(BFM Bourse) - Le spécialiste des services de vidéos à la demande chute à la Bourse de New York après avoir vu ses résultats être lestés par un contentieux au Brésil. Ce qui ne risque pas d'apaiser les inquiétudes entourant la valeur.
Fort d'une hausse de son titre de 1.175% en dix ans, Netflix nourrit de grandes ambitions en Bourse. En avril, des indiscrétions du Wall Street Journal avaient révélé que la direction du groupe comptait parvenir à une capitalisation boursière de 1.000 milliards de dollars d'ici à 2030 (contre 527 milliards à l'heure actuelle).
Depuis cette fuite, Netflix a du mal à accélérer. Certes l'action s'adjuge 40% en 2025, mais le titre perd du terrain depuis fin juin, date à laquelle le spécialiste des services à la demande a atteint son zénith boursier.
Certes, Netflix continue d'attirer les internautes, comme en témoigne le succès de "KPop Demon Hunters" qui, avec 325 millions de vues, est devenu le film Netflix le plus visionné de tous les temps, en août, explosant le précédent record du (mauvais) long-métrage d'action "Red Notice" (231 millions de vues).
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
Paramount Skydance et OpenAI inquiètent
Mais des ombres planent. Bank of America expliquait, dans une récente note, que des "menaces concurrentielles" ont pu expliquer la récente sous-performance du titre. La banque citait l'actuelle consolidation du secteur des médias avec le risque de voir Paramount Skydance (dirigé par David Ellison, fils de Larry Ellison, deuxième homme le plus riche au monde) racheter Warner Bros Discovery (WBD).
Ce dernier a d'ailleurs déclaré, mardi, étudier l'ensemble de ses "alternatives pour maximiser la valeur de ses actionnaires", après avoir reçu une série d'offres non sollicitées de la part d'autres entreprises. En clair: la société est ouverte à une cession de toute ou partie de son activité.
Si Netflix domine le marché du streaming, Paramount Skydance, avec Paramount+, et WBD, avec HBO Max ou Discovery+, possèdent leurs propres services. Un rapprochement rendrait leur offre combinée plus compétitive. "Une éventuelle fusion entre Paramount Skydance et WBD donnerait naissance à un concurrent important et bien capitalisé dans le domaine du streaming", prévient Bank of America, qui souligne toutefois qu'une telle opération demeure incertaine.
Autre épée de Damoclès: OpenAI. Bank of America juge que les grands acteurs de l'intelligence artificielle risquent de taper à la porte de l'activité de Netflix. L'établissement a plus particulièrement en tête le modèle de génération de vidéos d'OpenAI, Sora.
"Dans un contexte marqué par des inquiétudes persistantes concernant le ralentissement des tendances en matière d'engagement, l'introduction de nouveaux formats vidéo et l'arrivée d'un concurrent susceptible de déployer des dépenses importantes en matière de contenu pourraient aggraver les vents contraires" auxquels fait face l'entreprise, signale Bank of America.
"Même les contes de fées ont des obligations fiscales"
C'est dans ce contexte que Netflix a dévoilé mardi soir ses résultats du troisième trimestre. La publication n'a pas vraiment apaisé le marché, au contraire. Dans les échanges de préouverture à Wall Street ce mercredi, l'action plonge de 7,8%.
Sur la période allant de juillet à fin septembre, Netflix a dégagé des revenus de 11,51 milliards de dollars, en croissance de 17,2% sur un an, en ligne avec le consensus (la prévision moyenne des analystes) Visible Alpha, logé à 11,53 milliards de dollars.
A contrario, aussi bien le résultat opérationnel, à 3,43 milliards de dollars, que le bénéfice par action, de 5,87 dollars, ont déçu. Le consensus attendait des chiffres de respectivement 3,6 milliards de dollars et de 6,92 dollars par action.
Ce "raté" s'explique par un élément non lié à l'activité opérationnelle. Netflix a indiqué avoir passé dans ses comptes une dépense de 619 millions de dollars liée à un contentieux avec l'administration fiscale brésilienne.
Cet élément exceptionnel a grevé la marge opérationnelle de cinq points de pourcentage (28,2% au lieu de 33,2% au troisième trimestre). Le groupe estime que ce dossier n'aura plus d'impact significatif sur ses résultats à l'avenir.
La société avait précédemment identifié ce risque dans des rapports remis aux autorités boursières mais ne l'avait jamais mis en avant et ne l'avait en conséquence pas intégré dans ses prévisions.
Netflix découvre que "même les contes de fées ont des obligations fiscales", cingle Stephen Innes de Spi AM.
Morningstar, de son côté, juge que cet impair brésilien "soulève des questions".
Et si Netflix avalait Warner?
Les perspectives formulées par la société pour le quatrième trimestre se sont avérées un tantinet supérieures aux attentes. Le groupe prévoit un chiffre d'affaires de 11,96 milliards de dollars, une croissance de 16,7%, et un bénéfice par action de 5,45 dollars. Le consensus Visible Alpha attendait des revenus de 11,93 milliards de dollars et un bénéfice par action de 5,45 dollars.
"En dehors des questions sur les impôts, l'activité cœur du métier du groupe se porte très bien", tranche Dan Coatsworth, d'AJ Bell.
Cet expert de marché juge toutefois que toute l'attention des investisseurs se tourne vers WBD. Et la question de savoir si, in fine, ce n'est pas Paramount Skydance qui rachètera le groupe. Mais potentiellement Netflix lui-même.
"Malgré sa forte position sur le marché, Netflix ne peut se permettre de relâcher ses efforts. C'est pourquoi des rumeurs circulent selon lesquelles Netflix pourrait être intéressé par le rachat de Warner Bros. Discovery, qui s'est mis en vente", explique Dan Coatsworth.
Ce dernier note que la direction de Netflix a un peu tourné autour du pot sur ce sujet, lors de la conférence téléphonique de mardi soir, avec les analystes. Selon Reuters, le directeur général, Ted Sarandos, a expliqué que la société se montrerait "exigeante" sur de potentielles acquisitions, qui excluraient des réseaux télévisés traditionnels mais pourraient concerner des licences. Le co-directeur général, Greg Peters, a lui assuré que la consolidation des médias aux États-Unis ne compliquerait pas l'équation pour Netflix.
Pour Dan Coastsworth "acheter Warner Bros Discovery représenterait un changement radical de stratégie". "D'un côté, cela donnerait à Netflix accès aux droits des films, séries télévisées et produits dérivés de Harry Potter, ce qui correspond exactement au type de contenu qu'il pourrait et voudrait exploiter. En revanche, certains éléments de la cible envisagée ne conviendraient pas, notamment CNN. C'est pourquoi il est plus probable que Netflix ne souhaite acquérir qu'une partie de Warner Bros Discovery, et non l'ensemble", conclut le spécialiste de marché.