(BFM Bourse) - De la capture de carbone associée à de la production d’hydrogène vert à partir de biomasse, le tout à un prix de revient déjà compétitif par rapport aux énergies fossiles? C'est la promesse ambitieuse de Haffner Energy, qui s'introduit en Bourse ce mardi en vue d'industrialiser sa solution et de devenir un leader du marché.
Haffner Energy brave les éléments et le contexte de marché rendu délicat par l'inflation et les tensions géopolitiques pour devenir la première société introduite sur Euronext Paris en 2022.
Son credo? La transition énergétique, et ce "depuis 28 ans" souligne le PDG Philippe Haffner, qui a rejoint en 2008 le groupe fondé par son frère Marc. Sa solution? Un module baptisé Hynoca capable de produire de l'hydrogène vert, de l'hypergas (un gaz renouvelable de synthèse riche en hydrogène vert) et du biochar, un charbon d’origine végétale qui agit comme un puits de carbone, notamment utilisée en agriculture pour ses propriétés de rétention d'eau, obtenu par pyrolyse de biomasse durable (bois, résidus de vigne, maïs, fumier, etc.).
Hynoca, pour "Hydrogen No Carbon", est constitué de trois unités faisant chacune la taille d'un container, et d'une unité de purification. Chaque module produit entre 15 et 30 kg/h d’hydrogène vert, soit l'équivalent d'un électrolyseur de 1,2 à 2,4 MWh avec un facteur de charge de 5.000 heures par an. Ils sont en outre capables de produire en continu (soit plus de 8.000 heures par an), et à un prix très compétitif, entre 1,5 et 3 euro par kilo d'hydrogène - équivalent à celui de l'hydrogène "gris" produit par vaporeformage (le méthane est chauffé entre 700 et 1.100°C avec de la vapeur, processus rejetant 12kg CO2 dans l'atmosphère par kg d'hydrogène produit, quand la thermolyse de la biomasse se fait à 500°C) par des acteurs comme Air Liquide, et utilisé aujourd'hui par l'industrie.
Pas besoin de se raccorder au réseau électrique
La technologie développée par Haffner Energy est également très différente de celle de McPhy Energy, qui fabrique des électrolyseurs permettant de séparer les molécules d'H20 en hydrogène et oxygène - émettant au passage 1,9kg de CO2 par kg d'hydrogène produit. "Un autre avantage que nous avons par rapport aux électrolyseurs est notre agilité car nous n'avons pas besoin de nous raccorder au réseau électrique". Le module mis au point par Haffner Energy -après plusieurs générations de prototypes- est de fait complètement autonome, avec une surveillance à distance.
Contrairement aux procédés existants actuellement, celui de Haffner Energy n'émet aucun carbone. Mieux, il en capture. À partir de 30 tonnes de biomasse durable, Hynoca produit en effet une tonne d'hydrogène vert, correspondant à l'alimentation d'un véhicule particulier pendant 100.000 km, ainsi que 5,5 tonnes de biochar permettant in fine de séquestrer plus de 12 tonnes de CO2 - la thermolyse rejette 4kg de CO2 par kilo d'hydrogène produit quand le biochar en séquestre près de 16. La solution a donc un bilan carbone négatif, ce qui "attire les investisseurs qui peuvent ainsi compenser leurs propres émissions" explique Philippe Haffner.
Pour revenir à l'introduction en Bourse, celle-ci n'a pas fait le plein puisque le prix a été fixé dans le bas de la fourchette comprise entre 8 et 9,50 euros. Mais l'essentiel est ailleurs pour le PDG du groupe, qui se dit "content de voir l'opération aboutir alors que toutes les opérations qui nous précédaient ont été suspendues dans ce contexte de marché tendu où les investisseurs adoptent une position beaucoup plus attentiste".
Près de 72 millions d'euros levés
Haffner Energy est donc parvenu à lever 71,7 millions d'euros, via une augmentation de capital de 66,7 millions d’euros (incluant la prime d’émission, et la cession par la société d'investissement Kouros de 625.000 actions ordinaires pour un montant de 5 millions à la suite de l’exercice partiel de la clause d’extension).
