 et la communication du projet de rachat du britannique OneWeb, serait-on tenté de dire. L'action de l'opérateur de satellites a plongé de 86% depuis cette annonce.

Fin 2022, Crédit Suisse "peinait" à voir la création de valeur pour les actionnaires liée à cette opération, allant jusqu'à considérer qu'un échec de ce rapprochement aurait été bien accueilli par le marché.

"Cette fusion, achevée à la fin de l'année 2023, a été une bénédiction mitigée - amère pour les actionnaires minoritaires mais avantageuse pour le bloc européen", jugeait de son côté le bureau d'études indépendant Alphavalue, l'an passé.

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Lourds investissements

Avant cette opération transformante, Eutelsat présentait une activité certes en déclin mais couplé à une forte génération de cash, permettant d'offrir des dividendes. Désormais, le cash d'Eutelsat sert à financer le déploiement des constellations de satellites LEO (basse orbite terrestre) de OneWeb et non plus à payer des coupons.

La société compte notamment investir 2 à 2,2 milliards d'euros pour étendre cette constellation entre 2024 et 2029. Ainsi que 2 milliards d'euros dans le cadre du projet de constellations de satellites Iris de l'Union européenne.

Le projet Iris est "très important pour Eutelsat", faisait valoir Alphavalue dans une note rédigée en décembre. "Il lui permettra de déployer sa prochaine génération de satellites LEO grâce à ce financement et de réduire ses coûts globaux puisque Iris² contribuera à financer le développement". "Cependant, nous ne comprenons pas comment la société fortement endettée pourra investir 2 milliards d'euros supplémentaires dans le projet d'ici 2028, alors qu'un refinancement important de sa dette existante sera nécessaire (1 milliard d'euros en 2027, 600 millions d'euros en 2028)", prévenait le bureau d'études.

Depuis son intégration à Eutelsat, Oneweb a par ailleurs déçu. En janvier dernier, Moody's a abaissé la note de crédit du groupe à "B2" contre "Ba3". Cette décision "reflète la sous-performance prolongée d'Eutelsat par rapport à nos attentes antérieures, compte tenu de la contribution plus lente que prévu de OneWeb", expliquait l'agence.

Cette baisse de la note de la société "prend également en compte la visibilité réduite sur la capacité d'Eutelsat à renouer avec la croissance des bénéfices, la pression continue sur le cash-flow libre compte tenu des besoins d'investissement importants, et les besoins de refinancement importants en 2027 à un moment où le coût de financement a augmenté de manière significative", développait l'agence.

Croissance du chiffre d'affaires

Au vu de ce contexte, Eutelsat évolue sur une ligne de crête étroite en Bourse. Et les mauvaises nouvelles peuvent être durement sanctionnées.

Ce vendredi, l'opérateur de satellites plonge de 16,5% vers 15H45 après avoir publié ses résultats du premier semestre 2024-2025, la société clôturant ses comptes en juin.

Oddo BHF note que les résultats semestriels sont ressortis en ligne avec les attentes. Eutelsat a dégagé des revenus 306,5 millions d'euros au deuxième trimestre, en hausse de 2,9% sur un an en données comparables (hors variations de périmètre et de changes), un peu au-dessus des attentes, avec un consensus logé à 301 millions d'euros.

Si la vidéo, activité historique d'Eutelsat en décroissance structurelle, a encore souffert, avec un repli des revenus de 5,6% hors effets de changes et de périmètre, les activités de connectivité ont enregistré une croissance de 12,7% en données comparables.

Sur l'ensemble du premier semestre, le chiffre d'affaires d'Eutelsat a progressé de 4,4% en données comparables à 606,2 millions d'euros.

Des objectifs plus difficiles à atteindre

Le résultat brut d'exploitation ajusté a progressé de 4,9% en données comparables à 334,9 millions d'euros. La société a par ailleurs accusé une perte nette de 873,2 millions d'euros contre une perte nette de 191,3 millions sur la même période de l'exercice 2023-2024. Le résultat net a été lesté par des dotations aux amortissements plus importants, par la hausse des taux d'intérêt qui ont pénalisé le résultat financier ainsi que par des dépréciations comptables de 691 millions d'euros.

Eutelsat a notamment accusé une perte de valeur sur les actifs à orbite géostationnaire (GEO) sur la base de nouvelles prévisions. "Ces prévisions tiennent compte d'une concurrence accrue sur le marché de la connectivité et d'une baisse plus importante que prévu de la demande de services vidéo", explique l'entreprise.

Oddo BHF note surtout que la société a prévenu que, pour le segment "connectivité fixe" le deuxième semestre "refléterait" des "conditions plus difficiles pour le haut débit grand public sur les réseaux compatibles avec la technologie GEO en Europe, avec notamment l’arrêt temporaire de la comptabilisation du chiffre d’affaires d’un client spécifique sur le satellite KONNECT VHTS".

Certes Eutelsat confirme ses objectifs pour l'exercice 2024-2025, à savoir un chiffre d'affaires opérationnel au même niveau que celui du précédent exercice, avec une marge brute d'exploitation "légèrement inférieure". Mais au regard des "conditions plus difficiles" évoquées précédemment avec la technologie GEO, la société reconnaît que "ces objectifs s'avèrent plus ambitieux".

Après cette publication, Oddo BHF réitère sa recommandation à "sous-performance", un conseil qui intègre le risque "d'échec financier" pour la constellation de satellites de OneWeb, un problème qu'Eutelsat doit résoudre pour que son action puisse rebondir, explique le courtier.