(BFM Bourse) - Revenu au dessus des 3500 pts, le marché parisien vient de renouer avec ses plus hauts niveaux depuis novembre 2008, grâce au bon accueil réservé par les investisseurs aux résultats semestriels des entreprises. Le rebond depuis l'incursion sous les 3000 pts du 10 juillet a été rapide. Peut-être trop. Pour Michaël Sellam, le président d'Iris Finance, il est en effet temps de prendre ses bénéfices.
Tradingsat.com : Que pensez-vous du fort rebond des marchés de ces dernières semaines ?
Michaël Sellam : Ce qui se passe est incompréhensible. Le marché monte beaucoup trop, et beaucoup trop vite. Depuis le 10 juillet, on est passé de 2965 points à plus de 3500, soit une hausse de plus de 500 points, donc de plus de 18% en l'espace d'un mois à peine. Le rendement moyen par séance avoisine 1%. Le marché est tiré par le haut, tous les indicateurs techniques montrent que nous sommes dans une zone de surachat.
Tradingsat.com : Comment l'expliquez-vous ?
Michaël Sellam : Les résultats d'entreprises se sont révélés meilleurs qu'attendu. Mais ce n'est pas très surprenant, notamment parce que le destockage des entreprises est arrivé à son terme. Les indicateurs macroéconomiques continuent cependant d'inquiéter, en particulier la consommation des ménages et le chômage qui sont les socles de la croissance économique. Tout cela passe inaperçu aujourd'hui. Le marché salue la moindre bonne nouvelle et semble ignorer les mauvaises. Alors peut-être que l'on avait été trop pessimistes depuis juillet 2007, mais l'optimisme d'aujourd'hui est certainement excessif.
Tradingsat.com : Quel est votre scénario de marché au stade actuel ?
Michaël Sellam : Je pense que le marché a besoin de consolider. C'est fondamental et important, le marché doit corriger, ce qui permettra à la hausse d'être plus pérenne et plus en phase avec les publications récentes. J'invite vraiment les investisseurs à prendre leurs bénéfices. Beaucoup de secteurs d'activité sont encore susceptibles d'évoluer négativement. Nous sommes dans un schéma boursier beaucoup trop optimiste aujourd'hui. Au cours des prochaines semaines, je vais surtout regarder l'évolution du dollar, des matières premières, des indices chinois, en guettant les signes de consolidation, et bien sûr les chiffres de l'emploi. Tant que le chômage ne baissera pas, la reprise ne sera pas concrète.
Tradingsat.com : Comment jugez-vous les récents résultats trimestriels publiés par les entreprises du Cac 40?
Michaël Sellam : Prenons le cas d'Arcelormittal, qui a publié la semaine dernière des comptes décevants, certes pas très bien accueillis le jour même. Mais après une baisse de 4%, le titre a remonté de 5% le lendemain, puis de 7% le surlendemain, si bien que le cours de Bourse est maintenant supérieur à celui d'avant la publication. Tout le monde a oublié la perte de 792 M€ du deuxième trimestre ! Arcelor est une valeur cyclique, l'archétype même de la cyclique que les investisseurs ont envie de jouer actuellement.
Tradingsat.com : Peut-être le marché joue-t-il le retour de la demande ?
Michaël Sellam : Rien de tel n'a pourtant été annoncé. Ni par Arcelor, ni par Alstom, dont le carnet de commandes a nettement diminué. De même, Air Liquide est prudent dans ses perspectives. La réactivité des entreprises à réduire leurs coûts est appréciable, mais toutes émettent des réserves sur leurs perspectives et déplorent toujours un manque de visibilité. Pour autant, la communication des entreprises met plutôt l'accent sur les éléments encourageants. Ce qui je pense est délibéré. Cela leur permet de se financer à court terme en levant des capitaux plus facilement, sans décote excessive et à des taux plus intéressants…
Tradingsat.com : Quid des résultats de BNP Paribas et Société Générale ?
