(BFM Bourse) - Le titre du spécialiste des services de VTC et de la livraison alimentaire a été porté par l'amélioration conséquente de ses résultats financiers. Plus récemment, la présentation pas folichonne des robotaxis de Tesla a réduit les craintes du marché quant à une intensification de la concurrence.
Uber est récemment revenu en toute première ligne des gros titres de l'actualité. Le spécialiste des VTC et de la livraison de courses et de repas aurait, selon le Financial Times, des vues sur le site de voyages Expedia, lorgnant une acquisition du groupe britannique pour diversifier ses activités. Des informations qui ne sont pas commentées par les deux groupes.
Ces rumeurs ont le mérite de rappeler à quel point Uber a gagné en puissance au cours des récentes années. D'ailleurs le Financial Times soulignait que la société se retrouvait en position de force en termes de croissance externe, grâce au bond de son cours de Bourse, affichant une capitalisation boursière de près de 170 milliards de dollars. Soit plus que 37 des 40 membres du CAC 40 (LVMH, Hermès et L'Oréal sont encore devant). Ce qui pourrait permettre à la société de racheter une cible avec une composante en actions et ce à moindre frais.
Le cours d'Uber Technologies à Wall Street a en effet été catapulté sur les douze derniers mois, avec une hausse de près de 90% (*).
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Passer de lourdes pertes à de gros profits
Symbole de cette belle ascension, le groupe dirigé par Dara Khosrowshahi est entré en décembre 2023 dans le S&P 500, le grand indice de référence de Wall Street (et donc du monde entier). Cette inclusion a pu entraîner des courants acheteurs avant ou après la date d'entrée, les gérants d'ETF (fonds indiciels) devant acquérir le titre pour continuer de répliquer la performance de l'indice. Encore que cet effet n'est pas si certain, comme le soulignait alors XTB.
La principale source de progression d'Uber Technologies en Bourse est tout simplement liée à l'opérationnel et à l'amélioration de ses performances financières. D'une perte de 9 milliards de dollars en 2022, la société est passée à un bénéfice de près de 2 milliards de dollars en 2023, le premier exercice dans le vert depuis son introduction en Bourse en 2019.
Au-delà du bénéfice, d'autres indicateurs sont peut-être plus pertinents. Le résultat brut d'exploitation ajusté a bondi de 137% sur un an et surtout le flux de trésorerie disponible, essentiel pour se désendetter, investir ou rendre du cash aux actionnaires, a été multiplié par plus de huit à 3,36 milliards de dollars.
Ces bonnes performances financières ne se sont pas limitées à l'exercice 2023 et le groupe a poursuivi sa bonne exécution.
Au deuxième trimestre 2024, les réservations ont progressé de 19% sur un an, les revenus de 16%, le bénéfice de 158% et la génération de cash de 51%. Dans la foulée de ces résultats, le titre a bondi de plus de 27% sur les dix séances qui ont suivi. Aussi bien ces résultats que les prévisions pour le troisième trimestre avaient dépassé les attentes, notait Bank of America.
Une diversification gagnante
Alors que les investisseurs ont été inquiets du contexte macroéconomique compliqué, avec une détérioration de la conjoncture américaine entre le printemps et l'été, "nous avons été impressionnés par le fait que l'entreprise a continué à bien exécuter son modèle d'affaires, avec une forte croissance des réservations d'une année sur l'autre et une solide rentabilité", avait souligné Morningstar.
"Uber a indiqué que dans toutes les cohortes de revenus, il n'y avait pas eu de preuve de faiblesse de la part des consommateurs. En outre, la société a souligné que l'activité comporte des aspects anticycliques. En cas de faiblesse macroéconomique, l'offre de chauffeurs s'améliore, ce qui fait baisser les prix pour les consommateurs, créant ainsi un produit plus abordable", relevait de son côté Wedbush.
Cette exécution solide a amené, mi-août, l'agence S&P à relever la note de crédit de la société à "BBB-", le dernier cran de la catégorie "investment grade", dans laquelle figure les entreprises les mieux notées. Fitch a de son côté attribué pour la première fois une note au groupe quelques jours plus tard, également dans cette catégorie.
