(BFM Bourse) - Le gigantesque fonds souverain vient d'enchaîner le pire puis le meilleur trimestre de son histoire sur les six premiers mois de l'année, au cours desquels il affiche un rendement négatif de -3,4%.
Reflet des fluctuations vertigineuses des marchés dues au Covid-19, le plus gros fonds souverain au monde, celui de la Norvège, joue au yo-yo depuis le début de l'année, en affichant successivement la pire et la meilleure performances trimestrielles de son histoire. Après une hémorragie de 1.170 milliards de couronnes (111 milliards d'euros, soit -14,6%) en début d'année, quand la pandémie a donné un coup d'arrêt à l'économie mondiale, le "Statens pensjonsfond Utland" (ou "Government Pension Fund-Global") a gagné plus de 1.100 milliards de couronnes lors des trois mois suivants grâce au rebond des Bourses dopées par le relâchement des politiques monétaires et budgétaires.
"Le premier trimestre a été historiquement le plus mauvais trimestre pour le fonds du point de vue du rendement" en couronnes, a souligné le vice-patron de l'énorme bas de laine, Trond Grande, en présentant les résultats semestriels mardi. "Tandis que le deuxième trimestre a été le trimestre le plus robuste de l'histoire", a-t-il ajouté.
Sur l'ensemble du premier semestre, le fonds créé dans les années 1990 pour faire fructifier les revenus pétroliers de l'Etat norvégien a tout de même perdu 188 milliards de couronnes (-3,4%), soit un peu moins de 18 milliards d'euros.
Bien aidé par les GAFA
Sa valeur -10.400 milliards de couronnes (989 milliards d'euros) à fin juin- n'évolue pas seulement en fonction du prix des actifs gérés mais aussi de ses coûts, des ponctions que l'Etat peut y réaliser -il l'a fait abondamment pour amortir l'impact économique de la crise sanitaire- et des taux de change.
Les actions représentant 69,9% de son portefeuille, il suit cependant étroitement les courbes des Bourses: après "une chute dramatique sur tous les marchés mondiaux" en début d'année, ces investissements ont affiché "un rebond étonnamment rapide" à l'approche de l'été, notamment aux Etats-Unis, a noté Trond Grande. C'est plus spécifiquement le compartiment technologique (+14,2% sur le semestre) qui a permis au fonds norvégien de limiter la casse sur les six premiers mois de l'année, ses quatre plus grosses participations étant -par ordre de taille- dans Microsoft (14,3 milliards d'euros de titres), Apple (14,1), Amazon (11,5) et Alphabet (8,5). Au contraire, les secteurs pétroliers et gaziers (-33,1%) et financiers (-20,8%) ont souffert sur les six premiers mois de l'année.
Présent au capital de plus 9.200 entreprises à travers le monde, le fonds contrôle l'équivalent de 1,5% de la capitalisation boursière mondiale. "Même si les marchés ont bien rebondi au deuxième trimestre, nous décelons encore beaucoup d'incertitudes", a souligné le dirigeant. De fait, si les investissements boursiers du fonds ont globalement reculé de 6,8% sur le semestre, ses autres placements affichent également des performances contrastées.
L'immobilier, qui représente 2,8% du portefeuille, affiche également un rendement négatif (-1,6%), tandis que les placements obligataires (27,6% des actifs) ont, eux, engrangé un gain de 5,1%.
"Turbulences" autour de la direction
Au-delà des chiffres qui ont de quoi donner le tournis, le fonds norvégien est aujourd'hui toujours enlisé dans une polémique sur sa direction. Nicolai Tangen, un milliardaire qui a fondé le fonds spéculatif AKO Capital à Londres, doit prendre ses rênes le 1er septembre, en remplacement d'Yngve Slyngstad. Mais des voix ont critiqué de possibles conflits d'intérêts concernant Nicolai Tangen ainsi que son recours à des paradis fiscaux.La Banque de Norvège, qui chapeaute le fonds, a également été épinglée par un organisme de supervision pour des irrégularités et entorses à la loi dans le processus de recrutement. À tel point que la prise de fonctions de Nicolai Tangen est remise en cause par une partie de la classe politique alors que le Parlement doit rendre un avis vendredi, défrichant un terrain juridique inconnu.
Principale force d'opposition, le parti travailliste estime que Nicolai Tangen ne devrait pas accéder à ses nouvelles responsabilités à moins de céder les 43% qu'il détient toujours, en fiducie ("blind trust", c'est-à-dire sans droit de regard), dans AKO Capital. Sollicité par le gouvernement de droite, un cabinet d'avocats a quant à lui conclu mardi que le ministère des Finances ne pouvait s'immiscer dans le processus de désignation, qui incombe aux seules instances dirigeantes de la banque centrale, indépendante du pouvoir.
"Évidemment, cette situation est quelque chose dont nous nous serions bien passés mais nous espérons avoir réussi, en plus de 20 ans, à bâtir une réputation apte à résister à quelques turbulences", a commenté Trond Grande.
(Avec AFP)