(BFM Bourse) - Depuis la faillite de Lehman Brothers, il y a quinze ans, les banques de l'union monétaire n'ont guère retrouvé les cours qui existaient avant cet évènement phare, au contraire de leurs homologues américaines. La faute à la politique monétaire et aux taux négatifs.
La faillite de Lehman Brothers, il y a 15 années jour pour jour, avait constitué une onde de choc incroyable pour le marché. Et les grandes banques internationales ont logiquement vu leurs cours de Bourse s'effondrer lors de cette crise qui, si elle s'est révélee au grand jour le 15 septembre 2008, montrait en réalité des signes avant-coureurs dès 2007.
Depuis, la régulation bancaire s'est nettement renforcée, avec notamment l'élaboration des règles prudentielles de Bâle III, conclues en 2010 et finalisée en 2017. Les établissements sont mieux capitalisés, avec une meilleure gestion des risques et leurs résultats financiers s'avèrent solides. A titre d'exemple, BNP Paribas a dégagé des bénéfices records en 2022.
Une mesure, évidemment imparfaite mais néanmoins intéressante, permet de s'en rendre compte: l'évolution de l'indice paneuropéen Euro Stoxx Banks, compilé par la société Qontigo, et qui rassemble les grandes banques de la zone euro.
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Les banques américaines se sont elles redressées
A l'heure actuelle cet indice se situe autour de 109 points contre 486 à son sommet de 2007, puis 257 points le 15 septembre 2008 et 94,5 en mars 2009.
Depuis les années 2010-2011 (période qui coïncide certes avec la crise de la dette souveraine en zone euro), cet indice n'a que rarement dépassé les 150 points et jamais les 200.
En comparaison, aux Etats-Unis, l'indice Dow Jones US Bank, qui réunit actuellement 39 banques, se comporte beaucoup mieux. En 2007 son pic pré-Lehman Brothers se situait autour de 570-580 points avant de tomber à 290 points en septembre 2008 puis à un peu plus de 100 points début 2009, selon investing.com.
Mais cet indice s'est ensuite bien redressé, dépassant les 400 points en 2017 avant d'atteindre un plus haut de plus de 600 points en 2021. Actuellement, il s'inscrit à 421 points.
Les taux négatifs comme poison
"Si vous aviez investi sur le secteur bancaire américain en mars 2009, post-krach Lehman Brothers, vous auriez eu aujourd'hui plus de 13% de rendement annuel sur votre investissement contre un peu plus de 6% si vous aviez investi sur le secteur bancaire européen", souligne David Benamou, directeur des investissements chez Axiom Alternative Investments.
Comment expliquer une telle disparité? "La différence de la performance boursière entre les banques européennes et les banques américaines depuis le krach de Lehman Brothers provient pour l’essentiel des divergences de politique monétaires. Jamais les fed funds de la Réserve fédérale américaine (Fed) ne sont passés en territoire négatif au contraire du taux de dépôts de la Banque centrale européenne qui est resté négatif durant 8 ans!", développe le spécialiste.
"Or il ne faut pas oublier qu'une banque gagne de l'argent de deux façons: soit via les prêts, soit en plaçant les dépôts qu'elle collecte auprès des banques centrales. Avec des taux de dépôts négatifs (qui n'ont pas été répercutés aux particuliers), les banques européennes ont vu tout une partie de leur chiffre d'affaires disparaître", poursuit-il.
Des perspectives qui s'améliorent
On peut penser que la régulation, réputée plus stricte en Europe, peut provoquer une décote boursière entre les banques de la zone euro et les établissements américains. Pas vraiment, en réalité.
"Les grandes banques américaines et européennes possèdent des contraintes réglementaires similaires, légèrement plus importante pour l'Europe, notamment sur la gestion du risque de taux. La différence se situe surtout aux niveaux des banques régionales, avec une régulation bien plus importante en Europe qu'aux Etats-Unis", fait valoir David Benamou.
Actuellement, les banques de la zone euro bénéficient à nouveau de taux positif mais cela ne se reflète pas forcément dans leurs cours.
"Avec la remontée des taux directeurs de la Banque centrale européenne, la situation se normalise mais le marché a encore du mal à l'intégrer. En moyenne, les actions des banques européennes s'échangent autour de 6 fois les bénéfices attendus sur douze mois, contre plus de 8 fois pour les grandes banques américaines et les banques régionales américaines", observe David Benamou.
"Or leurs perspectives s'améliorent, la qualité de leur portefeuille de crédit est bonne, le ROE (la rentabilité des fonds propres) est attendu en moyenne autour de 11% et les analystes relèvent leurs prévisions de bénéfices", note l'expert.