(BFM Bourse) - L'entreprise de services numériques françaises a annoncé ce lundi 7 juillet le rachat pour 3,3 milliards de dollars hors dette de ce groupe américain. L'entreprise entend via ce rachat accélérer sur l'IA agentique dans l'externalisation des processus métiers. Le marché, lui, a un oeil un peu circonspect sur l'opération.
Capgemini sort le chéquier pour soigner son profil de croissance. L'entreprises de services numériques a annoncé ce lundi 7 juillet avoir signé un accord pour racheter la société américaine WNS pour un montant hors dette de 3,3 milliards de dollars, soit environ 2,8 milliards d'euros.
Cette opération survient quelques mois après que Bloomberg a rapporté que Capgemini discutait d'un rachat de ce groupe basé à New York avant de mettre en pause ces échanges en raison de la grande volatilité observée sur les marchés financiers.
Fondée en 1996, WNS est une société spécialisée dans le BPO ("business process outsourcing"), c'est-à-dire l'externalisation des processus métier, comme la gestion de la paie ou le traitement de la comptabilité.
Plus spécifiquement, WNS a largement intégré dans son modèle l'intelligence artificielle dite "agentique", c'est-à-dire les systèmes d'IA conçus pour agir de manière autonome, prendre des décisions et atteindre des objectifs spécifiques.
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L'IA agentique au coeur du projet
Ce point s'avère crucial et a constitué le principal motif du rachat de WNS par Capgemini. Aiman Ezzat, le directeur général de Capgemini, a expliqué aux analystes que le renforcement du groupe dans l'IA agentique était "la raison première" de cette acquisition.
Le dirigeant a rappelé que l'IA et l'IA générative étaient en plein essor. Or les services de BPO constitueront la "vitrine de la création de valeur permises par l'IA agentique et l'IA générative", a-t-il assuré.
Le patron de Capgemini explique avoir observé dans les appels d'offres des douze derniers mois une montée en puissance des exigences des clients en matière d'IA agentique. Ce non seulement pour réduire les coûts mais aussi parvenir à de meilleurs résultats commerciaux, a assuré Aiman Ezzat.
"Dans tout le spectre des services IT (informatiques), l'externalisation des procédés métiers est celui qui est le plus éligible à l'IA pour gérer d'importants problématiques. Dans l'IA agentique, l'agent (l'IA, NDLR) est auto-apprenant et systématise beaucoup de choses. L'IA agentique permet par exemple de détecter un problème sur une voiture et de livrer un diagnostic sur la panne et d'établir différentes hypothèses", explique un analyste.
Le positionnement de WNS lui a permis de générer une croissance de 9% de ses revenus hors changes sur les trois dernières années. Sur son dernier exercice complet, clos fin mars dernier, WNS avait toutefois vu ses revenus reculer de 1,5% à 1,27 milliard de dollars. Cette baisse a été notamment causée par la perte d'un client majeur dans le segment de la santé.
L'entreprise américaine entend renouer avec la croissance sur l'exercice en cours, tablant sur une progression de ses revenus comprise entre 7% et 11%. Sa marge opérationnelle s'était par ailleurs établie à 18,7%, contre 13,3% pour Capgemini.
Un impact positif sur le bénéfice par action
En termes de prix payé, les 4,4 milliards de dollars que versera en cash Capgemini aux actionnaires de WNS représente un montant par titre de 76,5 dollars. Ce qui constitue une prime de 17% par rapport au dernier cours de clôture, de 28% par rapport à la moyenne des cours des derniers 90 jours, et de 29% par rapport au cours du 8 avril, le dernier à ne pas avoir été affecté par les rumeurs de rachat.
Oddo BHF calcule que ce montant valorise les actions de la société américaine 17 fois le résultat opérationnel attendu sur l'exercice clos en 2026 et en excluant les synergies.
