(BFM Bourse) - Le président américain élu revient ce lundi 20 janvier. Contrairement aux autres présidents américains, Donald Trump aime à loisir se réjouir de la hausse des marchés et lier leurs bonnes performances à son action politique. Il est moins prolixe lorsque Wall Street est en petite forme.
Donald Trump fait son grand retour à Washington, ce lundi 20 janvier. Le républicain va pouvoir s'adonner à un exercice qu'il a particulièrement affectionné au cours de son premier mandat : commenter la Bourse depuis la Maison-Blanche.
La tradition veut que les présidents américains se gardent de discuter publiquement des marchés financiers et encore moins de lier leurs évolutions à leurs actions. Ce n'est d'ailleurs pas propre aux États-Unis. En France, en mars 2020, la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher avait essuyé de nombreuses critiques pour avoir estimé qu'avec la chute des marchés due au coronavirus, il était temps de "faire de bonnes affaires en Bourse".
Donald Trump n'a pas beaucoup d'égards pour cette forme de réserve politique. "La sagesse politique conventionnelle voulait que les présidents ne fassent pas de commentaires sur les marchés financiers. Puis Donald Trump est arrivé et le Twitter financier n'a plus jamais été le même", remarquait Bloomberg, en octobre 2018.
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"Chef pom-pom de Wall Street"
Le républicain a, en effet, eu recours à Twitter (désormais appelé X) de façon frénétique au cours de son premier mandat et notamment pour s'exprimer sur Wall Street. CNBC remarquait que dès la première année, soit de janvier 2017 à février 2018, Donald Trump avait posté pas moins de 60 messages sur la Bourse, le média américain le qualifiant alors de "pom-pom boy en chef de Wall Street".
Sans surprise, Donald Trump liait explicitement la performance des marchés financiers à son action politique. "Le marché est au plus haut qu'il n'a jamais été, il a pris quasiment 20% depuis que je suis en poste", déclarait-il au New York Times à l'été 2017. "Le marché boursier a été l'un des indicateurs préférés du président Donald Trump pour mesurer l'état de la nation", résumait CNN en janvier 2021.
Le président se montrait beaucoup moins disert lorsque Wall Street souffrait. Bloomberg remarquait, en décembre 2018, que Donald Trump n'avait plus posté de commentaire sur les marchés financiers sur Twitter depuis un mois. Ce alors que Wall Street traversait un trou d'air, en raison notamment de la guerre commerciale sino-américaine.
Lorsque la pandémie éclate, fin février 2020, Donald Trump assure sur Twitter que le coronavirus est sous contrôle aux États-Unis, que la CDC (le centre pour le contrôle et la prévention des maladies) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) "travaill(aient) bien" et que…. "La Bourse commen(çait) à me paraître très bien".
Une performance à relativiser sous son premier mandat
Dans l'un de ses derniers tweets avant d'être bannis de Twitter en janvier 2021 (il reviendra sur X à l'été 2023), le dirigeant politique se félicitait d'avoir fini l'année 2020 "avec un marché boursier au plus haut de son histoire". "J'ai établi des records pour votre 401(k) (le plan d'épargne retraite par capitalisation très populaire chez les Américains, NDLR), comme j'ai dit que je le ferai", ajoutait-il, alors qu'il s'apprêtait à quitter la Maison-Blanche.
Même dans son discours d'au revoir, le 20 janvier 2021, Donald Trump soulignait qu'"aujourd'hui, le marché boursier (était) nettement plus élevé qu'il ne l'était à son pic avant la pandémie".
Certes, sur l'ensemble du premier mandat de Donald Trump, le S&P 500 a progressé de 67,8% traduisant une performance moyenne de 13,8% par an.
Mais cette bonne performance doit être contextualisée. "Ça s'est bien passé pour les Bourses sous Donald Trump, c'est indiscutable. Mais en réalité, à l'exception de Bush qui a commencé avec la crise de 2000 pour finir avec celle de 2008, que vous preniez Obama ou Biden, ces mandats ont connu de très gros cycles boursiers. Il n'y a pas eu de grandes différences avec Trump. Rien ne montre que ce fut mieux que ce qu'il y a eu avant ou après", expliquait sur BFM Bourse Thibault Prebay, directeur général adjoint de la Financière Arbevel, la semaine dernière.
Au cours du premier mandat de Barack Obama, le S&P 500 avait pris 85%, rappelle CNN. Pour le premier mandat de Bill Clinton, l'indice avait grimpé de 79%. Ce qui tend à conclure que le cycle des marchés est en réalité assez déconnecté des cycles politiques.
Des tweets qui ont peu d'effet
Quant aux nombreuses déclarations de Donald Trump sur Twitter, elles ont fait l'objet d'une littérature assez abondante, plusieurs études tentant de décortiquer leur impact. Mais leurs conclusions vont souvent dans le même sens: ses sorties n'ont pas eu de répercussions durables sur la Bourse.
C'est la conclusion d'une étude du Leibniz Institute for Financial Research SAFE qui soulignait que son activité sur Twitter "n'a surtout eu aucun impact sur les marchés financiers". "Les messages de Donald Trump sur Twitter ont surtout été des réactions à des tendances préexistantes sur les marchés financiers", expliquait Zorka Simon, l'un des auteurs de cette étude.
"Nous constatons que les tweets entraînent une augmentation des échanges, mais n'ont pas d'effets durables sur les prix des actions (…) les tweets de Donald Trump ne fournissent pas de nouvelles informations, mais sont plutôt des commentaires sur des événements qui se sont produits, et qui ont déjà attiré l'attention des investisseurs, avant le tweet", concluait de la même façon une étude de 2021 de professeurs à l'Université de Graz (Autriche) et l'Université de Mannheim (Allemagne).
Au-delà de son premier mandat, Donald Trump a encore évoqué la bonne santé des marchés financiers durant la dernière campagne présidentielle. Lors d'un meeting en décembre 2023, il raconte qu'un analyste "de génie" avait assuré que si Wall Street allait si bien, c'était parce que les marchés "pensent que Trump va gagner l'élection". Une analyse pour le moins discutable, les indices américains ayant surtout été portés par les bonnes performances des groupes de tech et l'essor de l'intelligence artificielle.
Il répétera encore ce constat à de multiples reprises. En février 2024, il assure à Fox News que tout va mal, mais que le marché monte "parce qu'il est convaincu que je vais être élu". Idem en septembre dernier. Cette fois, Donald Trump s'exprime depuis Palos Verdes en Californie. Le candidat républicain affirme que l'investisseur Scott Bessent (qui est désormais son secrétaire au Trésor) lui a dit que le marché "est en hausse uniquement parce qu'ils pensent tous que Trump va être élu".
Il est vrai que les opérateurs de marché percevaient le programme de Donald Trump comme plus favorable à Wall Street que celui de la démocrate Kamala Harris. Et que sa victoire a été bien accueillie par Wall Street, le S&P 500 prenant 2,5% le 6 novembre, jour où il a officiellement remporté l'élection.
Les incertitudes autour de sa politique économique, notamment sur les droits de douanes, demeurent toutefois une importante inconnue pour Wall Street. Oddo BHF qualifie même Trump de "méga-inconnue" économique. Si ses intentions sont claires, la mise en œuvre de sa politique l'est beaucoup moins, remarque le courtier.
"Comme lors de sa première mandature, il faut de nouveau se préparer à des commentaires parfois très déstabilisants. Les marchés ne resteront pas intacts face à ces commentaires qui créent de la volatilité", redoutait de son côté Sebastian Paris Horvitz de LBPAM, la semaine dernière.