(BFM Bourse) - Le département américain de la Justice a indiqué dans un document envisager de demander la scission par Google de certaines de ses activités. Même si le chemin cette solution radicale reste long, une telle décision serait historique pour une "big tech".
Véritable conglomérat technologique moderne, Google et sa maison-mère Alphabet vont-ils bientôt être fracturés en plusieurs morceaux? Cette idée flotte un peu dans l'air depuis quelques années, mais elle n'avait jamais été très prise au sérieux.
La donne a toutefois un peu changé depuis août. Un juge d'un tribunal du district de Columbia aux Etats-Unis a alors donné raison au département américain de la Justice (DoJ) face au géant de la tech dans le cadre du dossier dit "U.S vs Google". Depuis 2020, les autorités américaines reprochent à Google d'avoir violer la législation américaine en matière de monopole (le Sherman antitrust act de 1890.
Le 8 août, le juge Amit Mehta du tribunal de Columbia a rejoint le constat du département américain de la Justice, jugeant que la société américaine exerçait un "pouvoir de monopole" dans la recherche en ligne et la publicité en ligne. Ce qui avait d'ailleurs permis de constater que Google avait versé des sommes astronomiques (26,3 milliards de dollars en 2021 dont 20 milliards versés à Apple) à des sociétés pour que Chrome soit le navigateur par défaut sur leurs appareils (ordinateurs, téléphones).
A la suite de cette décision, des "remèdes", c'est-à-dire des concessions, doivent être trouvés pour que cette situation de monopole soit bouleversée.
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Google sous pression
Or dans un document d'une trentaine de pages transmis au juge Amit Mehta, le DoJ a évoqué des pistes préliminaires pour ces "remèdes". Dont une solution radicale: contraindre Google à abandonner (et donc vendre) certains services, comme son navigateur Chrome ou son système d'exploitation Android.
"Les plaignants envisagent des mesures correctives comportementales et structurelles qui empêcheraient Google d'utiliser des produits tels que Chrome, Play et Android pour avantager la recherche Google et les produits et fonctionnalités liés à la recherche Google - y compris les nouveaux points d'accès à la recherche et les nouvelles fonctionnalités, telles que l'intelligence artificielle - par rapport à ses rivaux ou aux nouveaux entrants", peut-on lire dans ce document mis en ligne par The Verge.
À Wall Street, le marché s'inquiète sans paniquer pour autant. L'action Alphabet abandonne 1,4% en préouverture ce mercredi. Il n'en reste pas moins que "Google est sous pression alors que le DoJ a déclaré cette nuit que l'entreprise pourrait être forcée à être démantelée dans le cadre de l'affaire antitrust qui se poursuit autour de son monopole sur la recherche en ligne", juge Deutsche Bank.
La route vers une solution si radicale s'avère toutefois longue, et d'autres "remèdes" sont envisagés par le DoJ comme des mesures limitant ou interdisant l'installation par défaut de Chrome.
Le DoJ s'inquiète, en effet, surtout de la mainmise que Google a sur les canaux de distribution de la recherche en ligne, via ces accords de pré-installation. Une autre solution serait de contraindre Google à "soutenir des campagnes d'éducation et de sensibilisation visant à améliorer la capacité des utilisateurs à choisir le moteur de recherche général qui leur convient le mieux", explique le DoJ.
Dans une réponse publiée sur le blog de Google, Lee-Anne Mulholland, en charge des affaires de régulation dans l'entreprise, écrit que les remèdes évoqués "vont bien au-delà des questions juridiques spécifiques à cette affaire".
Le précédent cas Microsoft
"Cette affaire concerne un ensemble de contrats de distribution de recherche. Plutôt que de se concentrer sur ce point, le gouvernement semble poursuivre un vaste programme qui aura un impact sur de nombreux secteurs et produits, avec des conséquences imprévues importantes pour les consommateurs, les entreprises et la compétitivité américaine", développe-t-elle.
En particulier, la juriste affirme que séparer Chrome et ou Android de Google "les briserait - et bien d'autres choses encore". "Il ne faut pas s'y tromper: les séparer modifierait leurs modèles commerciaux, augmenterait le coût des appareils et affaiblirait Android et Google Play dans la concurrence acharnée qu'ils livrent à l'iPhone et à l'App Store d'Apple", affirme la dirigeante.
En août, Dan Ives, analyste chez Wedbush, jugeait qu'une scission d'Alphabet restait une possibilité. Mais pas la plus probable. "Nous pensons que cela serait exagéré et que Google ferait manifestement faire appel de ces décisions, qui resteraient dans le système judiciaire pendant des années", expliquait-il.
"Nous continuons de penser qu'une rupture des modèles d'entreprise des Big Tech est très peu probable à l'avenir, même si les ajustements des modèles d'entreprise et un examen plus approfondi des fusions et acquisitions seront au premier plan", ajoutait-il.
Une scission constituerait une décision historique dans l'histoire américaine, puisqu'aucun géant de la tech actuel n'a subi un démantèlement. Contrairement à l'un des exemples les plus célèbres de l'Histoire, celui de la Standard Oil de John Rockfeller, dissolue en 1911 (ce qui donnera notamment naissance à Chevron et Exxon).
En 2000, les Etats-Unis avaient tenté de scinder Microsoft, à une époque où Windows était ultra-dominant. Mais cette offensive lancée sous Bill Clinton fut abandonnée en 2001 par l'administration Bush.
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