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Interview : "c'est le bon moment pour s'endetter"

jeudi 19 février 2009 à 11h05

(BFM Bourse) - Présenté le 10 février par le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, le plan de sauvegarde des banques peine à convaincre les milieux d'affaires de son efficacité. Michaël Sellam, le président d'Iris Finance, s'interroge notamment sur l'intérêt du secteur privé pour la reprise des actifs toxiques. En attendant une reprise encore hypothétique, le gérant livre quelques pistes d'investissement pour traverser la crise.

Tradingsat.com : Que vous inspire le concept de « bad bank » sur lequel repose le plan de sauvegarde du système financier américain ?

Michaël Sellam : Sa définition n'est pas très claire. En particulier, le flou reste entier sur le mécanisme qui va servir à valoriser les actifs toxiques que devra racheter cette structure de « défaisance ». Il est annoncé qu'elle sera financée à la fois par des fonds publics, c'est-à-dire l'argent du plan Paulson, et par des capitaux privés. Mais très honnêtement, je ne vois pas comment des investisseurs privés pourraient être intéressés ! Le problème, c'est que tant que ces actifs pourris n'auront pas trouvé preneur, les banques ne pourront les déprécier définitivement dans leurs comptes, ce qui risque, à terme, de menacer la pérennité du plan de sauvegarde.

Tradingsat.com : Que faudrait-il faire pour lever définitivement les doutes du marché ?

Michaël Sellam : L'idéal serait qu'une fois pour toutes, le Trésor américain assure une liquidité sur tous ces produits toxiques, pour que l'on puisse enfin leur attribuer un prix. En théorie, il eût donc été préférable que la « bad bank » soit entièrement financée par des fonds publics. Le problème, c'est que l'Etat n'en a en réalité pas les moyens, parce qu'il risquerait d'alourdir tellement la dette publique que sa solvabilité même serait mise en doute. Pour clore le tableau, j'ajoute que beaucoup de CDS et d'autres produits, notamment subprime, ne sont pas encore dépréciés dans les bilans des banques du fait que leurs échéances se situent pour une partie en 2009, et pour l'autre fin 2010. Attention au retour de boomerang supplémentaire…

Tradingsat.com : On n'est donc pas encore au bout du tunnel.

Michaël Sellam : Je le crains en effet. J'ai une vision très critique et très noire de l'évolution économique à venir. Parce qu'aujourd'hui, contrairement aux années 80 où les nouvelles technologies avaient pris le relais, on ne voit pas bien ce qui pourrait relancer l'économie. Tous les acteurs économiques, tant les ménages que les entreprises craignent pour leur avenir, conservent leur épargne, ne la réinjectent plus dans le circuit économique. Les plans de licenciements massifs sont autant de consommateurs en moins. Les capitaux des fonds souverains seront rapatriés sur les territoires nationaux pour participer aux plans de relance, ce qui risque de finir par affecter la capacité des Etats à lever de la dette.

Tradingsat.com : Dans ces conditions, le scénario d'une reprise du marché boursier au second semestre 2009 vous paraît-il encore d'actualité ?

Michaël Sellam : Non, je m'attends à ce que la situation ne redémarre pas avant quelque temps. Contrairement à ce que beaucoup anticipent, un scénario en « V » me paraît illusoire. Selon moi, le marché va trouver un point d'équilibre, probablement au second semestre de cette année. Il restera ensuite très volatil au gré des publications sur l'état de l'économie. Je pense que la crise sera longue, durable, parce que les Etats sont épuisés, à bout de souffle. Il suffirait encore de quelques mauvaises nouvelles pour qu'ils ne puissent plus réagir.

Tradingsat.com : Quel genre de mauvaises nouvelles ?

Michaël Sellam : La situation de General Motors est par exemple très fragile, à la merci d'une poursuite de la chute des ventes d'automobiles outre-Atlantique. Un placement sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, qu'on ne peut exclure, constituerait une perte sèche pour l'Etat américain, qui investit actuellement pour renflouer cette industrie. C'est une chose de prêter des liquidités à des entreprises solides qui en manquent à cause de la crise du crédit. C'en est une autre que d'aider financièrement des acteurs insolvables, faisant courir le risque d'une faillite à tout le système. Pour s'en sortir et rembourser leur dette à bon prix, les Etats-Unis pourront toujours utiliser la vieille recette de la dévaluation du dollar en laissant filer l'inflation. Il faut voir le côté positif des choses : c'est sans doute le bon moment pour s'endetter !

Tradingsat.com : Dans ce contexte, quelles valeurs peut-on encore acheter sur le marché ?

Michaël Sellam : Il faut se concentrer sur des entreprises saines, faiblement endettées, qui ont la capacité de rebondir. Michelin, par exemple, a subi une grosse décote, et pourrait profiter des problèmes de son concurrent Continental. Dans la santé, Sanofi-Aventis est également décotée, tout en offrant des perspectives intéressantes liées à la stratégie de la nouvelle direction. Des valeurs dont le rendement est pérenne, telles que France Télécom, Canal+ et M6 retiennent aussi mon attention.

Tradingsat.com : Que pensez-vous des financières ?

Michaël Sellam : Elles sont loin d'être tirées d'affaire. Je fuis tout le secteur financier tant qu'un point bas n'a pas été touché sur le marché. Mais si le marché doit repartir, les bancaires seront les premières à en bénéficier.

Tradingsat.com : Votre avis sur Fortis et BNP Paribas ?

Michaël Sellam : Vu l'hostilité que semble avoir suscité en Belgique l'accord de prise de contrôle de Fortis Banque par BNP Paribas , le retrait du projet semble une bonne chose. Persister dans ces conditions risquerait d'altérer le fonds de commerce. La situation générale de BNP Paribas ne m'inspire pas d'inquiétude, c'est une très belle banque dont la présence aux Etats-Unis ne compromet pas la solidité. A cause de l'instabilité du marché, je ne m'y intéresse qu'en trading. Je la surveille en attendant qu'elle revienne vers les 22-23 euros, pour la revendre vers les 30 euros. Je m'inquiète un peu plus pour Société Générale qui a vendu les joyaux de la couronne en transférant sa gestion d'actifs, le métier bancaire le plus profitable, dans une coentreprise avec Crédit Agricole. Peut-être faut-t-il y voir le signe d'un futur rapprochement… Ce n'est pas impossible.

Propos recueillis par François Berthon

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