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Spotify, la seule jeune entreprise européenne à valoir plus de 100 milliards d'euros en Bourse (et faire mentir Mario Draghi)

samedi 26 juillet 2025 à 07h00
Spotify grimpe en Bourse

(BFM Bourse) - Dans son désormais célèbre rapport sur la compétitivité européenne, l'ancien président de la Banque centrale européenne regrettait qu'aucune entreprise de moins de 50 ans en Europe ne valait plus de 100 milliards d'euros en Bourse. Spotify a dépassé cette marque en février dernier. La société suédoise née en 2006 domine allègrement le marché du streaming et voit son action s'envoler de près de 60% en 2025.

Il y a bientôt un an, en septembre 2024, l'ex-président de la Banque centrale européenne et ancien président du Conseil italien, Mario Draghi, livrait un rapport choc sur l'avenir de la compétitivité européenne. L'économiste transalpin dressait un constat au vitriol du décrochage du Vieux continent face aux États-Unis, évoquant un "fossé" entre les deux blocs économiques.

"Les entreprises numériques innovantes ne parviennent généralement pas à se développer en Europe et à attirer des financements, ce qui se traduit par un écart considérable entre l'Union européenne et les États-Unis en matière de financement à un stade ultérieur", écrivait-il alors. Mario Draghi soulignait la difficulté de l'Europe à faire émerger des champions dans des secteurs "jeunes".

Pour appuyer son propos, Mario Draghi donnait un chiffre criant. Au cours des 50 dernières années, l'Union européenne n'a pas été capable de créer un groupe dont la capitalisation boursière (la valeur totale de l'ensemble des actions) dépasse les 100 milliards d'euros. En comparaison, toutes les six sociétés américaines dont la capitalisation dépasse les 1.000 milliards d'euros ont moins de cinquante années, remarquait-il.

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Aucun exemple jusqu'à récemment

Pour revenir au constat de Mario Draghi sur les sociétés européennes cotées, l'économiste écrivait plus précisément qu'aucune société "créée de toutes pièces" n'avait passé la barre des 100 milliards d'euros de capitalisation boursière sur les cinquante dernières années.

Cette nuance est importante car elle exclut plusieurs entreprises qui ont allègrement dépassé les 100 milliards d'euros de capitalisation boursière. C'est le cas du groupe de semi-conducteurs ASML, créé certes en 1984 mais qui est en réalité issu de la mise en place d'une coentreprise entre le géant de l'électronique Philips, et le groupe de semi-conducteurs ASMI (Advanced Semiconductor Materials International). Ou encor de LVMH, né en 1987 à proprement parler. Mais, là encore, il s'agissait alors d'une fusion entre Louis Vuitton, et Moët Hennessy, dont les origines datent des XIXe et XVIIIe siècles.

Enfin Prosus, une société d'investissement néerlandaise spécialisée dans l'économie numérique, cotée à Amsterdam et pesant 113 milliards d'euros, est une filiale du sud-africain Naspers. Ce dernier avait décidé de coter à part ses actifs internet internationaux en 2019.

In fine, lorsque Mario Draghi a publié son rapport, son constat était juste. Aucune société de moins de 50 ans et créée de toutes pièces dépassait les 100 milliards d'euros de capitalisation boursière. Même si SAP n'était pas loin de le faire mentir. Mais le groupe allemand est un tout petit trop vieux (1972) pour cela.

Près d'un an plus tard, la donne a toutefois changé. Une société européenne récente et née en 2006 à l'initiative de deux entrepreneurs-ingénieurs suédois férus de musique et frustrés du piratage en ligne, Daniel Ek et Martin Lorentzon, a franchi les 100 milliards d'euros de capitalisation boursière.

Cette entreprise européenne n'est autre que Spotify, groupe créé, donc, à une époque où la musique en ligne et le streaming en particulier, avaient des airs de "far west", notamment en termes de droits d'auteur. La confiance dans l'industrie musicale était alors au plus bas.

Une hausse de 140% sur un an

"J'ai dit à mon équipe: 'si nous parvenons à donner aux gens l'impression qu'ils ont toute la musique du monde sur leur disque dur, nous aurons créé quelque chose de bien mieux que le piratage'", raconte en 2018 Daniel Ek, dans un podcast diffusé (évidemment) sur Spotify.

