(BFM Bourse) - Le spécialiste des paiements a drastiquement revu à la baisse ses perspectives pour l'exercice en cours alors que sa croissance s'est nettement tassée au troisième trimestre.
Dure semaine pour Worldline. Le spécialiste français des services de paiements avait déjà reculé en Bourse lundi (-2,3%), pénalisé par la remontée des taux obligataires mais aussi par une panne survenu le week-end sur une de ses plateformes. Ce qui a empêché les paiements par carte chez certains gros clients comme McDonald's ou Ikea.
Mais ce repli est sans commune mesure avec le plongeon qu'accuse le titre ce mercredi. Longtemps réservé à la baisse, l'action s'effondre de 56% vers 10h40, signant évidemment la plus forte baisse du CAC 40.
Worldline est bien parti pour accuser une baisse historique sur l'indice parisien sur une seule journée. Autant que nous puissions nous souvenir, les gadins les plus mémorables ont été accusés jusqu'à présent par Alcatel avec -38,4% en 1998 et plus récemment par Alstom au début du mois (-37,58%).
C'est que les annonces passées par Worldline ont de quoi bouleverser la perception du marché. La société a publié une activité largement inférieure aux attentes au troisième trimestre, révisé drastiquement ses prévisions pour cette année, modifié sa trajectoire à l'horizon 2024, et lancé un plan d'économie de 200 millions d'euros.
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
Un avertissement sur résultats retentissant
Invest Securities évoque un "très gros avertissement sur les résultats 2023-2024" après un "faible" troisième trimestre, ce qui va "soulever beaucoup de questions, surtout au regard de la confiance affiché par le management fin juillet sur son plan moyen terme".
"Après un bon début d'année, nous sommes rentrés dans un deuxième semestre où la conjoncture mondiale a commencé à se détériorer, en particulier en Allemagne. Cette évolution se reflète dans la performance de notre troisième trimestre, malgré des résultats commerciaux satisfaisants dans la division des services aux commerçants. Dans ce contexte, nous avons décidé de réviser nos objectifs 2023", a expliqué Gilles Grapinet, le directeur général de Worldline, cité dans un communiqué..
Worldline reste un groupe dont l'activité est très liée aux volumes de dépenses des ménages et donc de la consommation. De plus, Worldline évolue dans une industrie de coûts fixes ou les revenus sont dégagés via des petites commissions mais sur des volumes de transactions gigantesques. Autrement dit, un retournement de conjoncture peut aisément faire vaciller sa rentabilité.
Bien qu'il cherche à se diversifier géographiquement, Worldline est historiquement très présent dans la région dite "DACH" c'est-à-dire Allemagne, Suisse et Autriche. Or l'Allemagne subit une récession économique, le FMI anticipant un repli de son PIB de 0,5% cette année.
Gilles Grapinet a, lors d'une conférence téléphonique avec des analystes, également cité une accélération du changement de comportement des consommateurs, qui réorientent leurs dépenses des biens discrétionnaires vers les biens non discrétionnaires. "Ce qui dans notre métier pénalise à la fois la croissance et la rentabilité et nous devons prendre cela en compte", a-t-il expliqué. "Nous ne gagnons pas la même chose lorsque les consommateurs vont dans un hard discount plutôt qu'au restaurant", a complété Marc-Henri Desportes, le directeur général délégué du groupe.
"Nous faisons face a davantage de difficultés que nous l'avions anticipé il y a encore récemment", a ajouté Gilles Grapinet, évoquant ensuite "un changement soudain".
Une croissance presque divisée par deux
Cette conjoncture dégradée se retrouve dans l'activité de Worldline. Au troisième trimestre, les revenus du groupe ont certes progressé de 4,8% en données comparables. Mais cette progression a été divisé par près de deux en comparaison avec celle du trimestre précédent (+9,4%).
Sa principale division, les services de paiements offerts aux commerçants a accusé un net tassement de sa croissance, de 7,6% en données comparables, contre 13,5% sur le précédent trimestre. Cette progression se situe par ailleurs bien loin des 10% qu'attendait le consensus des analystes, selon Stifel.
L'activité de Worldline a aussi été pénalisée par la décisions du groupe d'abandonner certaines activités de services aux commerçants pour des questions réglementaires.
"Face à la montée générale de la cybercriminalité, à l'émergence de nouveaux comportements frauduleux et au durcissement des directives réglementaires et contraintes de marché, nous avons resserré notre politique d'appétence aux risques. Par conséquent, nous avons arrêté de manière ordonnée nos services auprès de certains commerçants pour lesquels les coûts associés et les risques potentiels n’étaient pas compatibles avec nos exigences révisées", a expliqué l'entreprise.
A l'issue de ce trimestre décevant et prenant acte du nouveau contexte de marché, Worldline a sabré ses prévisions pour cette année. Le groupe table désormais sur une progression de ses revenus en données comparables située entre 6% et 7%, contre une fourchette allant de 8% à 10% précédemment.
"Cependant, les développements les plus surprenants concernent la rentabilité et la conversion en cash", juge le bureau d'études indépendant AlphaValue.
La marge d'excédent brut opérationnelle est attendue en baisse de 150 points de base (1,5%) alors que le groupe attendait un accroissement de 100 points de base auparavant. Enfin le taux de conversion de l'excédent brut opérationnel en flux de trésorerie est attendue entre 30% et 35% contre 46% à 48% précédemment.
Un autre gadin pour le secteur des paiements
Le groupe a par ailleurs tiré un trait sur ses précédents objectifs pour 2024. "Notre trajectoire 2024 sera ajustée avec la publication de nos objectifs 2024 en février 2024 pour prendre en compte en particulier les conditions de marché et Power24", a annoncé Worldline.
"Power2024" est le nom que Worldline a donné à son plan qui doit dégager 200 millions d'économies en cash en année pleine pour 2025. Ce programme pourrait avoir un coût ponctuel allant jusqu'à 250 millions d'euros.
Worldline a toutefois estimé que sa croissance devrait accélérer à compter du second semestre 2024 et que son excédent brut opérationnel (EBO) devrait progresser de 100 million s d'euros l'an prochain. "Cela implique un EBO de 1.210 à 1.220 millions d'euros, ce qui signifie que les chiffres du consensus seraient révisés à la baisse d'environ 15 à 17%", calcule Stifel. Au final, la publication est "bien pire que redouté", cingle la banque.
Le massacre boursier du jour pour Worldline survient alors que le secteur des paiements était déjà mal-aimé du marché, Worldline et son concurrent italien Nexi ayant subi une violente contraction de leurs multiples boursiers ces dernières années. Cet été le néerlandais Adyen avait connu lui aussi une lourde punition du marché à la Bourse d'Amsterdam (-39%) après des résultats inférieurs aux attentes.
A voir d'ailleurs si le plongeon bousier de ce mercredi n'attisera pas les appétits des prédateurs. Certes, Bpifrance est actionnaire de Worldline à hauteur de 7,6% mais avec un flottant de plus de 70% et une valorisation à la casse, les intérêts des fonds d'investissements, qui selon Bloomberg s'intéressent déjà à Nexi, risquent d'être ravivés.
Recevez toutes les infos sur WORLDLINE en temps réel :
Par « push » sur votre mobile grâce à l’application BFM Bourse
Par email