(BFM Bourse) - Les espoirs de propriétés supraconductrices autour de ce matériau ont entraîné l'envolée en Bourse de certains groupes coréens. Mais à mesure que le doute scientifique s'est installé sur cette trouvaille, leurs cours se sont dégonflés.
Les marchés financiers connaissent parfois des mirages, qui suscitent un enthousiasme éphémère et qui retombe presqu'aussi vite qu'il est arrivé, le temps pour les investisseurs d'être ramenés à la réalité. L'engouement autour de la viande végétale et le parcours boursier de Beyond Meat (-90% sur trois ans à Wall Street) peut constituer un de ces exemples.
Une nouvelle météorite a fait son apparition, avec la frénésie boursière autour du LK-99, sur lequel les espoirs ont été néanmoins très vite douchés.
En juillet, une équipe de chercheurs coréens publie un pré-rapport, qui n'a pas fait l'objet d'examens par des pairs scientifiques ni d'une publication dans une revue. Selon leurs travaux, le LK-99, un alliage composé de plomb et d'apatite, un minéral rare et précieux, aurait atteint la supraconductivité à air ambiant et à une pression atmosphérique standard.
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Ce qui, sur le papier, constituerait une avancée considérable. La supraconductivité consiste tout simplement pour un matériau à conduire parfaitement l'électricité et donc à la transmettre sans perte d'énergie.
"Comme le rappelle le CEA (le commissariat à l'énergie atomique), traduit par des propriétés électriques, magnétiques et quantiques spécifiques, le phénomène de la supraconductivité apparaît lorsque l’on refroidit certains métaux ou alliages à très basses températures, proches du zéro absolu, 0 kelvin soit - 273,15 °C", note John Plassard de Mirabaud.
A air ambiant ce phénomène n'existe pas jusqu'à présent, le cuivre, par exemple, accusant une déperdition d'énergie.
Des groupes coréens propulsés
Le LK-99 pourrait donc susciter d'importantes promesses en matière d'efficacité et d'économies d'énergie, en limitant les gaz à effets de serre, avec de nombreuses applications.
L'étude coréenne a de facto catalysé les cours de plusieurs sociétés concernées de près ou de loin par la supraconductivité, et pour la plupart des sociétés coréennes peu connues du grand public, comme le note le Wall Street Journal.
Cela a été le cas, par exemple, de Sunam, entreprise qui fabrique des câbles à haute température et des électro-aimants utilisés dans les supraconducteurs. Son cours de Bourse a été multiplié par environ 3,5 entre le 25 juillet et le 7 août. Duksung, qui produit des matériaux et des équipements liés aux semi-conducteurs et aux supra-conducteurs, a sur la même période vu son action être multipliée par plus de trois.
Autre exemple: Mobiis, société présente dans les réacteurs à fusion et les accélérateurs de particules, a vu son cours doubler. Au-delà de la Corée du Sud, American Superconductor, qui comme son nom l'indique est spécialisé dans l'électronique de puissance et les systèmes supraconducteurs, a, sur le Nasdaq, vu son cours doubler, passant de 7,5 dollar le 27 juillet à plus de 16 dollar le 1er août.
Mais le marché s'est emballé un peu vite. "Comme tous les rapports précédents faisant état de tels 'objets supraconducteurs non identifiés', les résultats de l'équipe coréenne seront 'pris au sérieux lorsque d'autres groupes les reproduiront et se prononceront sur la question de savoir s'il s'agit d'un véritable supraconducteur'", a déclaré au Wall Street Journal, Michael Norman, physicien spécialiste de la matière condensée au laboratoire national d'Argonne du ministère américain de l'Energie.
Des doutes scientifiques importants
Et sur ce point le bât blesse et pas qu'un peu. Comme le soulignent nos collègues de BFM Tech, de nombreux groupes de scientifiques ne sont pas parvenus à reproduire avec succès les trouvailles des chercheurs coréens.
La revue Science avait mis en lumière des doutes sur leur méthodologie. Début août, le Centre de recherche sur la physique de la matière condensée de l'université du Maryland, concluait de son côté, dans une série de posts sur X (ex-Twitter) que "le LK-99 n'(était) pas un supraconducteur, même à température ambiante (ou à très basse température). "C'est un matériau de mauvaise qualité [...]. Inutile de se battre avec la vérité. Les données ont parlé", ajoutait ce centre, qui rapportait alors des résultats peu concluants par des chercheurs en Chine et en Inde.
La semaine dernière, le site de la célèbre revue scientifique Nature, était également affirmatif: le "LK-99 n'est pas un supraconducteur". Selon lui, des scientifiques ont conclu que la présence d'impureté dans le matériau, telles que des sulfures de cuivre, a pu provoquer une chute de la résistance électrique et l'apparition de propriétés magnétiques similaires à celle des supraconducteurs.
En Bourse, depuis début août, les valeurs qui s'étaient envolées autour des espoirs sur le LK-99 ont vu leur cours se dégonfler. Sunam a depuis le 7 août vu son cours être divisé par environ 2,5, une division qui s'inscrit par près de 2 pour Duksung. Et il en est de même pour American Superconductor, dont l'action est passée de 16 dollars le 1er août à 8,65 dollars à l'heure actuelle.
"La validité du LK-99 fait l'objet d'un grand scepticisme, ce qui est compréhensible", juge UBS. Toutefois "la recherche sur les supraconducteurs à température ambiante est très active et il est possible qu''un tel matériau puisse être synthétisé à l'avenir", ajoute la banque suisse.
"Il est important de noter qu'un 'nouveau matériau' découvert en laboratoire peut prendre plus de 20 ans avant d'être intégré dans l'industrie, et que plusieurs autres facteurs, tels que le coût et la durée de vie du matériau, tels que le coût et les propriétés des matériaux (malléabilité), peuvent jouer un rôle dans les cas d'utilisation/adoption finaux", nuance-t-elle.
Toutes les fièvres boursières ne se valent pas. Si celle autour du LK-99 a donc fait "pschitt", on n'en dira pas autant de l'intelligence artificielle générative, au cœur de ChatGPT et qui a alimenté la hausse de certains titres comme celui de Nvidia. Mais cette technologie possède à l'heure actuelle des applications qui s'avèrent bien plus concrète que les hypothétiques matériaux supraconducteurs.