Spotify s'est introduit en Bourse en 2018 et pèse aujourd'hui 136,8 milliards de dollars (*), soit 116 milliards d'euros, de capitalisation boursière. La société a franchi le cap des 100 milliards d'euros récemment, aux alentours de février dernier. Lorsque Mario Draghi remet son rapport sur la compétitivité en septembre 2024, la capitalisation de la société suédoise s'avérait plus proche de 60 milliards d'euros.

Depuis Spotify a eu le vent en poupe. Son action progresse de 117,3% sur un an et de 56,3% depuis le 1er janvier. Bémol important toutefois: bien qu'européenne Spotify n'est pas cotée sur le Vieux continent mais à New York.

Ce qui démontre une nouvelle fois le pouvoir d'attraction de la place américaine par rapport aux bourses européennes. Ne serait-ce que parce que les valorisations obtenues par les entreprises introduites en Bourse y sont bien plus généreux.

"Le niveau des multiples d’évaluation plus élevé, le PER ("price-to-earnings ratio, multiple de bénéfices par action, NDLR) moyen de l’Eurostoxx 600 est de 17, contre 26 pour le S&P 500, est naturellement le premier facteur de marketing et d’attractivité, même s’il ne faut pas prendre les investisseurs américains pour des grands enfants: le seul fait d’être coté aux États-Unis ne vous garantit pas une valorisation à l’américaine si vous n'avez pas une croissance… à l’américaine !", écrivaient les auteurs de la lettre Vernimmen dans leur dernière édition.

De la croissance, Spotify en à revendre. Les revenus du site de streaming musical ont progressé de 16% au dernier trimestre de 2024 puis encore de 15% sur les trois premiers mois de 2025. La société a en parallèle compressé ses coûts, annonçant une réduction de 17% de ses effectifs fin 2023, soit 1.500 postes, après avoir déjà annoncé des coupes de 800 postes la même année.

Logiquement, les comptes de l'entreprise se sont améliorés. D'une perte nette de 532 millions d'euros en 2023, Spotify est passé à un bénéfice de 1,14 milliard d'euros en 2024. Au premier trimestre 2025, la hausse de la rentabilité s'est poursuivie, avec un résultat opérationnel multiplié par trois et un bénéfice en progression de plus de 12%.

Une valeur refuge?

Les résultats 2024 de Spotify avaient d'ailleurs été largement salués par le marché, le titre prenant plus de 13% sur une seule séance, avec le tout premier bénéfice annuel de la société.

Spotify a récolté, au-delà de ses efforts sur les coûts, les fruits de sa diversification vers les livres audio ou encore les podcasts vidéo. L'an passé, la société a par exemple lancé une application de contenus éducatifs vidéos au Royaume-Uni, les créateurs de contenus payant un pourcentage de revenus pour être présents sur cette application.

La base d'abonnés payants de Spotify a encore crû de 12% au premier trimestre 2025, pour des revenus en hausse de 16% dans cette catégorie.

UBS estime que la société suédoise a encore du champ pour croître, grâce à la segmentation de son offre, entre les abonnements gratuits mais avec de la publicité, et ceux payants avec des avantages (comme des comptes multiples ou du contrôle parental). La banque anticipe une croissance moyenne des revenus d'abonnements de la société de 17% par an sur la période 2023-2028.

Par ailleurs, Spotify, un peu comme Netflix, n'est pas directement exposé aux droits de douane américains, et a ainsi pu constituer une sorte de valeur refuge dans la tech aux yeux des investisseurs. La société "croît en dépit du bruit sur la macroéconomie", notait ainsi UBS en avril.

Bank of America souligne de son côté que le modèle d'abonnement de Spotify, étant donné la grande utilité qu'il offre aux consommateurs, permet à la société d'afficher un profil défensif "dans le contexte actuel d'incertitudes macroéconomiques". Même si ce contexte défavorable peut avoir un impact sur les revenus publicitaires, ajoutait la banque.

Pour Morningstar, les perspectives de la société sont "radieuses" car son activité s'avère "saine" et son avantage concurrentiel est en train de se renforcer. "Spotify est présent dans plus de 180 pays et compte près de 700 millions d'utilisateurs actifs mensuels et plus de 250 millions d'abonnés payants, soit plus du double de tous ses concurrents", rappelle l'intermédiaire financier.

L'entreprise publiera ses résultats du deuxième trimestre le 29 juillet, soit mardi prochain.

(*) La capitalisation boursière et les variations ont été arrêtées à la clôture de jeudi soir

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