(BFM Bourse) - En 25 années d'existence, présidents et présidente de la Banque centrale européenne ont eu des déclarations amusantes et/ou tonitruantes. BFM Bourse dresse une courte liste non exhaustive.
A 25 ans, on a eu le temps de dire beaucoup de choses et de livrer nombre de déclarations fracassantes. La Banque centrale européenne (BCE) souffle justement ses 25 bougies avec une célébration organisée mercredi dernier, ce bien que l'institution européenne soit officiellement née le 1er juin 1998, soit quelques temps avant l'introduction de l'euro.
Plusieurs dirigeants se sont succédés à la tête de cette institution qui a traversé nombre de crises, avec la faillite de Lehman Brothers, la crise de la dette souveraine en zone euro, la pandémie et plus dernièrement l'envolée de l'inflation. Au cours de ces 25 années, ces présidents ont effectué quelques déclarations tantôt d'une importance capitale, tantôt très amusantes. Voici quatre exemples.
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Le célèbre "whatever it takes" de Mario Draghi
"Within our mandate the ECB is ready to do whatever it takes to preserve the euro". "Dans le cadre de son mandat, la BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro", déclarait fin juillet 2012 Mario Draghi. Celui qui deviendra ensuite président du Conseil italien ajoutait "et croyez moi, cela sera suffisant".
Cette phrase est passée dans la postérité de la politique monétaire et ressemble beaucoup au "quoi qu'il en coûte" qui sera prononcé des années plus tard par Emmanuel Macron. Elle constitue peut-être les mots les plus marquants jamais prononcés par un membre de l'institution européenne.
Car elle survient dans un contexte délétère. A l'été 2012, la zone euro est fragilisée par la crise de la dette souveraine, due à des craintes de contagion des difficultés de la Grèce. "À l’époque, les pays d’Europe méridionale, comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, rencontraient d’importants problèmes de refinancement causés par des interdépendances entre des déficits budgétaires élevés et persistants, le creusement de la dette publique préalablement à la crise financière et la disparition des mécanismes de change due à l’union monétaire", souligne le gérant d'actifs Ethenea.
Si bien que les rendements obligataires de la dette à 10 ans de ces pays sur les marchés s'envolaient, alors que l'inflation, elle, était basse. Swiss Life Asset Managers donne l'exemple de l'Italie qui faisait face à un taux de 6,5% en juillet. Pour l'Espagne, ce rendement tutoyait les 7%.
La survie de l'euro était en jeu et les mots forts de Draghi permettent d'apaiser les craintes des marchés, les rendements obligataires chutant alors. Ces mots seront suivis de faits puisqu'en septembre 2012, la BCE annoncera la possibilité de recourir au programme OMT (outright monetary transactions), des rachats illimités d'obligations d'Etat sur le marché secondaire, sorte de "bazooka" monétaire. Jamais utilisé, ce programme sera néanmoins controversé, avec des recours devant la justice européenne, qui in fine validera la légalité du programme.
Reste cette faculté de Mario Draghi à rassurer en trois mots ("whatever it takes") le marché. Au point d'avoir sauvé l'euro à lui seul? Le banquier sera en tout cas désigné cette année "personnalité de l'année" par le Financial Times.
Christine Lagarde, "une chouette" emplie de sagesse
"I am neither dove nor hawk and my ambition is to be this owl that is often associated with a little bit of wisdom". "Je ne suis ni une colombe ni un faucon et mon ambition est d'être cette chouette qui est souvent associée à un peu de sagesse".
Nous sommes en décembre 2019 et Christine Lagarde a pris le mois précédent ses fonctions de présidente de la Banque centrale européenne. Les observateurs de marché se demandent comment classer l'ex-directrice général du FMI. Est-elle un "faucon" ou une "colombe"?
Refusant de choisir l'un ou l'autre la banquière centrale plaide ainsi pour une troisième voie de raison, répondant aux questions de journalistes lors de la conférence de presse de la BCE. Une façon probablement aussi de donner des gages à chaque camp du conseil des gouverneurs de la banque centrale. Car, comme le soulignait alors le New York Times, les années de politiques monétaires accommodantes de Mario Draghi avaient fini par diviser le conseil des gouverneurs de la BCE.
Rappelons que dans le jargon de la politique monétaire, un "faucon" est un surnom attribué aux banquiers centraux davantage préoccupés par la stabilité des prix et la maîtrise de l'inflation que l'emploi et la croissance, au contraire de la "colombe". La chouette de son côté, accompagne la déesse Athena dans la mythologie grecque, figure de la sagesse.
Quand Trichet évoque le football pour montrer la force de l'économie européenne
"I have said from time to time that one should not underestimate Europe. In soccer, in particular. (…) In the best four there are three European teams – all from the euro area, by the way! "J'ai déclaré de temps en temps qu'il ne faut pas sous-estimer l'Europe. En football, en particulier (…) dans les quatre meilleurs, vous avez trois équipes européennes, toutes de la zone euro d'ailleurs!"
Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne de 2003 à 2011, s'amuse alors avec une question d'un journaliste. Nous sommes en juillet 2010, la Coupe du monde de football en Afrique du Sud bat son plein. Et même si la France a été sortie piteusement dès le premier tour, l'Allemagne a été jusqu'aux demi-finales tandis que l'Espagne et les Pays-Bas s'affrontent quelques jours plus tard en finale. Un journaliste demande alors à Jean-Claude Trichet, pour "détendre l'atmosphère", s'il a un favori (réponse de l'intéressé en un mot: non) et si ce sujet a été évoqué durant le conseil des gouverneurs.
Mais comme le souligne Le Figaro à l'époque, Jean-Claude Trichet utilise aussi le début de sa réponse sur le football pour envoyer un message de confiance sur la conjoncture européenne. Il donnera d'autres indications, soulignant notamment que la croissance du deuxième trimestre en zone euro s'annonce meilleure que celle du premier. Avec ces paroles optimistes, l'euro s'apprécie un peu face au dollar.
La référence à Thatcher de Lagarde
"The lady is not tapering". Cette phrase prononcée en septembre 2021 par Christine Lagarde est difficile à traduire. Elle fait en réalité référence à une célèbre déclaration de Margaret Thatcher, la "dame de fer", Première ministre britannique entre 1979 et 1990. La dirigeante prononce en octobre 1980 une phrase dite "the lady is not for turning" (en clair "la dame refuse de faire marche arrière") qui renvoie au fait que Margaret Thatcher refuse d'effectuer un demi-tour sur sa politique de libéralisation de l'économie.
Comme le résumait alors Société Générale, Christine Lagarde soulignait alors que la Banque centrale européenne ne commençait pas le "tapering" c'est-à-dire une réduction progressive de son programme de rachats d'actifs. La banquière évoquait alors un "recalibrage" du programme d'urgence pandémique (PEPP) de la BCE.
Par Julien Marion et Paul Louis