(BFM Bourse) - Entre le 2 mai et le 2 août, l'action de Berkshire Hathaway, le conglomérat du célèbre investisseur a reculé de 14% quand le S&P 500, sur la même période, s'est adjugé 11%, dividendes inclus. Il s'agit selon le Financial Times de la plus forte sous-performance sur trois mois depuis le début de la pandémie, début 2020. Ce qui peut s'expliquer par le prochain départ de Warren Buffet, mais aussi par le caractère défensif du groupe en Bourse.
La société de Warren Buffett, le célèbre investisseur surnommé "l'oracle d'Omaha", sa ville natale, traverse un trou d'air boursier. Sur l'ensemble de 2025, Berkshire Hathaway, le conglomérat du milliardaire s'adjuge 2,4%, quand le S&P 500 avance de 7,1%.
La sous-performance de la société s'est surtout observée sur les derniers mois. Dans un récent article, le Financial Times s'est amusé à comparer la performance de l'action Berkshire Hathaway sur trois mois, depuis le 2 mai dernier.
Le quotidien britannique n'a évidemment pas choisi cette date au hasard. Il s'agissait de la dernière séance avant que la société annonce que son emblématique dirigeant quitterait ses fonctions de directeur général à la fin de 2025, remplacé par Greg Abel. Le titre avait perdu 5,12% dans la foulée.
Sur les trois mois allant du 2 mai au 2 août, l'action Berkshire Hathaway a chuté de 14% quand, dans le même temps, le S&P 500, dividende inclus, a pris 11%, selon les données du Financial Times, soit une sous-performance de 25 points de pourcentage.
D'après le quotidien britannique, il s'agit de la plus forte sous-performance de l'action du groupe sur trois mois depuis le début de 2020 et l'éclatement de la pandémie, lorsque le marché se défaussait à tour de bras d'actions, y compris des assureurs et des services financiers, des activités gérées en propre par Berkshire Hathaway (outre ses nombreuses participations, le groupe est présent dans l'assurance, l'énergie et le fret ferroviaire).
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L'après-Buffett, une inconnue pour le marché
Comment expliquer une telle sous-performance? Évidemment, l'annonce du départ de Warren Buffett peut peser. Ce car le célèbre investisseur de 94 ans est entouré d'une certaine aura et la communauté financière craint que cette "magie" se perde avec son départ.
Antoine Peulet, analyste et gérant de portefeuille chez Monocle Asset Management, investi sur Berkshire Hathaway, expliquait très bien en 2024 sur BFM Bourse les défis qui se posaient pour l'après-Buffett.
Greg Abel "est une personne qui est assez discrète, que l'on connait très peu, c'est un point qui est plutôt négatif". Le gérant rappelle que Warren Buffett avait écrit, dans sa lettre aux actionnaires, que le succès de Berkshire Hathaway était lié à "douze décisions d'investissement, douze en soixante ans".
"La question qui se pose c'est dans quelle mesure cela est réplicable par une nouvelle équipe de gestion, de management", ajoutait-il.
Ce d'autant plus que "Berkshire croît chaque année, vous avez 10 milliards de dollars de cash qui arrivent tous les trimestres et qu'il faut réallouer". "Cela veut dire que Greg Abel dans les dix années après Buffett aura à allouer beaucoup plus de capital que Warren Buffett durant toute sa vie", prévenait-il.
"Peut-être que les investisseurs ne sont pas encore convaincus que la société puisse rester un champion de l'investissement sans Buffett à sa tête", a de son côté écrit Russ Mould d'AJ Bell dans une note publiée lundi.
Un retournement de marché
Mais le départ programmé de Warren Buffett n'est certainement pas la seule explication. En réalité, la période de comparaison choisie par le Financial Times s'avère particulièrement désavantageuse pour Berkshire Hathaway.
Du 1er janvier au 2 mai, la société avait largement surperformé le S&P 500, avec une hausse de près de 19% (pour l'action de classe A) quand le S&P 500 (hors dividende) avait perdu 3,3%.
