(BFM Bourse) - Si la Bourse est une institution éminemment respectable, cela ne garantit pas que tous les projets mis en avant par les sociétés cotées le soient. Les investisseurs ont parfois tendance à accorder leur confiance à des entreprises en devenir, bien plus risquées que ce que leurs promoteurs l'affirment. Nous proposons ici un petit manuel de survie pour aider les épargnants à écarter les pistes par trop hasardeuses.
Le besoin de faire confiance à autrui est profondément ancré chez l'être humain, animal social par excellence. Mais en Bourse, cela peut devenir un terrible handicap. Comme le suggère l'adage caveat investor, c'est à l'investisseur qu'il revient de prendre toute précaution avant d'apporter ses fonds à un beau projet.
Si Warren Buffett recommande de s'en tenir aux entreprises "ennuyeuses", positionnées sur des métiers techniques, peu glamour, les boursicoteurs sont en permanence tentés par maints projets tous plus révolutionnaires les uns que les autres qu'on leur expose. Pour beaucoup d'entreprises n'ayant pas encore trouvé un modèle d'affaires, la Bourse offre un moyen de se financer... quitte à en rajouter dans le "story telling" en évitant d'insister sur les risques associés.
Même si ce sentiment est négativement connoté, c'est donc une certaine méfiance qui devrait s'imposer chez les investisseurs. Pour éviter de foncer les yeux fermés , voici un "kit de détection des projets douteux" en sept questions. Le titre nous a été inspiré par l'historien des sciences Michael Shermer (à l'origine du "baloney detection kit"), qui lui même s'est appuyé sur les travaux de Carl Sagan.
1) Les perspectives qu'on vous présente sont-elles les mêmes depuis le début?
Allez vérifier les communiqués et les déclarations des années précédentes. Tout repositionnement majeur doit être explicité et justifié. Et si les écarts par rapport à la stratégie initiale s'accumulent sans émouvoir la direction, méfiance.
2) Les qualités du projet ont-elles étés vérifiées par des sources tierces, compétentes et non intéressées?
Tout le monde n'a pas la possibilité d'aller voir en personne ce qu'il en est d'une usine en construction, des travaux d'un bureau d'études ou d'un laboratoire... Pour appréhender un projet, la plupart des investisseurs dépendent de l'avis de sources externes. Si vous n'avez pas la certitude que les experts qui valident les perspectives qu'on vous vend ne réunissent pas les trois critères ci-dessus, prenez du recul !
3) À quel point le projet est-il révolutionnaire?
Une entreprise qui part de peu et finit par révolutionner un marché ou une industrie, cela s'est vu... mais c'est plutôt l'exception qui confirme la règle. D'autres entreprises poursuivent-elles des projets similaires? Est-ce que des acteurs qui gagnent déjà de l'argent sur le marché visé s'y intéressent de manière effective? Sinon, demandez-vous pourquoi la voie de développement envisagée ne suscite pas davantage d'intérêt.
4) Est-ce que les promoteurs du projet acceptent la remise en question?
Une ouverture de leur part est le meilleur signe de confiance. Si les dirigeants vous expliquent que ceux qui n'y croient pas n'ont pas compris, prudence.
5) Qui croit au projet?
Affirmer sa confiance est une chose, s'impliquer matériellement en est une autre. Est-ce que les dirigeants sont fortement investis dans le projet ou se contentent-ils des salaires qu'ils se versent grâce aux fonds levés en Bourse? Qui sont les actionnaires? Des gérants professionnels voire des industriels ou surtout des petits porteurs? Il est assez rare que des épargnants lambda aient su déceler un potentiel solide qui ait échappé à des institutionnels.
6) La direction consacre-t-elle beaucoup d'efforts pour faire connaître et valoriser le projet?
Cela peut être justifié, mais ce n'est pas non plus son rôle principal... La priorité doit être de construire le projet.
7) En évacuant l'ensemble des éléments communiqués par la société elle-même, quelles sont les informations disponibles?
Qu'une entreprise se dise confiante dans son projet ou en vante la qualité d'un produit relève du truisme (on peut difficilement diriger une entreprise en laquelle on ne croit pas). Mais en soi cela ne suffit pas à en faire un argument d'investissement. Vous ne devriez investir que si les arguments validés par des sources indépendantes vous inspirent à aux seuls suffisamment confiance.