par Dominique Vidalon et Kate Holton
PARIS/LONDRES (Reuters) - En 2009, Vincent Bolloré pourrait enfin concrétiser sa "long love affair" avec le groupe britannique d'achat d'espaces Aegis.
Le départ surprise du directeur général d'Aegis Robert Lerwill et la chute du cours de l'action ont ravivé les rumeurs selon lesquelles Vincent Bolloré, actionnaire majoritaire à la fois d'Aegis et d'Havas, pourrait chercher à fusionner les deux groupes publicitaires.
L'homme d'affaires français, qui détient 29,9% d'Aegis et 32,9% d'Havas, souhaite depuis longtemps que les deux groupes collaborent, notamment dans l'achat d'espaces publicitaires.
Au cours du mandat de Robert Lerwill, Vincent Bolloré a essayé à cinq reprises d'obtenir deux sièges au conseil d'Aegis, une situation qu'il décrit régulièrement comme une "long love affair". Aegis a motivé à chaque fois son refus par la crainte d'un conflit d'intérêt.
Une source proche de Vincent Bolloré a déclaré à Reuters: "Il y aura une consolidation au sortir de la crise et il y aura des opportunités et aussi dans la publicité. Aegis n'est pas un animal malade et Havas n'est pas une grande entreprise".
Selon une autre source du secteur, Vincent Bolloré attend simplement de voir si le changement de direction d'Aegis se traduit en changement de stratégie.
Les analystes estiment qu'une fusion entre Aegis et Havas aurait du sens étant donné que la taille est importante en période de crise, mais ils soulignent qu'il n'y a pas d'urgence pour Vincent Bolloré et qu'un conflit prolongé pourrait freiner toute intégration.
"Nous ne sommes pas certains que le départ du directeur général (d'Aegis) rende de fait une fusion plus probable: les contraintes du marché du crédit demeurent et le financement d'une transaction serait difficile à lever", explique Deutsche Bank dans une note à ses clients.
"Cependant, étant donné le niveau actuel de l'action Aegis, ni Bolloré ni une tierce partie (...) n'aura jamais de meilleure opportunité au cours du cycle actuel pour tenter une approche".
Pour les observateurs du secteur, tels que Martin Sorrell, patron de WPP, le deuxième groupe publicitaire mondial, la question n'est pas de savoir si Bolloré mettra la main sur Aegis, qui possède Carat, la première agence européenne d'achat d'espaces, mais quand il le fera.
"Vincent Bolloré a le temps et l'argent. Il pourrait s'emparer d'Aegis aujourd'hui s'il le décidait. Ce n'est sans doute qu'une question de temps", a-t-il dit dans un entretien publié lundi par Les Echos.
Selon une source proche de Vincent Bolloré, l'homme d'affaires dispose d'un à deux milliard d'euros de cash pour des investissements.
Vincent Bolloré est entré dans le capital d'Aegis il y a trois ans, lorsque le groupe britannique était convoité par Publicis, quatrième groupe publicitaire mondial, et un consortium comprenant WPP.
Avec une capitalisation d'un peu plus de 700 millions de livres (plus de 800 millions d'euros), Aegis fait depuis longtemps figure de proie. En 2005, Publicis avait proposé 140 pence par action, alors que le titre vaut actuellement environ 60 pence.
Pour Bruno Hareng, analyste chez Oddo Securities, avec des valorisations en baisse de 55% en moyenne au cours des 12 derniers mois, Aegis et ses concurrents sont devenus des proies potentielles.
Mais en investisseur avisé, Vincent Bolloré pourrait attendre que la Bourse touche un plancher, ce qui ne paraît pas, à ce stade, survenir avant avril-juin 2009, selon Bruno Hareng.
Le groupe Bolloré n'a fait aucun commentaire.
VULNÉRABLE AEGIS ?
A l'annonce du départ de Robert Lerwill le 27 novembre, l'action Aegis s'est octroyée 19% dans l'espoir d'un changement de stratégie. Même si Aegis n'a fourni aucune explication, les analystes y ont lu la volonté d'une "direction plus ferme".
Parmi les divers scénarios qui circulent, les investisseurs privilégient l'hypothèse d'une scission des activités d'achat d'espace d'Aegis et de son pôle d'études de marché (Synovate) ou d'un mariage avec Havas, sixième groupe publicitaire mondial, présidé par Vincent Bolloré.
Tom Singlehurst, analyste chez Citi, rappelle que Robert Lerwill était partisan de conserver les deux divisions sous un même toit.
John Napier, président d'Aegis depuis juillet, assurera l'intérim avant la nomination d'un nouveau directeur général. Selon une source du secteur, Aegis ne recherche pas activement de successeur à Robert Lerwill, une situation rendant Aegis plus vulnérable face aux prédateurs aux yeux des analystes.
Aegis a longtemps été l'un des plus puissants groupes publicitaires, avec une bonne assise géographique, une solide stratégie dans le numérique et une croissance organique de 9,8% en 2007, deux fois plus rapide que la moyenne du secteur. Aegis se traite à 7,7% ses bénéfices estimés pour 2009 contre sept fois pour Havas.
Mais la perte d'un budget important chez Renault et les départs successifs du directeur général d'Aegis Media, Mainardo de Nardis, et du patron d'Aegis Media U.S., David Verklin, ont affaibli le groupe cette année.
Version française Cyril Altmeyer. Edité par Jean-Michel Bélot
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