(BFM Bourse) - La société chinoise d'intelligence artificielle SenseTime a été contrainte d'annoncer lundi le report de son introduction en Bourse à Hong Kong, trois jours après avoir été placée sur "liste noire" par les Etats-Unis, qui accusent le groupe d'aider Pékin à identifier les membres de cette minorité musulmane violemment réprimée par le régime communiste.
Prévue pour ce vendredi, l'introduction en Bourse de la start-up chinoise SenseTime, spécialisée dans l'intelligence artificielle, est reportée. L'entreprise, dont le siège se trouve à Hangzhou et qui comptait lever près de 700 millions d'euros pour son arrivée à la Bourse de Hong Kong, a annoncé reporter l'opération ce lundi matin, après que le Trésor américain a annoncé vendredi le placement de cette entreprise sur liste noire. Il l'accuse d'avoir mis au point une technologie de reconnaissance faciale permettant d'identifier des membres de l'ethnie ouïghoure en Chine.
Principalement musulmans, les Ouïghours constituent le principal groupe ethnique du Xinjiang (nord-ouest). Cette région longtemps frappée par des attentats attribués à des séparatistes ou des islamistes ouïghours fait l'objet depuis plusieurs années d'une surveillance policière draconienne. Des études occidentales, fondées sur des interprétations de documents officiels chinois, des témoignages de victimes présumées et des extrapolations statistiques accusent les autorités chinoises de répression contre les Ouïghours.
Ces rapports reprochent à Pékin d'avoir arbitrairement interné dans des "camps" un million de personnes, d'avoir recours à des "stérilisations forcées" et à du "travail forcé". Les Etats-Unis accusent même la Chine de "génocide". Dans ce contexte, SenseTime aurait selon le Trésor américain "mis en avant sa capacité à identifier les Ouïghours", y compris ceux qui portent "la barbe, des lunettes de soleil ou un masque", afin de servir la surveillance policière au Xinjiang.
"Mensonges"
L'annonce faite par Washington vendredi avait aussitôt fait planer une menace sur cette introduction en Bourse, qui devait avoir lieu le 17 décembre. Dans un communiqué à la Bourse de Hong Kong, SenseTime a fait état lundi d'un report de sa cotation "afin de préserver les intérêts des investisseurs potentiels", qui doivent évaluer les conséquences de cette inscription sur la liste noire. La société chinoise a cependant affirmé rester "déterminée" à être prochainement cotée.L'inscription sur liste noire rend pratiquement impossible l'achat de titres de sociétés y figurant par des banques ou des ressortissants américains. La Chine a dénoncé lundi des sanctions américaines prises "sur la base de mensonges et de fausses informations".
"Si les Etats-Unis persistent à agir de manière inconsidérée, la Chine n'aura pas d'autre alternative que d'y apporter une réponse ferme et déterminée", a souligné devant la presse Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Les Etats-Unis affirment que SenseTime fait partie du "complexe militaro-industriel" chinois. Ils avaient déjà placé l'entreprise sur la liste noire du ministère américain du Commerce en 2019, interdisant aux Américains de lui vendre leur technologie.
Température et identification
SenseTime a vivement critiqué la nouvelle décision des autorités américaines, affirmant dans un communiqué publié ce week-end qu'elle était "prise dans des tensions géopolitiques". "Nous nous opposons fermement à cette inscription et aux accusations dont nous faisons l'objet. Ces accusations sont infondées et reflètent une perception fondamentalement erronée de notre entreprise", a déclaré la société. Le sort des Ouïghours a contribué à la détérioration des relations diplomatiques entre les puissances occidentales et Pékin.La Chine a développé ces dernières années le recours à la reconnaissance faciale, une technologie notamment utilisée pour la vidéosurveillance, dans tout le pays et notamment au Xinjiang. Les entreprises chinoises du secteur, de ce fait, font l'objet d'une méfiance croissante de la part des Etats-Unis. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, des logiciels de SenseTime ont notamment été utilisés pour vérifier la température des voyageurs ou déterminer s'ils portaient un masque facial. Ils permettent également d'identifier les personnes, même bouche couverte.
(avec AFP)