(BFM Bourse) - Le Nikkei 225, l'indice principale de la Bourse de Tokyo a pris quasiment 5% tandis que le yen a chuté de plus de 1% après que Sanae Takaichi a été élue à la tête de LDP, le plus important parti japonais. Ce qui lui permettra de devenir Première ministre du Japon. Cette nationaliste critique de l'immigration est perçue comme pratiquant une politique budgétaire expansionniste tout en plaidant contre les hausses de taux.
Pour la première fois de l'histoire du Japon, une femme s'apprête à prendre la tête du gouvernement.
L'expérimentée Sanae Takaichi a remporté samedi des élections internes au PLD (Parti Liberal-Démocrate), le parti conservateur japonais au pouvoir de façon quasiment ininterrompue depuis 1955. La dirigeante politique est devenue cheffe du parti, ce qui, sauf énorme et improbable retournement, lui permettra de devenir Première ministre du Japon.
Sa victoire demeure une surprise. Les sondages et les organismes de paris tablaient davantage sur Shinjiro Koizumi (44 ans), un réformateur et fils de l'ancien Premier ministre Junichiro Koizumi.
La récente montée en puissance d'un parti nationaliste, appelé Sanseito, ayant pour slogan "Les Japonais d'abord" a pu jouer en sa faveur. Sanae Takaichi est connue pour tenir un discours prônant plus de sévérité à l'égard de l'immigration (elle aurait durant sa campagne raconté une anecdote sur un touriste harcelant un daim dans la jolie ville de Nara) ainsi que pour son intransigeance envers la Chine. Elle appelle également à renforcer la défense et la sécurité nationale.
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Une batteuse de heavy metal sceptique sur l'immigration
Amoureuse de motos et ancienne batteuse dans un groupe de heavy metal à l'université, Sanae Takaichi a cité à de nombreuses reprises Margaret Thatcher comme une source d'inspiration. On ne s'étonnera donc pas que plusieurs médias, comme la BBC, la surnomme, la "iron lady"("dame de fer") du Japon.
La Bourse, elle, a été grandement propulsée par sa victoire, tandis que le yen souffre, ce lundi. Le Nikkei 225, l'indice principale de la place de Tokyo, a clôturé sur une hausse de 4,75%. Le yen, lui, dévisse. Vers 11h15, la devise japonaise perdait 1,3% face à l'euro.
Takaichi est perçue comme favorable à la relance budgétaire et hostile aux hausses de taux d'intérêt, s'inscrivant en quelque sorte dans l'héritage de Shinzo Abe, l'ancien Premier ministre japonais et ses "Abenomics" qui avaient tenté de relancer l'économie japonaise via des mesures expansionnistes.
"En bref, elle défend une relance budgétaire agressive, une position que notre économiste Ken Koyama décrit comme soutenant une 'économie sous haute pression'", explique Deutsche Bank.
Quid de la politique monétaire?
"À court terme, le paysage se caractérise par des actions en hausse, un yen potentiellement plus faible et des marchés obligataires prudents, les investisseurs s'adaptant à la perspective d'une 'Abenomics 2.0' sous la première femme Premier ministre du Japon", considère pour sa part, Shrikant Kale, de Jefferies, cité par Reuters.
"Les marchés ont immédiatement commencé à esquisser son profil politique: expansion budgétaire et hésitation monétaire. Elle n'est pas une fauconne budgétaire. Elle est plutôt une reflationniste piégée dans un monde déjà à mi-chemin de la stagflation" explique de son côté Stephen Innes.
"Son mantra — la croissance avant la pureté budgétaire — annonce davantage de mesures de relance, davantage d'émissions de dette et moins d'appétit pour une normalisation de la Banque du Japon. Le yen interprétera cela comme une invitation à baisser, peut-être jusqu'à 150 (1 dollar pour 150 yens, NDLR), tandis que le Nikkei accueille la nouvelle comme une dose de caféine, avec une hausse de près de 4% sur la séance, les traders ayant pris en compte les deux facteurs favorables que sont la faiblesse de la monnaie et la hausse des dépenses", développe l'expert de marché.
La dirigeante politique s'était montrée critique, en 2024, envers la Banque du Japon pour avoir augmenté ses taux directeurs, qualifiant cette décision de "stupide". Elle a depuis mis de l'eau dans son vin.
"Mme Takaichi a reconnu la nécessité de donner la priorité aux mesures visant à lutter contre l'inflation et a évité de réitérer les commentaires de 2024 selon lesquels il serait imprudent de la part de la BoJ de relever ses taux. Mais sa position sur la lutte contre l'inflation semble toujours différente des prescriptions politiques traditionnelles", tranche Deutsche Bank.
Auparavant à l'achat sur le yen, la banque allemande est passée à "neutre" sur la devise japonaise.
Thatcher ou Truss
"La victoire surprise de Sanae Takaichi réintroduit trop d'incertitudes autour des priorités politiques du Japon et du calendrier du cycle de hausse des taux de la Banque du Japon", explique Deutsche Bank.
"Nous notons qu'elle a fait valoir que l'inflation au Japon est davantage liée à la hausse des coûts qu'à la demande, mis l'accent sur les mesures d'allègement budgétaire, plutôt que sur la politique monétaire pour lutter contre les pressions sur les prix et n'a pas exclu des réductions de la taxe à la consommation, souligné que le gouvernement et la Banque du Japon devraient travailler en étroite collaboration et proposé un plan visant à élargir la coalition", développe la banque allemande.
Sanae Takaichi a toutefois un certain nombre de défis à relever, comme unir un parti divisé et en perte de vitesse, ou soutenir la croissance, maîtriser l'inflation et développer l'intelligence artificielle au sein d'un Parlement où le LDP a perdu la majorité absolue dans les deux chambres.
"Elle veut devenir la version nationale de son idole, Margaret Thatcher. Certains craignent qu'elle ne devienne la Liz Truss du pays", cingle dans un éditorial Bloomberg.
Fin 2022, la Première ministre britannique Liz Truss n'avait tenu que 44 jours à la tête du Royaume-Uni en raison de choix économiques jugés catastrophiques par le marché.
