(BFM Bourse) - CNN a lancé en 2012 l'indice Fear and Greed censé mesurer les excès du marché. Un indice reposant sur un faisceau d'indicateurs.
C'est l'un des nombreux principes de l'oracle d'Omaha, le célèbre investisseurs Warren Buffett: avoir "peur lorsque les autres sont cupides et être cupides lorsque les autres ont peur", expliquait-il dans une lettre de 1986 aux actionnaires de sa société d'investissement, Berkshire Hathaway.
Difficile de ne pas voir un corollaire entre ce conseil et l'indice "Fear & Greed" ("peur et cupidité") lancé en 2012 par le média CNN et censé détecter les excès du marché ou leur "exubérance irrationnelle" pour reprendre les mots de l'ancien président de la Réserve fédérale américaine Alan Greenspan.
Un baromètre contrariant
Cet indice est souvent cité sur les réseaux sociaux par les observateurs de marché. "L'indice Fear & Greed est utilisé pour évaluer l'humeur du marché. De nombreux investisseurs sont émotifs et réagissent trop vivement, et les indicateurs de sentiment de peur et d'avidité peuvent alerter les investisseurs sur leurs propres émotions et préjugés qui peuvent influencer leurs décisions", explique CNN. "Combiné aux fondamentaux et à d'autres outils analytiques, l'indice peut être un moyen utile d'évaluer le sentiment du marché", ajoute le média.
"En théorie, l'indice Fear and Greed sert de baromètre pour déterminer si le marché boursier est correctement évalué en tenant compte des émotions des investisseurs. Il est considéré comme un indice contrariant", souligne de son côté le Corporate Finance Institute, une plateforme de formation pour les professionnels de la finance.
"Lorsque les investisseurs sont craintifs, ils vendent des actions de leur portefeuille, ce qui fait baisser le prix des actions au point qu'elles peuvent être inférieures à leur valeur intrinsèque. L'inverse est vrai lorsque les investisseurs sont cupides. Ainsi, pour l'indice, la peur est considérée comme un indicateur d'achat, et l'avidité comme un indicateur de vente", développe-t-il.
Précisons d'emblée que cet indice s'applique aux marchés américains. Il n'en reste pas moins intéressant pour l'ensemble des investisseurs, la tendance de New York influençant régulièrement celle des autres places mondiales, dont l'Europe. Souvent l'ouverture (et la clôture) de Wall Street a une répercussion sur le CAC 40.
Sept critères pour construire l'indice
CNN construit cet indice, qui va de 0 (peur extrême) à 100 (cupidité extrême), en se basant sur sept critères.
Le média prend tout d'abord la moyenne mobile sur 125 jour du S&P 500, pour évaluer la dynamique du marché. Il intègre en deuxième critère la différence (en pourcentage) entre le nombre d'actions de la Bourse de New York qui atteignent un plus haut de 52 semaines et celles qui accusent un plus bas sur la même période.
Le troisième indicateur porte sur les volumes: CNN se base sur l'indice McClellan. En clair, "cette mesure s'intéresse à la quantité, ou au volume, des actions du New York Stock Exchange qui augmentent par rapport au nombre d'actions qui baissent". Quatrièmement, CNN regarde le ratio "put/call", soit le ratio qui divise le nombre de produits dérivés (des options dans ce cas de figure) à la baisse ("put") par ceux à la hausse ("call") sur les actions, avec une moyenne sur cinq jours. Ensuite, l'indice prend en compte "l'indice de la peur", le VIX, qui mesure la volatilité du marché, en moyenne sur cinq jours.
Sixième point: la différence de rendement sur 20 jours entre les actions et les obligations. De cette façon, CNN mesure l'appétit pour les obligations, et donc pour les actifs jugés sûrs, ce qui constitue un signal de peur du marché. Dernier paramètre, l'écart (spread) de rendement entre les obligations "junk" (notées en catégorie spéculative par les agences de notation) et celles en "investment grade" (catégorie non spéculative). "Un spread plus grand est un signe de prudence", explique CNN. A l'inverse une plus forte demande se traduit par un resserrement de cet écart, ce qui est un signe de cupidité.
Le niveau de cet indice de "peur et de cupidité" a beaucoup évolué ces derniers mois. Au regard de l'envolée récente des marchés actions, portés par la réouverture de la Chine, l'amélioration de la conjoncture en Europe et le ton jugé plus accommodant des grandes banques centrales, il se situe proche de la frontière de la jauge "extrême cupidité" qui va de 75 à 100. Mais le marché va vite. Il y a encore un peu plus d'un mois l'indice était ainsi en territoire "neutre".
Et évidemment ce type d'outil possède des limites (comme tous à vrai dire). Comme bon nombre d'entre eux, il se base sur des données passées et ne prédit donc pas l'évolution du marché, mais donne, donc, une idée de son sentiment. Et évidemment le sentiment peut perdurer: le marché peut très bien continuer de chuter alors qu'il est en mode "peur extrême" et à l'inverse poursuivre son ascension alors que la barre "cupidité extrême est dépassée". Cet indice ne se substitue évidemment pas par ailleurs aux analystes fondamentales et techniques, pour prendre une décision d'investissement.