(BFM Bourse) - À l'image de Société Générale ou Renault, nombre de sociétés françaises cotées présentent une exposition relativement importante à la Russie.
La montée des tensions entre la Russie et les pays occidentaux est encore montée d'un cran, alors que Vladimir Poutine a reconnu lundi l'indépendance des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Ce qui signifie à terme l'envoi, par Moscou, de troupes dans les territoires séparatistes pro-russes en question. Une situation qui met de nouveau les Bourses mondiales sous pression, avec les craintes que la situation ne dégénère en conflit armé aux portes de l'Europe.
La crise actuelle remonte en fait à la révolution ukrainienne de février 2014, qui a abouti à la destitution du président pro-russe Ianoukovytch (condamné par contumace et exilé aujourd'hui en Russie). Son renversement a été suivi en réaction par l'annexion de la Crimée par la Russie puis l'intervention russe au Donbass en Ukraine - non sans d'importants dégâts collatéraux avec la destruction d'un avion de ligne, le vol Malaysia Airlines en provenance d'Amsterdam, qui a tué près de 300 personnes. En réponse, les États-Unis mais également l'Union européenne et d'autres pays ont imposé à l'encontre de la Russie une série de sanctions économiques, prolongées au fil des années suivantes.
Cela fait donc des années que la relation entre la Russie et l'occident est faite de tensions récurrentes entrecoupées de phases d'apaisement. Et malgré les postures et les coups de pression de part et d'autres, les échanges économiques se poursuivent jusqu'à ce jour, les relations économiques s'affirmant même particulièrement dynamique avec la France, qui bénéficie d'une position économique ancienne et stratégique en Russie. Comme le rappelle une note récente de la direction générale du Trésor, la France est le sixième plus gros fournisseur de la Russie et (abstraction faite des "zones à fiscalité attractive"...), le deuxième plus gros pourvoyeur de flux d'investissements directs dans le pays, notamment via TotalEnergies. Achetant essentiellement des hydrocarbures, la France vend en échange beaucoup de matériels de transport, de produits chimiques et cosmétiques, des machines-outils, des médicaments ou encore des produits électroniques. Sous l'égide notamment de la très active Chambre de Commerce et d’Industrie franco-russe (CCI France-Russie), de nombreux partenariats stratégiques se poursuivent entre entreprises des deux pays en particulier dans l’industrie 4.0, le numérique, la finance verte, l’accompagnement de la transition écologique, le tourisme, la santé, les villes intelligentes et les transports.
En outre, avec plus de 500 filiales françaises implantées dans des domaines variés -dont 35 entreprises du CAC 40- la France est le premier employeur étranger en Russie avec près de 160.000 salariés au total.
Selon des informations de l'agence russe RIA Novosti, citée par Russia Beyond (un site vitrine) la France est même le seul pays parmi les dix principaux partenaires européens de la Russie avec qui les volumes des échanges commerciaux est remonté, l'an dernier, à un niveau supérieur à ce qu’il était en 2013, avant l'imposition des sanctions en 2014. Les échanges auraient rebondi de 46,7% par rapport au creux de 2020 pour atteindre 22 milliards de dollars l'an dernier, avec pour particularité un solde légèrement favorable à la France - au contraire des autres pays européens qui exportent nettement moins vers la Russie qu'ils ne lui achètent de matières premières.
L'important engagement de la France dans l'économie russe se traduit donc par une exposition significative pour nombre de fleurons cotés tricolores.
TotalEnergies : Le producteur d'hydrocarbures est opérateur du champ pétrolier Termokarstovoye (58,89%) et détient un intérêt de 20% du champ Kharyaga. TotalEnergies est en outre actionnaire à hauteur de 18,9% de PAO Novatek, principal producteur indépendant de gaz naturel derrière le mastodonte public Gazprom. Directement et via sa quote-part dans Novatek, le groupe détient un intérêt économique total de 29,73% dans le projet de gaz naturel liquéfié Yamal LNG déjà en opération et de 21,64% dans celui baptisé Arctic LNG 2, qui doit entrer en service commercial l'an prochain. La Russie représente déjà la plus grosse part de sa production de gaz naturel, cependant, TotalEnergies est si diversifié géographiquement que l'ensemble de sa production en Russie (gaz et liquides, le tout traduit en millions de barils équivalent pétrole) est à peine supérieur à 10% du total.
Renault : Le constructeur constitue l'une des plus grandes entreprises étrangères en Russie (derrière les cigarettiers Phillip Morris et Japan Tobacco et... Leroy Merlin, mais loin devant Apple, Samsung ou Ikea). Compte tenu de sa filiale Avtovaz (propriétaire de Lada), le groupe est numéro 1 du marché russe avec une part considérable de 30% des immatriculations neuves. Avec 482.264 véhicules écoulés, la Russie représente ainsi le deuxième plus gros marché mondial du constructeur automobile (après la France où les ventes ont atteint 521.710 unités, mais bien devant l'Allemagne où le constructeur français n'a commercialisé que 177.795 véhicules).
Société Générale : La banque rouge et noir occupe une position de premier plan en Russie via sa filiale Rosbank, qui pèse environ 9% du produit net bancaire (PNB) total du groupe. Fin 2020, ses encours de crédits s'élevaient à 8,7 milliards d’euros et ses encours de dépôts à 10,1 milliards d’euros.
Alstom : Le développement du marché russe du transport ferroviaire est, avec l'Allemagne et l'Italie, l'un des principaux moteurs actuels de la croissance du marché européen (lequel pèse la moitié des revenus du groupe). Alstom investit directement dans le pays via sa filiale Transmashholding (TMH).
Hors de l'indice phare, l'exposition est significative pour Bonduelle qui compte en Russie plusieurs sites de production industrielle mais aussi deux sites de production agricole importants (Novotitarovskaya et Timashevsk) pour accompagner la transition alimentaire, soit l'augmentation de la proportion de légumes dans l'alimentation quotidienne, qui ne fait que débuter dans l'est de l'Europe.
Du fait d'une appétence culturelle particulière pour les sols vinyles en Europe de l'Est, le fabricant de revêtements de sols Tarkett est historiquement très implanté en Russie (ainsi qu'en Serbie, en Ukraine et au Kazakhstan). Selon le groupe, l'ensemble la Russie représente à elle seule 10% de son chiffre d'affaires, d'où une exposition non négligeable aux fluctuations du rouble même si la fabrication est largement locale.