(BFM Bourse) - Le rendement de l'obligation française à 10 ans se tend encore davantage ce mardi alors que celui sur l'Allemagne est stable. L'écart entre les deux titres de dette se creuse ainsi nettement, atteignant un plus haut depuis novembre.
L'accalmie n'est pas d'actualité pour la dette française sur les marchés. L'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron a plongé les investisseurs dans le doute, créant une importante incertitude politique, ce que le marché exècre par excellence.
Le rendement de l'obligation française sur le marché secondaire - marché sur lequel les investisseurs s'échangent entre eux les titres de dette d'un pays - prend six points de base (0,06 point de pourcentage) vers 13h ce mardi, après s'être tendu de neuf points de base au cours de la journée. Le taux sur l'obligation assimilable du Trésor (OAT) français s'inscrit ainsi à 3,292% contre 3,10% vendredi. En deux jours, depuis l'annonce de la dissolution, le rendement a accumulé près de 20 points de base, une progression notable.
Surtout l'écart avec le titre allemand de même échéance se creuse sensiblement, de neuf points de base. Pour mesurer la tension sur un pays en particulier, les investisseurs regardent le taux de la dette à 10 ans de ce même pays avec un autre pays référence, jugé vertueux en matière de finances publiques (l'Allemagne dans la zone euro). Cet écart est appelé "spread".
Dans le cas de la France cet écart se situe actuellement autour de 63 points de base, un niveau qui n'avait plus été atteint depuis octobre 2023, selon les données d'investing.com.
Selon Bloomberg, cette fois, cet écart de 63 points de base correspond même à un plus haut depuis mars 2020.
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Un "stress"
"Il n'y a pas de facteur déclenchant particulier ce mardi. On reste sur les mêmes thématiques de la veille, à savoir que le marché attend de voir les prochains sondages, les prochaines alliances. Mais tant que l'on n'a pas de visibilité sur le scrutin, c'est-à-dire vraisemblablement avant son issue, il n'y a pas d'incitation à court terme pour le marché à reprendre du risque", explique Alexandre Baradez, chef de l'analyse de marché chez IG France.
L'expert de marché note qu'avec 63 points de base, le spread entre la dette française et allemande à 10 ans revient aux niveaux maximums testés sur les années 2022 et 2023. "Le fait que l'on revienne à cet écart qui avait été précédemment atteint lorsque la Banque centrale européenne avait atteint le pic de son durcissement monétaire, et ce alors qu'on se dirige désormais vers une phase d'assouplissement monétaire, montre qu'il y a un stress psychologique". Alexandre Baradez rappelle que ce spread avait atteint 190 points de base au plus fort de la crise de la dette souveraine en zone euro, en 2011.
L'agence de notation Moody's a mis en garde mardi contre le risque lié aux élections législatives qui seront organisées en France dans les prochaines semaines. L'agence de notation estime que ce scrutin "augmente les risques sur la consolidation budgétaire en France", a-t-elle indiqué.
"L'instabilité politique potentielle constitue un risque de crédit compte tenu de la situation budgétaire difficile dont héritera le prochain gouvernement", a ajouté l'agence, citée par Reuters, précisant que la perspective actuellement "stable" de la note de la France pourrait être abaissée à "négative" si les indicateurs d'endettement se détérioraient davantage.
"En termes de programme politique, le RN (Rassemblement national, NDLR) a édulcoré ses positions sur l'Europe il y a quelques années en s'éloignant de l'idée de proposer un référendum sur l'appartenance à l'euro. Toutefois, le marché devra probablement tenir compte d'une plus grande incertitude politique et de risques budgétaires plus élevés", explique Deutsche Bank.
La banque allemande a jugé, dans une note publiée lundi, qu'il y avait ainsi "du champ" pour que l'écart de rendement entre la dette française et allemande s'élargisse.