Fitch louait la diversification de la société. "Uber s'étend au-delà du covoiturage pour englober une gamme plus large de services de mobilité" ce qui inclut au-delà des services VTC et la livraison de repas "des offres plus récentes comme la livraison de courses, la location de voitures et d'autres biens physiques qui peuvent bénéficier de services de livraison", soulignait l'agence. "Fitch estime que cette extension du portefeuille de produits pourrait consolider la position d'Uber en tant que fournisseur de choix pour les services de mobilité au-delà du covoiturage, ce qui le différencierait de ses concurrents dont l'offre de produits est restreinte", faisait-elle valoir.
Fitch appréciait aussi l'accent mis par la société sur l'accélération de sa croissance sans obérer sa rentabilité, ce qui lui a permis de passer de 1 milliard de dollars de cash brûlé en 2021 à plus de 5 milliards de dollars de flux de trésorerie attendu cette année. L'agence soulignait aussi que son activité publicitaire constituait désormais un "moteur de bénéfice" et que les problèmes réglementaires sur ses activités avaient pour l'essentiel été "résolus".
Tesla déçoit, Uber sourit
Toutefois, un examen plus attentif du cours de Bourse montre que l'année 2024 d'Uber en Bourse a comporté une phase moins glorieuse. L'action progresse, certes de 27% sur l'ensemble de l'année, mais elle a connu un trou d'air, évoluant quelque peu en "U" depuis le 1er janvier. Début août, son cours était même passé dans le rouge sur l'ensemble de l'année.
Au-delà des inquiétudes macroéconomiques, une autre menace a pesé: la crainte que Tesla puisse à terme, bouleverser le modèle d'activité d'Uber (et d'autres sociétés de son secteur, comme Lyft) grâce à son avance dans le véhicule autonome et ses robotaxis. La société a ainsi pâti des peurs "que des sociétés de transport automobile comme Waymo ou Tesla puissent affaiblir sa position dominante dans le secteur du covoiturage", jugeait en août Morningstar.
Le "robotaxi day" de Tesla, le 10 octobre dernier, a ensuite été suivi comme le lait sur le feu par le marché. Mais in fine, l'évènement a déçu. "Il s'agit surtout d'un coup d'éclat, avec peu de substance", avait asséné Colin Langan de Wells Fargo. "L'événement a réussi à susciter l'enthousiasme mais a offert peu de substance", poursuivait l'analyste cité par Barron's.
Tesla a perdu 8,8% dans la séance suivant cette présentation. Uber Technologies de son côté a gagné… 10,8%. "L'événement Robotaxi de vingt minutes conclut six mois d'inquiétude à l'égard d'Uber", résumait Bank of America. La banque soulignait que l'absence d'annonces sur le calendrier ou sur "un business model" pour le déploiement d'une application de covoiturage constituait un élément positif pour Uber. L'établissement jugeait que l'évènement "n'(avait) pas été à la hauteur des craintes" du marché.
Une approche pragmatique dans le véhicule autonome
Cela ne signifie pas qu'Uber ne se positionne pas dans la conduite autonome. Mais la société adopte une approche pragmatique et appréciée par les analystes, en multipliant les partenariats avec les grands acteurs de cette forme de mobilité. Depuis juin, le groupe a noué au moins sept partenariats de ce type, remarquait Bloomberg, avec notamment Waymo (Alphabet) ou Cruise (General Motors). Avec l'idée de proposer à terme un modèle hybride entre des voitures avec et sans conducteurs.
D'ailleurs, le directeur général, Dara Khosrowshahi, se montrait prudent, en octobre, auprès de Bloomberg, soulignant que la technologie restait évanescente, que les coûts étaient trop élevés et que la régulateurs se montraient scrupuleux.
"La sécurité est la priorité absolue", avait-il affirmé. "Nous commencerons ensuite, je dirais dans les trois à sept prochaines années, à nous concentrer sur l'économie", ajoutait-il.
Cela n'empêche pas les analystes de se montrer confiants dans le positionnement du groupe dans le véhicule autonome. Pour Morningstar, le groupe sera "l'un des gagnants sur le long terme". "Nous nous attendons à ce que l'intensification de la concurrence entre Waymo et Tesla et les 30 autres concurrents dans le domaine du véhicule autonome en Californie profite à Uber, étant donné sa position en tant que partenaire de plusieurs fournisseurs de véhicules autonomes", juge de son côté Bank of America.
(*) L'ensemble des cours de cet article ont été arrêtés vers 16h40, vendredi après-midi.