par Richard Cowan
WASHINGTON (Reuters) - Alors que le Congrès américain a jusqu'à mardi à minuit pour éviter une paralysie de l'Etat fédéral, ou "shutdown", les républicains et les démocrates ne montrent aucun signe d'accord qui pourrait permettre d'adopter un budget dans les temps.
Le président américain Donald Trump tient lundi une réunion avec les chefs de file du Congrès à la Maison blanche, une ultime tentative visant à mettre fin à l'impasse.
Les démocrates ont cependant fait savoir qu'ils n'étaient pas prêts à approuver le plan de financement à court terme soutenu par les républicains sans obtenir quelques concessions.
Sans action du Congrès, des milliers d'employés du gouvernement fédéral, de la Nasa aux parcs nationaux, pourraient être licenciés et un large éventail de services perturbé. Les tribunaux fédéraux seraient forcés de cesser leurs activités et les subventions accordées aux petites entreprises être retardées.
Les démocrates entendent utiliser la menace d'une paralysie du gouvernement pour rétablir une partie du financement et consolider les subventions aux soins de santé qui doivent expirer à la fin de l'année.
Cette menace s'inscrit dans le cadre plus large de la poursuite d'une bataille qui se prépare depuis le retour de Donald Trump à la Maison blanche, le président américain refusant de dépenser des milliards de dollars déjà approuvés par le Congrès.
Environ 1.700 milliards de dollars (1.450 milliards d'euros) de dépenses "discrétionnaires", qui financent le fonctionnement des agences, expireront à la fin de l'année fiscale, mardi, si le Congrès ne les prolonge pas.
Cela représente environ un quart du budget total du gouvernement américain, qui s'élève à 7.000 milliards de dollars. Le reste est essentiellement consacré aux programmes de santé et de retraite ainsi qu'au paiement des intérêts de la dette, qui s'élève à 37.500 milliards de dollars.
La Chambre des représentants, contrôlée par les républicains, a adopté de justesse, le 19 septembre, un projet de loi visant à maintenir le financement des agences gouvernementales jusqu'au 21 novembre. Le Sénat, qui avait besoin de 60 voix pour approuver la mesure, l'a rapidement rejetée.
Les regards seront ainsi tournés vers Donald Trump, qui a rendu les démocrates responsables de l'impasse, et sur le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, qui devra maintenir sa base dans la ligne de conduite pour atteindre les objectifs de son parti.
FERMETURES CHRONIQUES
Depuis 1981, il y a eu 14 fermetures partielles du gouvernement, dont la plupart n'ont duré que quelques jours. La plus récente a également été la plus longue, puisqu'elle a duré 35 jours entre 2018 et 2019 en raison d'un conflit sur l'immigration.
Cette fois, c'est le secteur de la santé qui est en cause. Environ 24 millions d'Américains couverts par l'Affordable Care Act verront leurs dépenses de santé augmenter si le Congrès ne prolonge pas les allègements fiscaux temporaires adoptés en 2021.
Dimanche, Chuck Schumer a déclaré qu'une "pression énorme" s'exercerait sur les républicains pour qu'ils acceptent de négocier le rétablissement des réductions des dépenses de santé qui, selon lui, menacent des hôpitaux ruraux de fermeture et d'augmenter considérablement les primes d'assurance.
"Nous ne voulons pas d'un 'shutdown'," a-t-il affirmé lors de l'émission Meet the Press sur la chaîne NBC.
"Nous espérons qu'ils s'assoiront et qu'ils négocieront sérieusement avec nous."
Le chef des républicains du Sénat, John Thune, a laissé la porte ouverte à une éventuelle résolution du problème mais estime que le Congrès doit d'abord adopter un projet de loi de finances temporaire pour éviter la fermeture de l'administration.
"Vous ne pouvez pas le faire d'ici mardi, et vous ne pouvez pas le faire alors que vous tenez le peuple américain en otage avec une fermeture du gouvernement," a-t-il déclaré lors de l'émission Meet the Press.
Certains collaborateurs démocrates du Congrès ont laissé entendre que les parlementaires pourraient soutenir un projet de loi de financement de courte durée si les républicains acceptaient de voter dans les prochaines semaines la prolongation du crédit d'impôt prévu par la loi sur les soins abordables (Affordable Care Act).
Le chef des démocrates de la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a toutefois rejeté cette idée vendredi.
"Nous sommes censés croire, avec un clin d'œil et un hochement de tête, que les dirigeants républicains sont réellement intéressés par la question de l'Affordable Care Act ?" a-t-il déclaré en remettant en question la confiance que les démocrates pouvaient accorder aux républicains.
LES DÉMOCRATES S'ACCROCHENT MALGRÉ LES RISQUES
Les démocrates cherchent désespérément à dynamiser leur base électorale avant les élections de mi-mandat de 2026, au cours desquelles le contrôle du Congrès sera en jeu, et alors que les législateurs du centre et de la gauche du parti se sont ralliés à l'effort visant à augmenter les dépenses de santé.
La représentante démocrate modérée Hillary Scholten a déclaré que ses électeurs ne voulaient pas qu'elle soutienne un projet de loi de finances qui ne renforce pas les soins de santé, évoquant en particulier la recherche sur le cancer chez les enfants.
Elle a par ailleurs souligné qu'un "shutdown" pourrait nuire à sa circonscription du Michigan.
"Nous avons les garde-côtes américains, une énorme installation", a-t-elle déclaré lors d'une interview. "Ils ne sont pas payés lorsque le gouvernement est fermé."
Le représentant démocrate Joe Courtney, du Connecticut, s'est dit préoccupé par les coupes budgétaires dans la recherche médicale à l'université de Yale et à l'université du Connecticut.
"C'est dévastateur pour les patients qui font l'objet d'essais cliniques," a-t-il déclaré.
La stratégie d'une fermeture du gouvernement n'est pas sans risque.
Des collaborateurs démocrates, s'exprimant sous couvert d'anonymat, ont exprimé la crainte qu'une fermeture ne provoque une réaction négative de l'opinion publique si les démocrates ne défendent pas efficacement leur cause.
Une fermeture du gouvernement pourrait donner l'impression que les démocrates s'opposent simplement à tout ce que Donald Trump propose.
John Thune et les républicains ont tourné en dérision cette position en parlant de "syndrome du dérangement de Trump".
"Ils (les démocrates) jouent avec le feu, et ils le savent," a déclaré John Thune dimanche.
(Reportage Richard Cowan, avec James Oliphant ; version française Etienne Breban, édité par Kate Entringer)
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