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Faut-il craindre le grand retour de la volatilité sur les marchés actions?

samedi 11 mai 2019 à 08h00
La volatilité a fortement rebondi depuis une semaine

(BFM Bourse) - L'indicateur VIX de volatilité sur les marchés actions américains a bondi de 40% lundi et mardi, pour revenir à des niveaux plus observés depuis fin janvier dernier. Alors que les indices américains ont atteint de nouveaux sommets et que la volatilité avait pratiquement disparu, les positions "shorts" des fonds spéculatifs à l'encontre du VIX avaient atteint de nouveaux records, ce qui est potentiellement problématique.

En janvier 2018, après le Forum économique de Davos, le PDG de Barclays James Edward (dit "Jes") Staley déclarait ceci : "Nous avons construit et structuré des produits partout dans le monde qui tentent d'améliorer les profits en pariant sur la (faible) volatilité. C'est une pratique habile (mais) lorsque le marché se retournera, attachez vos ceintures". Une déclaration en forme de prophétie puisque moins de deux semaines plus tard, le VIX (pour "Volatility Index") -indice calculé quotidiennement, depuis 1992, par le Chicago Board Options Exchange (CBOE) en faisant la moyenne des volatilités sur les options d'achat et de vente sur le S&P 500- avait bondi de plus de 100% en... quatre heures. Et l'affolement avait immédiatement gagné le marché, rappellent les experts de Mirabaud Securities Genève dans leur note du 30 avril dernier. "En moins de 20 minutes, le Dow Jones avait plongé dans une spirale infernale de 500, puis 1.000, puis 1.500 points" détaillent-ils.

Aussi appelé "indice de la peur", l'indice mesure concrètement la nervosité des marchés contenue dans les prix des options, celles-ci (des "calls" et des "puts") permettant de valoriser le fait d'avoir le choix. Plus l'incertitude est grande, plus le choix vaut cher. "Très suivi par les traders américains, le VIX traduit complaisance ou peur" explique Nicolas Chéron, responsable de la recherche marchés chez Binck.fr. "Un VIX sur ses plus bas annuels traduisait une complaisance forte des marchés mais nous alertait également sur un possible accident de parcours alors que l'euphorie battait son plein", développe-t-il. Il existe en outre d'autres indices de volatilité, indexé sur d'autres indices boursiers, comme le VNX pour le NASDAQ ou le VXD pour le Dow Jones.

Source du graphique : IG

D'énormes positions "short" sur le VIX

En janvier dernier, donc, "alors que "tout le monde" détenait le fameux produit pariant sur une faiblesse de la volatilité (VIX), lorsque les marchés boursiers ont été pris d'inquiétudes par les risques d'inflation (notamment après la publication de salaires horaires américains au-dessus des attentes), ils ont piégé ceux qui avaient misé sur la persistance d'une volatilité basse. Les plus importants "hedges funds" ont alors commencé à en sortir, provoquant un mouvement de panique pour tenter de couvrir ces investissements. La hausse de la volatilité n'en a été que plus forte poussant deux gros acteurs du secteur, Crédit Suisse et Nomura, à annoncer la fermeture de leurs fonds liés à la volatilité et des pertes massives pour ceux qui y avaient investi (le produit passera en effet de 144.75 dollars à … 6.04 dollars !)", se remémorent les experts de Mirabaud Securities Genève. Si parier contre la volatilité peut être extrêmement lucratif (comme en 2017 où l'indice était resté inactif pendant la majeure partie de l'année), l'histoire récente nous apprend donc que cela peut aussi être extrêmement coûteux.

Alors certes, l'emballement observé sur le VIX lundi et mardi (+40% sur deux jours environ) est moindre que celui constaté en février 2018 mais, selon les données hebdomadaires de la CFTC (Commodity Futures Trading Commission), on notait des positions à découvert nettes -toujours de la part des fonds spéculatifs- d'environ 178.000 contrats à terme sur le VIX, soit la plus importante position de ce type jamais enregistrée au cours des 15 dernières années. Autrement dit, les "hedge funds" pariaient plus que jamais que le calme allait durer sur les marchés actions.

Avant ce lundi toutefois, il faut noter que la volatilité avait pratiquement disparu "en s’écrasant sous les 13 points (à 12,96 points à la clôture de Wall Street vendredi 3 mai, NDLR) pour revenir à des niveaux connus entre juillet et octobre 2018", soit 30% en-dessous de sa moyenne de ces 20 dernières années, précisent les experts de Mirabaud. Mais si le VIX est resté relativement stable mercredi, il a bondi de nouveau de plus de 11% jeudi pour atteindre jusqu'à 22,71 points, au plus haut depuis fin janvier dernier, son dernier pic annuel. Vendredi vers 16h30, il était de nouveau retombé à 18,93 points.