En termes de synergies, justement, Capgemini anticipe des synergies de coûts limitées, les deux entreprises étant assez complémentaires. Le groupe français table sur un montant compris entre 50 millions et 70 millions d'euros avant impôts d'ici à la fin 2027.
Ce sont surtout les synergies de revenus sur lesquelles la société compte dégager des gains importants grâce au "cross selling", c'est-à-dire les ventes croisées. Capgemini table sur des revenus additionnels compris entre 100 millions et 140 millions d'euros via l'acquisition de WNS.
In fine, Capgemini s'attend à ce que l'opération soit finalisée d'ici à la fin de 2025. L'entreprise estime que l'ensemble des synergies auront un impact positif de 7% sur son résultat net normalisé (c'est-à-dire retraité) d'ici à 2027.
Risque d'intégration voire de surenchère
Au passage, Capgemini a livré quelques indications sur sa performance du premier semestre. L'entreprise a expliqué que son activité du deuxième trimestre avait été légèrement meilleure que le repli de 0,4% enregistré sur le précédent trimestre. Capgemini s'attend par ailleurs à ce que sa marge opérationnelle soit stable sur un an à 12,4%. Oddo BHF évoque des chiffres "décents" et en ligne avec les attentes.
Enfin le groupe a confirmé ses objectifs pour 2025, à savoir, une variation de ses revenus entre -2% et 2% hors changes, une marge opérationnelle située entre 13,3% et 13,5% et un flux de trésorerie "organique" d'environ 1,9 milliard d'euros.
L'ensemble des annonces livrées par Capgemini ce lundi est accueilli fraîchement par le marché.
L'action chute de 5% en fin de matinée à la Bourse de Paris, accusant le plus fort repli du CAC 40.
"Les investisseurs peuvent tiquer sur le prix, un poil cher, et redouter les risques liés à ce type de grosses acquisitions, comme les risques d'intégration (intégrer correctement les nouvelles équipes aux équipes actuelles, NDLR) ou le risque de surenchère, si une tierce partie fait monter le prix ou tente de faire monter le prix", explique l'analyste précédemment mentionné.
Ce dernier a notamment en tête le dossier Altran, société que Capgemini avait rachetée en 2020. Durant ce feuilleton, le fonds activiste Elliott Capital Management avait tenté de faire monter le prix de rachat proposé par la société, menant alors un dur bras de fer avec la direction de Capgemini.
Oddo BHF, pour sa part, évoque un "deal intéressant sur le papier" et "attrayant" mais "qui soulève des questions". "Le fait que Capgemini décide d'augmenter son exposition au marché du BPS (business process services, les services de gestion des métiers, comme le BPO, NDLR) alors que l'IA générative et l'IA agentique ont le vent en poupe pourrait inquiéter le marché qui craint une pression tarifaire sur ce type d'activité avec l'automatisation des processus", explique le courtier.
"Heureusement, WNS n'est pas ou peu exposé au marché du BPO commercial, marché sur lequel les investisseurs concentrent leurs inquiétudes à ce stade", nuance toutefois Oddo BHF.
"Le management de Capgemini est sur le terrain tous les jours, ce qui lui permet d'identifier le potentiel du segment BPS à l'ère de l'IA. Le groupe était peu exposé à ce segment et n'avait donc aucune pression pour se renforcer dans cette activité, au-delà de la saisie d'une opportunité de croissance. Nous avons donc des raisons de leur faire confiance à ce stade", poursuit le bureau d'études.
Invest Securities estime de son côté que la relance de la dynamique de croissance de WNS constitue "un défi" après la perte du gros client dans le secteur de la santé, lors du précédent exercice, mais aussi "le fort ralentissement du secteur aérien (qui représente 17% du chiffre d'affaires)".
Le directeur général de WMS, Keshav Murugesh, a toutefois assuré lors de la conférence téléphonique tenue ce lundi, qu'il était "confiant" dans la capacité de sa société à dégager une croissance de plus de 10% après son intégration au sein de Capgemini.
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