Le Nasdaq plus surévalué qu'en octobre 2007 ? Réjouissez-vous : c'est possible !
Par Philippe Béchade.
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Voici le Nasdaq revenu à 25% de ses records de la mi-octobre 2007 (à 2 860 points). A cette
époque, des multiples de 40 ne choquaient plus personne compte tenu de l'avenir radieux que les
stratèges boursiers pronostiquaient pour la période 2008/2010.

Avec des références emblématiques comme Amazon, Google ou Apple, il était facile d'extrapoler
un Nasdaq à 3 000 points dès le premier trimestre 2008. Les analystes attendaient même de revoir
les 3 300 points à l'automne suivant. Allez, on anticipait facilement 200% de hausse par rapport
aux planchers d'octobre 2002.
** Tout va bien : la preuve, les analystes le disent.
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Rétrospectivement, la surévaluation du Nasdaq donne le vertige... Mais aujourd'hui, avec une
valorisation revenue à 75% des sommets historiques, les analystes voudraient convaincre les
investisseurs que les "technos" ne sont pas chères et pourraient facilement valoir 10% de plus
(soit un objectif indiciel voisin de 2 400 points) et retrouver leurs niveaux du mois d'août 2008.
Mais rappelez-vous : à cette époque, les Banques centrales et les gouvernements continuaient de
nier l'imminence du krach systémique et l'éclatement de la bulle du crédit.
Aujourd'hui, cette petite péripétie étant vite oubliée et tous les problèmes économiques
étant résolus, il n'y a pas de raison pour que le Nasdaq ne rejoigne pas ses niveaux médians de
la période s'étendant d'avril 2005 à septembre 2008.
Non, décidément, rien n'a changé. Ni les perspectives de croissance des bénéfices, ni les
méthodes d'évaluation des entreprises : il n'y a rien dans les conditions actuelles qui justifie
de modifier des critères qui ont fait leurs preuves de 2003 à 2007.
** Nous affichons des records, mais justement, c'est parce que "tout va bien".
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Le Nasdaq Composite réalise donc un carton plein avec huit mois de hausse consécutifs. C'est un
exploit sans précédent depuis la période s'étendant de février à août 2003, pour un gain
cumulé de +70%. Il n'y a eu qu'un seul mois de progression inférieure à +3,3% contre trois
hausses de +8% à 12,3% !
Aucun analyste technique ne manifeste non plus son étonnement devant un ratio de cinq semaines de
hausse pour une semaine de repli depuis la mi-mars. Cela non plus n'a jamais été observé depuis
une décennie -- mais on aurait tort de s'en étonner.
En termes de performance absolue, le Nasdaq égale son meilleur score sur un seul mouvement de
hausse moyen terme. Le parallèle est saisissant puisque l'indice électronique partait en février
2003 d'un plancher de 1 265 points parfaitement identique à celui testé le 6 mars dernier, et il
se hissera également jusqu'aux 2 150 points sans reprendre son souffle.
** Sauf que les indicateurs sont sous pression.
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Mais il y a tout de même une différence : il avait fallu attendre fin janvier 2004 pour tester ce
niveau, pour un gain cumulé équivalent à celui engrangé depuis mars dernier. Cela fait 4 mois de
plus qu'aujourd'hui, et la croissance mondiale s'appuyait sur un système bancaire en pleine
possession de ses moyens... le taux de chômage réel aux Etats-Unis et en Europe étaient
inférieur de moitié ou d'un bon tiers à ceux actuels.
Si le Nasdaq dispose encore en théorie d'une bonne marge de progression, les oscillateurs
"weekly" (tels que momentum, stochastiques, MACD...) pulvérisent leurs sommets de mars à octobre
2007. On nous dira que les records sont faits pour être battus même si les indicateurs de pression
avertissent que les canalisations boursières sont prêtes à exploser. Il suffit de coller des
bouts de carton sur les cadrans qui traduisent des niveaux critiques et continuer à ouvrir les
vannes de la hausse comme si de rien n'était.
D'ailleurs, les oscillateurs mensuels apparaissent beaucoup moins tendus que les daily, et les
données ont retrouvé des marges de progression dès la clôture du 16 octobre, après une
demi-séance de consolidation. Reste donc à découvrir comment le Nasdaq va négocier le
débordement des 2 167 points, c'est-à-dire un palier correspondant au plancher du 15 juillet
2008, lorsque les profits du second trimestre commencèrent à paraître et s'avérèrent -- pour
reprendre une expression en vogue cette année -- "meilleurs que prévus".
Mais à l'époque, c'étaient les chiffres d'affaires et les marges qui grimpaient... pas le
nombre de salariés licenciés ou externalisés !