Dans le cadre de la conférence intitulée: Spéculez avec succès sur le Forex du 28 Janvier 2010,
Philippe Lhermie, intervenant principal nous accorde une de ses rares interviews.
En partenariat avec FXCM, Trader Change ,Patrimoine&Marchés et Dog finance, la conférence est
organisée par Chart PGSM, Association financiere des écoles ESG et ESGF.
Dogfinance : Pouvez-vous vous présenter ?
Philippe LHERMIE : Bonjour, je suis Philippe Lhermie, trader Forex pour une grande entreprise du CAC
40.
Dogfinance : Quel a été votre parcours scolaire et professionnel ?
Philippe LHERMIE : A l’origine, un simple BTS en métallurgie, ce qui m’a valu de pouvoir
travailler en tant que contrôleur dans les centrales nucléaires. J’intervenais pour rechercher
l’origine de fissures, notamment en zone radioactive. Puis, en 1990, j’ai touché un héritage.
Et comme je ne connaissais rien à la finance, mes placements hasardeux m’ont vite fait comprendre
qu’il fallait que j’apprenne les mécanismes de la bourse. J’ai alors suivi les cours de
finance du Conservatoire National des Arts & Métiers, ce qui m’a permis de découvrir les bases.
Et parallèlement, je prenais de plus en plus de risques sur mon compte propre en investissant
notamment sur actions du CAC 40. En 1997, j’ai décidé de tenter de devenir trader professionnel.
J’ai donc suivi les cours de l’Institut des Techniques de Marchés où j’ai reçu des cours de
professionnels. Pendant ce temps, mon trading pour compte propre s’était amélioré et j’étais
passé sur les contrats Futures du CAC 40. En 2001, j’ai réussi à rentrer à la salle des
marchés de ma société. J’ai d’abord commencé sur le desk taux d’intérêt où je
m’occupais des prêts / emprunts à court terme, des émissions de billets de Trésorerie, de
Commercial Papers & du Repo. Je gérais aussi un gros portefeuille de contrats Futures sur les
T-Bonds à Chicago. Petit à petit, l’encours global de mes positions ouvertes était devenu si
important qu’un jour, j’ai reçu une lettre de la SEC (le gendarme de la bourse américaine),
avec un questionnaire très précis, sur qui j’étais, ce que je faisais, etc. ! En 2002, je suis
passé sur le desk change. Je m’occupe maintenant de toutes les couvertures de change de tous les
actifs que détient ma société à l’étranger, ainsi que de tous les achats et ventes de devises
pour payer les matières premières & les fournisseurs, vendre les recettes à l’étranger, etc.
J’ai aussi en charge l’achat et la vente de trackers sur les actions, un autre marché
passionnant !
Dogfinance : Quelle est la journée type d’un Trader ?
Philippe LHERMIE : La journée type d’un trader sur le marché des changes commence tôt car il y
a souvent des opportunités de trades intraday qui se présentent à l’arrivée des traders
londoniens sur le marché. Mais évidemment, il faut d’abord prendre connaissance du contexte,
c’est-à-dire regarder ce qu’il s’est passé en Asie, sur les bourses et les paires de devises
asiatiques, lire l’actualité économique. Il faut ensuite consulter le calendrier des chiffres
économiques, rechercher les gros flux et les options, regarder les graphes, etc. AVANT de placer un
trade. Souvent, le marché se calme ensuite dans la matinée et il faut attendre la publication des
chiffres économiques américains pour que d’autres opportunités apparaissent.
Dogfinance : Quelles sont les compétences et qualités à avoir pour ce type de profession ?
Philippe LHERMIE : Avec la crise, les employeurs ont la part belle et peuvent se permettre
d’embaucher des jeunes sortis des grandes écoles sans les payer. Concernant la France, c’est
malheureusement encore plus vrai et les gens issus du terrain, comme moi, ont du mal pour décrocher
un emploi de trader dans une salle de marchés. Beaucoup d’employeurs oublient que les qualités
humaines sont parfois plus importantes que de maîtriser à fond les mathématiques financières.
C’est l’erreur qu’avait faite le Matif, lors de la mise en place de la criée en 1986. Des
matheux avaient été embauchés pour passer les ordres sur le floor et petit à petit, les
responsables se sont rendus compte que le serveur du café du coin était bien meilleur. Tout
simplement, parce qu’il fallait des gens ayant une grande capacité à mémoriser de nombreux
ordres très rapidement, tout en étant très réactif. Cela ne servait à rien d’être un
chercheur pour passer des ordres d’achat ou de vente ! Et même si de nos jours, il y a de plus en
plus de programmes de trading, les cotations représentent le résultat de décisions subjectives de
milliards d’individus. La psychologie, l’expérience sont donc indispensables.
Dogfinance : Quelle est la place du Forex au sein des marchés financiers ?
Philippe LHERMIE : C’est, de loin, le plus gros marché au monde. Il s’échange chaque jour, à
Wall Street, 58 milliards de dollars. Sur le Forex, c’est 3 330 milliards en août 2009 d’après
CLS, le système de règlement-livraison. Que ce soit une compagnie qui achète des matières
premières, ou une autre qui exporte ses produits à l’étranger ou bien encore un investisseur
américain qui achète une action du CAC 40, tout le monde passe par le marché des changes, dès
lors qu’il y a une transaction internationale.
Dogfinance : Quels bilans pouvez-vous faire en quelques mots de l’année 2009 concernant les
marchés financiers et l’économie ?
Philippe LHERMIE : La crise a été riche d’enseignement sur les limites du système capitaliste.
Notamment, on a vu la limite des politiques monétaires dirigées par les taux directeurs. Elle a
aussi remodelé le paysage bancaire en diminuant le nombre d’acteurs (plusieurs centaines de
banques locales ont fait faillite aux États-Unis) et malheureusement, en concentrant le pouvoir sur
quelques grosses banques d’affaires. D’aucuns ont assimilé la récession que l’on était en
train de vivre à celle de 1929, sauf qu’ils ont oublié que l’on n’est plus dans le même
monde. Le jeudi 24 octobre 1929, plus de 5 heures après la clôture, les telex saturaient encore,
ils n’arrivaient pas à fournir les cotations de la journée qui venaient de se terminer, si bien
que les gens ne savaient pas à quel cours ils avaient vendu. Aujourd’hui, des milliards
s’échangent d’un bout à l’autre de la planète, en quelques centaines de millisecondes,
d’un clic de souris. Le passé ne se répète pas !
Dogfinance : Que pensez-vous de la tendance actuelle des marchés financiers ? Et quelles sont les
perspectives ?
Philippe LHERMIE : Je ne pense rien de spécial sur la tendance actuelle : investir sur les marchés
n’a jamais été quelque chose de facile, que l’on soit en période de croissance ou en crise.
Être trader implique qu’il faut toujours être en alerte sur ce qu’il se passe dans le monde
pour anticiper au mieux les changements.
Concernant les perspectives, mon expérience m’a montré que le marché est versatile, par
conséquent, j’ai adapté mon style de trading au marché en analysant la situation au jour le
jour. La majorité de mes stratégies durent de quelques minutes à quelques semaines seulement. Il
peut se passer tellement de choses dans le monde (comme un 11 septembre 2001, un tremblement de
terre de Kobé) si bien que faire des prévisions à un an relève de la pure fiction. Pour s’en
convaincre, il suffit de regarder les prévisions des banques : quasiment aucune n’avait prévu la
crise, en tout cas pas Lehman Brothers !