Les tweets de Trump en catalyseur

L’envolée de la volatilité cette semaine est "clairement la résultante des deux tweets de Donald Trump sur la hausse des taxes commerciales sur 200 milliards de dollars de produits chinois dès vendredi" pour Alexandre Baradez, chef de la stratégie de marché chez IG. "Il s’agit implicitement d’un ultimatum fixé au gouvernement chinois mais qui a fortement surpris les marchés étant donné que ces derniers ont été bercés depuis des mois par les messages de l’administration Trump faisant état d’avancées dans les négociations" développe le spécialiste, selon qui "on peut également citer des facteurs techniques -les fameux niveaux historique de positions spéculatives "short" sur la volatilité dont le débouclage volontaire ou subi peut entraîner des hausses violentes de la volatilité comme ce fut déjà le cas au 1er trimestre 2017- pour expliquer le grand retour de l'aversion au risque sur les marchés actions.

"L'effet Trump est indéniable" corrobore Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Bank, selon qui "le bond de la volatilité reflète un regain d’inquiétudes de la part des investisseurs à propos des négociations Chine/US". Mais, point important, il fait aussi savoir que la volatilité était anormalement basse depuis plusieurs années. Pour lui, cela traduit le fait que les marchés sont "complaisants car il y a la croyance que peu importe ce qui arrivera, les banques centrales interviendront pour sauver les meubles, d'où un mauvais "pricing" du risque". "Mon point de vue est que le marché actions reste attractif même si certains segments sont un peu chers, surtout aux États-Unis. Je ne vois pas pour bientôt la fin de la tendance haussière car la Fed est devenue "market-dependent" et ne peut pas se permettre un marché "bearish" (orienté à la baisse, NDLR)" développe le spécialiste.

Qui doit craindre le retour de la volatilité ?

"Ceux qui ont le plus à craindre d’un retour de la volatilité sont ceux qui sont exposés au risque (les marchés actions) et jouent un scénario de poursuite du rallye en place depuis le début de l’année. Historiquement, les fortes phases de volatilité sur le SP500 se sont répercutées sur les marchés européens voire asiatiques, ce qui n’est pas forcément le cas dans l’autre sens" analyse Alexandre Baradez.

"Les liens entre volatilité action et marché du crédit (trop de dettes) ne doivent pas être sous-estimés" ajoute Ludovic Subran, directeur de la recherche économique et chef économiste chez Allianz. Autrement dit, le retour de la volatilité peut alimenter une forme de défiance de certains opérateurs vis-à-vis du crédit, donc potentiellement fragiliser de nombreuses entreprises, les groupes émetteurs de dettes classés BBB ayant énormément grossi par rapport aux catégories mieux notées.

À noter que si les experts de Mirabaud Securities jugeaient délicat, dans leur note du 30 avril, de déterminer quand la volatilité va progresser car cela correspond à prédire la hausse ou la baisse d'un marché, ils anticipaient néanmoins que "cette semaine (celle qui s'est bouclée le vendredi 3 mai, NDLR) pourrait marquer le retour de la volatilité pour plusieurs raisons" : près d’un tiers des entreprises du S&P 500 (dont Apple) allaient publier leurs résultats, la publication de nombreuses statistiques économiques dont les chiffres de l'emploi américain, des réunions de politiques monétaires (Fed et BoE) et donc, une nouvelle série de négociations commerciales. S'ils se sont trompés d'une semaine, force est de constater que les experts avaient là aussi vu juste et que c'est bel et bien le revirement de Trump sur le front commercial sino-américain qui a alimenté la nervosité des marchés. Dans ce contexte, les cambistes ont les yeux rivés vers Washington où un énième round de négociations entre représentants américains et chinois au Commerce démarre.

"Si le président Trump suit sa promesse de prélever des droits de douane additionnels dès la fin de la semaine, la volatilité pourrait bien précipiter d'autres pertes sur les marchés actions" craint Michael Hewson, analyste chez CMC Markets. Néanmoins, nuance Ludovic Subran, "on a vu la volatilité faire des pics et rebaisser aussi sec dans la foulée donc voyons comment les "trade talks" se déroulent". Autrement dit, si la Chine et les États-Unis parviennent prochainement à un accord commercial, le VIX retomberait automatiquement et la nervosité actuellement observée sur les marchés pourrait disparaître quasi-instantanément.

Quentin Soubranne - ©2025 BFM Bourse
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