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La mise en cause du vapotage fait capoter le remariage entre Philip Morris et Altria

mercredi 25 septembre 2019 à 17h20
L'alerte sanitaire lancée sur la cigarette électronique plombe Altria

(BFM Bourse) - Les financiers avaient échafaudé un scénario selon lequel Philip Morris fusionnerait avec Altria pour mieux assurer le déploiement international de JUUL. Mais cette alternative à la cigarette suscite actuellement une levée de boucliers, car sa réputation de moindre dangerosité attirerait des non-fumeurs, y compris mineurs. Le patron de JUUL est démis de ses fonctions et le projet de remariage est abandonné.

Séparés en 2008, Philip Morris International (PMI, le distributeur de Marlboro à l'international) et Altria (qui détient les droits de la célèbre marque de cigarette aux Etats-Unis) ne vont finalement pas de nouveau convoler en justes noces. Chacune des deux entreprises, issues d'un conglomérat qui a également donné naissance à Kraft Foods, a publié un communiqué annonçant la fin des discussions qui avaient été révélées fin août.

L'abandon du projet profite au plus rentable des deux, Philip Morris International

Dans la foulée, le titre PMI décollait de 5,7% à 75,66 dollars en début de séance à Wall Street, tandis qu'Altria restait pratiquement stable à 40,83 dollars. Rappelons que l'annonce de l'éventuel remariage avait provoqué un mouvement quasi inverse d'achat sur Altria et de vente sur Philip Morris International, les investisseurs anticipant alors qu'un rapprochement dégraderait mécaniquement la rentabilité de PMI (générant des marges plus importantes), tandis qu'au contraire Altria aurait vu les siennes s'améliorer.

"Bien que nous pensions que la création d’une nouvelle entité fusionnée pouvait potentiellement créer des synergies de revenus et de coûts supplémentaires, nous n’avons pas pu parvenir à un accord", a déclaré Howard Willard, président du conseil d’administration d’Altria.

Les deux entreprises réduisent leur domaine de collaboration à IQOS, aux perspectives douteuses

"Après maintes délibérations, les entreprises sont tombées d'accord pour se concentrer sur le lancement d'IQOS aux Etats-Unis", a déclaré de son côté André Calantzopoulos, le directeur général de PMI.

IQOS (I-Quit-Ordinary-Smoking) est un produit à base de tabac, mais où les brins de tabac sont chauffés mais pas brûlés, ne dégageant donc pas de fumée. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une cigarette électronique (vapoteuse) et le potentiel de marché apparaît très réduit. Si tant est qu'il existe un marché pour les cigarettes sans combustion, lesquelles ne semblent pas moins nocives pour les poumons et les artères que la cigarette classique, selon une étude publiée l'an dernier dans la revue médicale de référence Tobacco Control. Dit autrement, Altria et PMI ne semblent plus décidés à collaborer que sur un projet qui pourrait ne pas aller bien loin, dans un contexte où le grand public a appris à se défier des affirmations rassurantes des "Big Tobacco" quant à l'innocuité de leurs produits.

La cigarette électronique elle aussi de plus en plus décriée

Une méfiance qui semble désormais rattraper l'univers de la "vape". Apparue à la fin des années 2000, la cigarette électronique, e-cigarette ou vapoteuse comme on voudra l'appeler, a connu un essor considérable ces dernières années. Aux Etats-Unis, selon la National Health Interview Survey, 3,2% de la population adulte serait adepte de la cigarette électronique. En France, réputé troisième marché au monde après les USA et le Royaume-Uni, 2,7% des Français se déclaraient consommateur régulier selon un sondage de l’INVS (institut de veille sanitaire) en 2017. Selon Xerfi, 8 millions d'actuels fumeurs pourraient devenir vapoteurs d'ici 2020, contre 1,8 million actuellement.

Mais les avertissements de la part des sociétés savantes et des autorités sanitaires se multiplient ces derniers mois. Ainsi, une étude démontre que le vapotage accroît le risque de cancers et de maladies cardio-vasculaires. Selon l'OMS, les cigarettes électroniques sont elles aussi "incontestablement nocives".

Un problème de proportions épidémiques aux Etats-Unis

Depuis juillet dernier, les hôpitaux américains semblent faire face à un afflux de jeunes patients souffrant de problèmes pulmonaires, et plusieurs municipalités ont pris des mesures d'interdiction notamment de produits aromatisés. De façon préoccupante, les adeptes de la cigarette électronique se recrutent surtout parmi les jeunes gens, y compris des mineurs, ce qui ne fait évidemment qu'accroître l'inquiétude des autorités.

Or, face à l'inéluctable déclin de la consommation de tabac aux Etats-Unis, le fabricant américain JUUL Labs apparaissait jusqu'alors comme un relais de croissance pour Altria. Et pour assurer le déploiement du produit à l'international, quoi de mieux que de s'appuyer sur le réseau mondial de PMI, issu de la même structure à l'origine et s'adressant au même type de détaillants ? D'où l'idée d'une réunion des deux entreprises.

Mais les inquiétudes grandissantes vis-à-vis de la dangerosité du vapotage à long terme, faisant notamment planer le risque d'une nouvelle vague de procès, après les multiples condamnations à l'encontre des cigarettiers depuis les années 1990.

De fait, même le directeur général de JUUL Kevin Burns, invité de l'émission CBS This Morning fin août, s'est révélé en grande difficulté pour défendre son produit.

Le patron de JUUL incapable de défendre la cigarette électronique

Pour le dirigeant, JUUL contribue indéniablement au déclin du taux de fumeurs aux Etats-Unis (qui diminue actuellement à un rythme trois fois supérieur au déclin historique) - la capacité des cigarettes électroniques à aider au sevrage des fumeurs est en effet le seul point positif reconnu par les autorités. Et JUUL espère encore prouver à l'autorité sanitaire américaine (FDA) que, l'un dans l'autre, l'impact global de JUUL est positif pour la santé publique (en termes de diminution globale de la tabagie). Mais dans cette émission, invité à commenter le fait que les effets à long terme ne sont pas connus, il n'a pu répondre que "C'est exact. C'est une affirmation exacte."

Kevin Burns avait aussi reconnu que le fait d'avoir bénéficié des milliards de dollars apportés par le géant du tabac ne plaidait pas en sa faveur dans l'esprit des scientifiques. "Certainement, dans la communauté scientifique médicale, cela a été le cas [affecter la crédibilité des arguments de JUUL sur le plan sanitaire]". L'an dernier, Altria a en effet consenti un investissement de 12,8 milliards de dollars pour 35% du capital de JUUL Labs.

De plus en plus empêtré au fil de l'interview, le dirigeant avait aussi dû lancer un appel aux non-fumeurs : "Ne vapotez pas. N'utilisez pas JUUL. Ne commencez pas à recourir à la nicotine si vous n'en consommiez pas auparavant. N'utilisez pas le produit, vous n'êtes pas le client que nous visons".

Avec à ce stade 7 décès et plus de 500 hospitalisations attribuées au vapotage, la montée du scandale amène les autorités à dénoncer un problème de santé "de dimensions épidémiques". La crise naissante vient donc de coûter son poste à Kevin Burns: Altria a annoncé son remplacement à effet immédiat par K.C. Crosthwaite, jusqu'ici responsable du business développement du cigarettier. Et sans nul doute, fait échouer le remariage avec Philip Morris International.

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