(BFM Bourse) - Le marché des métaux a connu une année 2022 volatile, tiraillé entre les tensions géopolitiques, inflationnistes et la situation sanitaire en Chine. La crise énergétique qui a découlé de la guerre en Ukraine, a remis sur la table la nécessité d'accélérer la transition énergétique. Dans ce contexte, une demande de métaux massive, et résiliente aux ralentissements cycliques, est en train de voir le jour, estime OFI Invest AM.
Valeur refuge par excellence pour se couvrir contre les risques de marché, l'or n'a pas assumé son rôle à plein en 2022. Le parcours du métal jaune a été semé d'embuches, la vigueur du dollar et la remontée des taux d’intérêt ayant joué les trouble-fêtes.
La hausse des taux d’intérêt pénalise en effet le métal précieux - que John Maynard Keynes surnommait la "relique barbare" - car l’or ne produit pas de revenu, comme des dividendes ou des coupons. L’augmentation des taux malmène ainsi l’arbitrage qui consiste à investir dans l’or plutôt que de placer la trésorerie et donc toucher les intérêts. Ainsi, le prix de l’once est redescendu jusqu’à 1.630 dollars début novembre. L’argent, dont l'évolution des prix est aussi étroitement liée au parcours du précieux métal jaune, n'a pas été épargné et a corrigé pratiquement deux fois plus que le métal jaune.
Du côté des métaux industriels, leurs prix ont connu une accélération en début d'année 2022, soutenus par la reprise post-Covid puis les craintes de d’approvisionnement en provenance de Russie, notamment pour l’aluminium, le nickel et le palladium. Le nickel, le "métal du diable", a vu son cours inscrire un sommet historique jusqu'à 100.000 dollars la tonne le 8 mars 2022, en raison de l'importance de la Russie dans la production du métal blanc argenté.
Mais les cours se sont ensuite détendus, le nickel, tout comme les autres métaux, a connu sur le reste de l'année 2022 une forte correction, emmenée tout d’abord par les inquiétudes sur le secteur immobilier chinois, puis par les décisions de restrictions de mouvement en Chine pour limiter une nouvelle vague de Covid.
Un catalyseur venu de Chine
En fin d'année dernière, la donne a changé sur le marché des matières premières, métaux compris. Les multiples annonces d'allègements des mesures de confinement en Chine depuis le mois de novembre ont permis aux métaux industriels de rebondir violemment, plusieurs marchés de cet univers gagnant plus de 10 % sur le dernier mois de l’année.
Pour OFI Invest AM, l’évolution de la situation sanitaire en Chine sera un des points majeurs d’attention, voire le plus important qui plaiderait pour une reprise des cours des matières premières, dont les métaux. L'autre facteur de soutien à la demande est lié au secteur immobilier chinois, dont une accélération de la mise en route des projets d'infrastructures. La société de gestion rappelle que l'Empire du Milieu est le premier consommateur de métaux et le second sur le pétrole.
Au-delà des aspects conjoncturels, OFI Invest AM signale que la Chine s'est engagée dans un ambitieux programme de décarbonation. Ce dernier se traduit concrètement par le développement de l’électrification des transports, un déploiement massif du réseau électrique, et par l’installation d’importantes capacités d’énergies renouvelables.
"Le pays représente à lui seul en 2022 environ la moitié des capacités renouvelables installées dans le monde. Ces transformations sont très consommatrices de métaux. Ainsi pour le cuivre, on a observé en 2022, malgré les difficultés considérables du secteur immobilier, une croissance positive de la demande, supérieure à la destruction de demande liée au secteur de la construction", souligne la société de gestion.
Une transition énergétique, soutien à la reprise des cours
Cette transition étant appelée à s'accélérer dans les prochaines années, la consommation de métaux va mécaniquement progresser. Pour appuyer ses propos, OFI Invest AM cite les prévisions de Goldman Sachs concernant l'évolution du secteur de la voiture électrique ("The beginning of a demand transition, a potential positive start", Goldman Sachs, 23/11/2022). La banque américaine prévoit en Chine une croissance annuelle des ventes de voitures électriques de 80 % entre 2022 et 2030. La demande chinoise en cuivre et en aluminium devrait ainsi croître respectivement de 55 % et 91 % sur la période.
"La Chine est aujourd’hui le pays qui accélère le plus sur les énergies bas carbone, et près de la moitié de toutes les capacités installées dans le monde en 2022 l’a été dans l’Empire du Milieu", indique OFI Invest AM.
Du côté de l’aluminium, la société de gestion rappelle le rôle central de ce métal dans les secteurs de la construction et des transports, avec un usage de plus en plus étendu dans les technologies bas carbone. Le marché de l’aluminium est toutefois pris entre deux feux. D'un côté, la demande pour ce métal est en constante progression tandis que l'offre s’amenuise au fil des années sous le coup des fermetures de capacités de production en Europe. "Les annonces de fermetures se sont multipliées, jusqu’à diviser les capacités de production d’aluminium par deux en Europe", rappelle OFI Invest AM, car ces dernières sont menacées partout où les prix de l’énergie sont susceptibles de monter dans les années à venir".
Selon les projections de Goldman Sachs, citées par OFI Invest AM, la demande de lithium, cobalt et nickel liée à la transition énergétique en Chine sera elle aussi multipliée par un facteur de 2,5 à 4,3 fois dans l’intervalle.
Dans ce contexte, le cours du "métal du diable" (le nickel donc) devrait également profiter de cette transition verte des véhicules chinois et européens. "Son rôle très central dans la transition énergétique, et notamment la hausse graduelle de la demande liée à la production de batteries électriques, devient aujourd’hui de plus en plus évident" précise la société de gestion.
"Le cœur de la problématique associant la transition énergétique et le nickel est bien évidemment la fabrication de batteries ", explique Yves Jégourel, codirecteur de CyclOpe, à l'antenne de BFM Business.
"L'usage et la demande en batteries va considérablement se développer au travers de l'essor des batteries lithium-ion. On a observé d'un point de vue technologique une recomposition des batteries, avec beaucoup plus de nickel et moins de cobalt", poursuit-il.
De son côté, OFI Invest AM cite un rapport de la Commission européenne, dans lequel la demande mondiale de nickel est estimée à 2,6 millions de tonnes par an en 2040, pour la seule production de batteries. Outre l’électrification du secteur automobile, la société de gestion identifie un autre facteur de soutien aux cours du nickel, à savoir la croissance des énergies renouvelables qui requiert de grandes quantités du métal blanc.
Moins connu, le zinc pourrait également tirer profit de ce mouvement de transition énergétique, en raison, rappelle OFI Invest AM de sa capacité à protéger les métaux contre la corrosion. Une propriété qui est recherchée dans la production car l'adjonction de ce métal prolonge significativement la durée de vie des constructions en acier et réduit de ce fait la nécessité de ressources primaires.
Le zinc est aussi utilisé dans la fabrication de panneaux solaires, notamment de cellules photovoltaïques, et comme protection contre la corrosion dans la structure des panneaux solaires, rappelle la société de gestion, ce qui constituera selon elle une autre source de croissance de la demande. Comme pour l'aluminium, la situation de l’offre est d’autant plus tendue que la crise de l’énergie en Europe a provoqué la fermeture de plus de la moitié des capacités de production de zinc.
"La prise de conscience de l’impératif de transition énergétique et de l’urgence de la réaliser, devrait conférer une certaine résilience à la consommation de métaux dans les années à venir : quelle que soit la situation économique, l’installation de capacités décarbonées doit se faire à marche forcée", rappelle OFI Invest AM.