Tous les partenaires stratégiques du groupe ont participé à l'opération, parmi lesquels on retrouve notamment Eren (8 millions), HRS (3 millions) ou encore le cimentier Vicat (8 millions), de même que les actionnaires historiques, à hauteur de 8 millions pour Handelsbanken Asset Management et 5 millions pour Mirova.
Cette manne doit notamment permettre au groupe d'industrialiser sa solution, avec la construction d'une usine d'assemblage capable de produire 200 modules par an à horizon 2024 - contre 20 cette année. Les sites potentiels sont en cours d'évaluation. Le groupe basé à Saint-Vitry en Haute-Marne prévoit par ailleurs d'utiliser une partie des fonds pour financer le renforcement de l’organisation commerciale et son déploiement international (Etats-Unis, Royaume-Uni et Asie du Sud-Est en tête), ainsi que ses investissements en R&D. À l'issue de l'opération, la famille Haffner détient toujours 45% du capital, et la part du concert formé avec le fonds Eurefi atteint près de 60%. Celle de Kouros est légèrement inférieure à 30%, tandis que le flottant est de l'ordre de 5%, les investisseurs mentionnés auparavant détenant le solde, soit 6,4% du tour de table.
Sans équipe commerciale dédiée, Haffner jouit en outre déjà d'un carnet de commandes et d'un "pipeline" ("de projets industriels robustes dans lesquels nous avons établi des offres" dixit son PDG) de 183 millions. Il vise ainsi 250 millions d'euros de chiffre d'affaires sur l'exercice 2025-2026 (clos fin mars), contre plus de 30 millions cette année.
Soutien des pouvoirs publics
Vers 16h20 ce mardi, le titre lâche néanmoins 6,2% à 7,5 euros, "dans un contexte de marché difficile" pointe Philippe Haffner. "Mais cela ne nous dérange pas. Pourquoi? Parce que ce contexte est lié aux tensions géopolitiques, avec la flambée des prix de l'énergie. Or plus le gaz va se raréfier et son prix se renchérir, plus le coût de revient de notre propre gaz va diminuer grâce aux crédits carbones". "Le message, c’est que nous sommes vraiment une valeur refuge en période de tensions (...) et on constate d'ailleurs déjà une accélération des commandes" souligne-t-il.
Sur le créneau porteur de l'hydrogène "ultra-vert", le groupe peut compter sur le soutien des pouvoirs publics. Plus que les 1,9 milliard d'euros qui seront consacrés au développement de la filière hydrogène dans le cadre du plan d'investissements France 2030, c'est le plan de décarbonation de l'industrie (de 5,6 milliards) qui est "encore plus au cœur de notre sujet" pointe Philippe Haffner. Le partenariat avec Vicat, principal cimentier indépendant français va en ce sens, le ciment étant par essence l'une des industries les plus émettrices en CO2.
Le dirigeant explique enfin que le groupe n'a aucun concurrent, ni en France ni ailleurs, selon une étude de marché menée par EY en amont de l'introduction en Bourse. Il se veut par ailleurs confiant quant à l'émergence de nouveaux acteurs et aux possibles velléités de développement dans l'hydrogène vert des géants de l'énergie, citant Tesla en exemple. "Quand ils ont commencé, ils n'étaient pas gros mais beaucoup plus agiles que les autres. Et on dispose aussi d'une caractéristique puissante, notre propriété intellectuelle, qui rend difficile pour un concurrent le développement une solution optimale sans croiser l'un de nos 80 brevets internationaux. Pour l'instant, nous avons un avantage compétitif et quelques années d'avance, donc cette IPO doit nous permettre de devenir un leader de ce marché". Et qui sait, peut-être qu'un jour la production par thermolyse de biomasse sera immédiatement associée à Haffner, comme celle des véhicules électriques l'est à Tesla.
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