(BFM Bourse) - Le fabricant de vélos d'appartement connectés, vedette boursière à la faveur des confinements de l'année 2020, a perdu jusqu'à 80% de sa valeur avec la levée des restrictions et une série de coups durs contrariant ses activités promotionnelles. Considérant que Peloton a gâché une incroyable opportunité, le fonds activiste Blackwells demande le départ du PDG et fondateur John Foley.
Ce fut l'un des principaux gagnants de la pandémie en Bourse : entre le point bas des marchés en mars 2020 et début 2021, la cote de Peloton Interactive a augmenté de plus de 860% sur le Nasdaq américain. Fondé en 2012, avec un début via le site de crowdfunding Kickstarter l'année suivante, la firme a vu ses ventes significativement progresser pendant la première année de la pandémie de Covid-19. Devant les fortes restrictions aux possibilités de sport en extérieur et a fortiori en salles, les consommateurs se sont en effet tournés vers les appareils d'entraînement de Peloton, notamment ses vélos d'appartement mais également ses tapis de course. Mais les difficultés de production et les retards de livraison ont entraîné nombre d'annulations, obligeant le groupe à investir 100 millions de dollars pour tenter de réduire les délais.
Le groupe a ensuite dû reconnaître un ralentissement des ventes plus marqué qu'attendu l'obligeait à significativement réduire ses prévisions de chiffre d'affaires pour 2021.
Peloton s'est également trouvé sous le feu de moqueries en décembre après un épisode de "Sex and the city" mettant en scène la mort d'un personnage après une séance de vélo peloton - l'entreprise a ensuite tenté de prendre le contre-pied par une campagne publicitaire reposant sur l'acteur incarnant le personnage en question... Mais a dû y renoncer alors que l'acteur a été entretemps accusé d'agressions sexuelles (l'épisode a été mis en abyme dans une autre série, Billions).
Se présentant comme un actionnaire "significatif" de Peloton, le directeur des investissements de Blackwells Capital, Jason Aintabi, a choisi d'exprimer publiquement lundi ses "graves préoccupations" vis-à-vis de la performance de l'entreprise, et des "échecs" de sa direction.
"Nous pensons que la pandémie a offert à Peloton une opportunité formidable et inattendue d'accélérer l'adoption par les consommateurs de ses produits chefs de file et de stimuler les performances de l'entreprise et la création de valeur pour ses actionnaires. L'action se négociant désormais en dessous du prix de l'introduction en bourse et en baisse de plus de 80% par rapport à son sommet, il est clair que la société, les dirigeants et le conseil d'administration ont gaspillé cette opportunité", affirme le fonds.
Pour Blackwells, il est particulièrement remarquable que la société se trouve aujourd'hui "dans une situation pire aujourd'hui qu'elle ne l'était avant la pandémie, avec des coûts fixes élevés, des stocks excessifs, une stratégie apathique, des employés découragés et des milliers d'actionnaires mécontents". Le cours de Peloton a fait moins bien sur les douze derniers mois que la totalité des autres valeurs composant le Nasdaq 100. "M. Foley devrait être immédiatement démis de ses fonctions de PDG", note le fonds.
S'adressant aux personnes siégeant au conseil d'administration, le gérant poursuit : "Nous comprenons sans aucun doute que M. Foley considère Peloton comme "sa" société et vous, les administrateurs, comme "son" conseil d'administration. Il exerce une influence et dispose de droits de vote démesurés en raison de son statut de fondateur. Peut-être que certains d'entre vous – amis de M. Foley depuis de nombreuses années – se sentent obligés de faire ce qu'il veut. Mais la loi et le marché attendent davantage. Vous n'êtes pas ici pour préserver la dignité ou la fierté de M. Foley. Votre rôle, en tant qu'administrateurs, n'est pas de le protéger de l'embarras ou de le soustraire au blâme. Au contraire, vous êtes chargé de superviser la direction et de vous assurer que ce soit le meilleur dirigeant possible qui soit à la tête de l'entreprise".
Blackwells accuse John Foley d'avoir trompé les investisseurs en affirmant que la société n'avait pas besoin de capital supplémentaire, quelques semaines seulement avant une augmentation de capital de 1 milliard de dollars. Le fonds tance aussi les hésitations sur la stratégie de tarification, conduisant à la confusion des consommateurs, du marché et des analystes, les revirements sur la feuille de route des déploiements que le fondateur avait pourtant lui-même fixée au départ, ainsi qu'une trop grande lenteur à collaborer avec la Consumer Product Safety Commission malgré la vente d'un produit qui a blessé au moins 29 enfants.
Le fonds note aussi les importants investissements consentis pour accroître les capacités de fabrication - avant de stopper la fabrication de plusieurs produits pendant plusieurs mois, un contrôle financier insuffisant aux yeux de l'auditeur, qui a dû émettre une réserve, et la signature d'un bail sur 20 ans pour un vaste bureau à New York, le bureau et le marché du travail le plus cher du pays, "apparemment parce qu'il aime y vivre et possède une maison de vacances récemment acquise de 55 millions de dollars à proximité".
Car, pendant que les actionnaires ont collectivement perdu près de 40 milliards de dollars sur le titre, John Foley en revanche a" vendu des actions régulièrement et à plusieurs reprises, empochant plus de 115 millions de dollars", poursuit le directeur des investissements de Blackwells.
"Aucun conseil d'administration ne pourrait, sur la base d'un jugement raisonnable, laisser M. Foley en charge de Peloton", conclut le fonds, qui pense que la meilleure option est de mettre la société en vente. Peloton dispose encore d'une base de clients importante et fidèle, des employés qualifiés, une technologie et des contenus brillants. Par lui-même toutefois, Peloton ne sera malgré tout pas en mesure de saisir pleinement les opportunités que ses actifs et sa marque lui offriraient, surtout maintenant avec un bilan financier sous pression". En revanche, la firme constitue une cible intéressante pour un grand nombre d'entreprises des secteurs des nouvelles technologies, du streaming, du métavers ou du sport -Blackwells cite Apple, Disney, Sony ou encore Nike- qui trouveraient ainsi un relais pour s'installer au domicile des consommateurs, autour de leur santé ou via leurs écrans.