À ce moment là, Berkshire Hathaway bénéficiait de son caractère d'action défensive, le groupe étant un conglomérat avec des métiers (l'assurance ou l'énergie) moins affectées par les droits de douane américains que nombre d'autres activités. Par ailleurs Berkshire Hathaway dispose d'une montagne de cash, d'environ 344 milliards de dollars à fin juin dernier. Ce qui lui assure une réserve appréciable et renforce son statut de valeur défensive.
"Alors que les inquiétudes concernant les droits de douane commençaient à s'intensifier, certaines personnes se sont tournées vers la sécurité offerte par Berkshire", a d'ailleurs déclaré au Financial Times Bill Stone, directeur des investissements chez Glenview Trust, un investisseur de Berkshire.
Problème: sur les derniers mois Wall Street a connu un rebond, notamment en juin (+5%) et dans une moindre mesure en juillet (+2%). Les investisseurs qui s'étaient abrités en se positionnant sur Berkshire ont repris goût au risque et on pu réinvestir dans les valeurs plus cycliques. Ce retournement de tendance a logiquement pénalisé Berkshire Hathaway qui a subi le contre-coup de sa bonne performance des quatre premiers mois de 2025.
Une absence dans la tech
D'autant que le rallye a été en partie porté par la tech, notamment au cours de la dernière saison des résultats. Si Amazon a déçu, Microsoft, Meta et Alphabet ont tous trois livré des résultats appréciés par le marché, ce qui a démontré que la thématique de l'intelligence artificielle avait encore de beaux jours devant elle à Wall Street.
"S'appuyant sur les solides résultats d'Alphabet la semaine précédente, les rapports meilleurs que prévu de Meta et Microsoft ont encore renforcé le discours sur l'IA, le premier ayant enregistré une accélération de la croissance de ses ventes et présenté des plans de dépenses agressifs en matière d'IA, tandis que le second a publié des résultats solides dans son activité cloud grâce à la demande en IA", explique union Bancaire Privée. "Le point essentiel à retenir est que la dynamique de l'intelligence artificielle (IA) est intacte", abonde UBS.
Warren Buffett, qui n'aime pas investir dans des sociétés qu'il ne comprend pas, est peu présent sur la tech. Certes, Apple constitue l'un des cinq plus grands investissements de Berkshire Hathaway.
Mais le groupe à la pomme est très clairement le Gafam qui a le moins investi dans l'intelligence artificielle. L'action Apple évolue actuellement dans une 'penalty box' (le coin des mauvais élèves, NDLR), étant donné qu'Apple est largement considéré comme un retardataire en matière d'IA (intégration approfondie de Siri retardée et absence de modèles de pointe)", expliquait Bank of America dans une récente note.
Si le départ de Warren Buffett constitue donc un motif légitime de craintes pour le marché, la sous-performance de l'action Berkshire Hathaway s'explique aussi par une rotation de marché qui a été défavorable au conglomérat ainsi que par son absence sur le compartiment technologique.
"Il y a eu des périodes dans le passé où Berkshire a pris du retard par rapport à l'indice S&P 500, mais son approche patiente lui a permis d'engranger des bénéfices et de générer une surperformance considérable au fil du temps", rappelle par ailleurs Russ Mould .
"La période 1996-1999 en est un exemple récent et flagrant, Berkshire n'ayant pas participé à la ruée vers les actions des secteurs de la technologie, des médias et des télécommunications, ce qui lui a permis d'échapper à la crise de 2000-2003", illustre-t-il.
"Les performances ont également été inférieures à celles du S&P 500 en 2004-2006, lorsque l'ingénierie financière, l'effet de levier et une multitude de produits dérivés ont satisfait Wall Street jusqu'à ce que 'Main Street' (un terme jargonneux qui évoque l'économie réelle, NDLR) et l'économie dans son ensemble finissent par en payer le prix. Buffett et Munger ont profité des faibles valorisations qui ont prévalu après ce cataclysme boursier, puis ont de nouveau largement surperformé au cours de la décennie suivante" évoque encore l'expert de marché.
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