Michaël Sellam : Encore une fois, le marché n'a voulu retenir que les bonnes nouvelles. Les comptes de BNP ont été somme toute bien perçus, parce que les résultats des métiers de banque d'investissement et des activités de marché ont bien progressé, mais les provisions sur les pays de l'Est et les crédits aux entreprises ont augmenté… Les résultats de la Société Générale étaient plus en demi-teinte, mais néanmoins corrects et marqués, comme pour BNP , par des activités de trading dynamiques mais par définition cycliques et saisonnières. Supposons que les marchés chutent violemment en septembre, ces activités replongeraient alors. Il faudra alors passer de nouvelles provisions, et en reprendre d'autres. Depuis toujours, les écritures des bilans autorisent une certaine souplesse dans la communication des résultats des entreprises…
Tradingsat.com : Que pensez-vous du cas Natixis, dont l'action s'envole depuis quelques séances ?
Michaël Sellam : D'abord, je ne crois du tout à une volonté de sortir le titre de la cote. Si tel était le cas, il s'agirait d'une grande spoliation dans l'histoire boursière française ! Comment un actionnaire que l'on a incité à souscrire à un cours de plus de 19 euros en 2006 pourrait-il s'enthousiasmer de voir le titre passer de 1 à 2 euros, alors qu'il en a perdu 17 !. Quant aux possibles annonces sur une nouvelle stratégie, je crains qu'il ne s'agisse d'un contre-feu pour occulter le fait que les résultats seront mauvais. Le modèle économique est certes totalement à revoir, mais il faudrait pas moins de 5 ans pour voir les résultats de cette nouvelle stratégie. Rien ne justifie de se précipiter sur le titre aujourd'hui.
Tradingsat.com : Il n'est donc plus temps d'acheter des bancaires…
Michaël Sellam : J'attendrais une consolidation pour le faire.
Tradingsat.com : Que recommandez-vous d'acheter aujourd'hui ?
Michaël Sellam : Il y a quelques semaines j'ai conseillé Alcatel-Lucent, qui était à ce moment là aux alentours de 1,70 euro, nous sommes aujourd'hui à 2,20. Elle peut encore m'intéresser, mais sur repli uniquement. Il m'est difficile de conseiller des valeurs à l'achat aujourd'hui parce que les valorisations sont un peu trop tirées par le haut. A l'exception peut-être d'Altran Technologies, qui me paraît un petit peu retard par rapport à ses comparables. Nous sommes entrés sur le titre autour de 2 euros, avant sa récente flambée.
Tradingsat.com : Est-il néanmoins opportun d'acheter des défensives ?
Michaël Sellam : Pour le moyen terme, un investissement dans Sanofi-Aventis peut encore se justifier pour miser sur la réduction de la décote par rapport au secteur et la stratégie de la nouvelle direction. Dans le domaine de la santé, je m'intéresse également à la marge à quelques sociétés de biotechnologie telles que NicOx, Transgène ou encore ExonHit. Le développement d'ExonHit dans le dépistage de la maladie d'Alzheimer me semble très prometteur. Mais ce type de valeur ne doit pas dépasser 4 à 5% d'un portefeuille, en raison de leur forte volatilité.
Tradingsat.com : Y a-t-il des secteurs dont vous conseillez de rester à l'écart ?
Michaël Sellam : Le secteur automobile. Il faut que l'on m'explique en quoi l'annonce d'une perte de 2,7 milliards d'euros par Renault au premier semestre peut justifier une progression du titre Renault de 20% en trois séances ! Alors certes, l'entreprise est parvenue à sauvegarder son cash flow et ne va pas faire faillite. Mais si vraiment, le marché pensait que Renault allait faire faillite, alors il aurait du valoriser l'action à 1 euro. Tout aussi étrangement, les résultats de Peugeot ont également été salués, alors que les perspectives qui ont été présentées restent vraiment moroses, le redressement du marché automobile n'étant pas anticipé avant fin 2010.
Propos recueillis par François Berthon